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Pour les passionnés de motos de course classiques

Photos : Didier Constant, Bikerspix.com, Diana Rauch, Laurent Morliere, Stéphane Van Gelder, Morgan Mathurin, Raymond Papanti, Jonathan Godin, DR.

Un événement incontournable

Aujourd’hui, la Sunday Ride Classic (SRC) est un rendez-vous incontournable de la scène de la moto classique. Un événement qui puise son origine dans la passion de quelques fadas de la Côte d’Azur. Passion pour les motos de Grands Prix des années glorieuses, pour les pilotes légendaires qui nous ont fait rêver, mais aussi pour le Paul Ricard, un circuit mythique vénéré par tous les motards de la région et d’ailleurs.

Comme beaucoup d’événements moto dignes de ce nom en France, la Sunday Ride Classic s’épelle en anglais. Il faut dire que « La balade du dimanche en classique » c’est tout de suite moins sexy. Ça ne fait pas forcément rêver. Même si ça décrit bien l’événement.

La SRC est un rendez-vous bimestriel lancé il y a une petite dizaine d’années par Jean-Pierre Bonato, ex-responsable des communications chez Aprilia et Voxan. Depuis 2007, les collectionneurs de Youngtimers (les motos des années 80) de la région Provence/Côte d’Azur se retrouvent à l’entrée du circuit varois tous les premiers dimanche de chaque mois pair pour célébrer la moto ancienne. Là, on croise des GSX-R originales, des CBX rutilantes, des 750 Four magnifiquement restaurées, des H2 divines bichonnées par leur propriétaire, des Gamma 500, des FZ750, des 900 Ninja, des 916 mais aussi, plus rares, des GT750 (la fameuse bouillotte) et d’innombrables bitzas réalisés avec soin et amour par des amateurs passionnés. L’événement ayant grossi en popularité, on y trouve de plus en plus de motos modernes. La rançon de la gloire ?

Ambiance SRC

Ambiance SRC : pré-grille démonstration Superbike

Depuis 2009, la Sunday Ride Classic c’est également un rendez-vous annuel. Il a lieu à la mi-avril, sur le circuit du Castellet. C’est la fête de la moto sportive classique. On y vénère les pilotes de l’âge d’or des GP, les Giacomo Agostini, qui y est présent presque chaque année, Freddie Spencer, Christian Sarron, Steve Baker, Kork Ballington, Phil Read, Jim Redman, mais aussi la fine fleur des pilotes français des années 70/80 qui étaient honorés cette année. Il y avait bien entendu Bernard Fau (qui vient de sortir un magnifique film intitulé « Il était une fois le Continental Circus », Eric Saul (l’organisateur de l’International Classic Grand Prix / ICGP), Hubert Rigal (le gérant de l’écurie « Classic Motorbikes), Jean-Louis Tournadre (premier pilote français Champion du monde en 1982), Guy Bertin, Jean-François Baldé, Hervé Moineau, Philippe Coulon, Gérard Coudray, Jean-Michel Mattioli, Alain Genoud et bien d’autres. Sans oublier Régis Laconi (ex-pilote de GP et de SBK), Loris Baz (pilote de l’écurie Avintia/Ducati de MotoGP) et Johann Zarco (le Champion du Monde Moto2). Au total, un plateau représentant des dizaines de titres de champion du Monde, toutes disciplines confondues : MotoGP, Moto2, Superbike, Endurance.

Giacomo Agostini

Giacomo Agostini et sa TZ 700 victorieuse à Daytona, en 1974

Ce qui distingue la SRC des autres événements classiques sur piste, c’est la tenue de courses de différentes séries : Championnat de France Pro Twin, Pro Classic, Racing Side-car Mania, ICGP et European Classic Series (endurance). Au total, 11 courses sont présentées durant le week-end et une vingtaine de démonstrations réparties en cinq catégories. Sans oublier un salon regroupant 14 constructeurs qui font essayer leurs motos 2016, des séances de dédicaces avec vos pilotes préférés, les Moto2 Tech 3 présentées par Guy Coulon et une expo sur les plus belles motos Françaises de Grand Prix.

Pour cette 8e édition, le soleil était au rendez-vous, comme d’habitude au circuit du Castellet. C’est l’autre spécificité de la SRC. La température idéale et le décor sublime. Cette année, plus de 20 000 spectateurs ont assisté aux festivités. Ce succès qui ne se dément pas tient à l’excellence du spectacle offert mais aussi à la qualité du plateau, comme le souligne Jean-Pierre Bonato : « la Sunday Ride Classic est un événement qui regroupe toutes les expressions de la moto à travers les âges. On va aussi bien y croiser Agostini avec la 700 TZ avec laquelle il a gagné Daytona en 1974, que Johann Zarco qui va rouler sur 500 2 temps Suzuki d’usine de 1998. Il y a aussi les collectionneurs, le village avec ses centaines d’exposants. Tout cela fait un week-end très plein, très dense, dans le magnifique cadre du circuit Paul Ricard, sous le beau soleil de Provence. »

Sarron (3) et Zarko (5) sur leurs 500 de GP

Zarco (5) et Sarron (3) sur leurs 500 de GP des années 90.

Et moi et moi et moi…

La SRC je m’y intéresse depuis quelque temps déjà et que je me promettais d’y assister. Et c’est chose faite désormais. Cette année j’y participe dans deux catégories démonstrations : moto de tourisme 4 temps, sur une Honda CB125 S3 Challenge du DdMotoTeam et moto de Superbike et d’endurance, sur une Ducati Panigale 899 de 4G Moto/Freddie Spencer Riding School. La numéro 19. Celle de Freddie qui me la prête pour l’occasion !

Le DdMotoTeam c’est une équipe de passionnés regroupée autour d’André Talichet, distributeur de pièces neuves d’origine pour Honda des années 70 à 90 à Saint-Jean-La-Bussière, dans le Rhône. Elle engage une Honda CB900F Bol d’Or à cadre Nico Bakker et moteur de CB1100R dans le championnat European Classic Series, laquelle est confiée à Joël Guilet, pilote et technicien émérite à l’origine de l’aventure Écureuil au Paris-Dakar, entre autres choses, et à Julien Peter, un jeune suisse qui va bien. Le DdMotoTeam a aussi préparé une Honda CB125 S3 pour Joël afin qu’il puisse rouler avec les Amis du Challenge Honda 125 D3 et CBN, une association à laquelle j’appartiens également. Joël étant indisponible, André et lui m’ont proposé de piloter sa CB125 S3, ma N n’étant pas prête pour la SRC.

La Honda CB900F de l'équipe DdMotoTeam

La Honda CB900F de l’équipe DdMotoTeam

Même si je suis souvent allé au Ricard et que j’y ai fait courir des équipages au Bol d’Or (1988 et 1989), je n’y ai jamais roulé. C’est donc une nouveauté pour moi. La piste est longue : 5,861 km. Avec une ligne droite interminable de 1,8 km, appelée le Mistral et 12 virages si on compte les esses de Méjanes qui coupent le Mistral en deux. En arrivant dans cette chicane pour la première fois, je suis un peu déçu de ne pas pouvoir négocier le Mistral dans son intégralité. Je rêvais de le prendre à fond, couché sur le réservoir, combattant la pression du vent, pour me relever à près de 300 km/h au freinage de Signes. Ça sera pour une autre fois. Dommage ! Surtout que ce pif paf n’apporte pas grand-chose et n’est pas très intéressant.

Didier sur la 125 S3 DdMotoTeam au Paul Ricard

Didier sur la 125 S3 DdMotoTeam au Paul Ricard

La S3, si elle n’est pas idéale pour apprécier la rapidité du tracé, facilite l’apprentissage. Elle permet de bien observer la piste et son dessin. De détailler les virages, les bosses et les zones à l’adhérence douteuse. On a même le temps de compter les graviers dans le bitume. En revanche, après quelques tours, je commence à m’endormir un peu. Il est temps de repasser sur la Ducati.

Les premiers tours de roue au guidon de la Panigale sont prudents. J’essaie de reconnaître et de mémoriser le tracé à vitesse normale. De trouver les bonnes trajectoires. Le circuit est relativement plat et offre peu de repères visuels. Les grandes zones bleues et rouges qui bordent le pourtour du tracé rendent la lecture de la piste difficile mais facilitent l’apprentissage dans la mesure où l’on a moins peur de manquer un freinage ou d’arriver trop vite. Les zones de dégagement sont très larges et en asphalte. Si on se loupe, il suffit de continuer tout droit en ralentissant. Le tout étant de ne pas paniquer.

Le Ricard n’est pas extrêmement technique, mais très rapide. Cependant, il présente quelques difficultés, notamment le droit de Signes que l’on négocie à une vitesse vertigineuse et le double droit du Beausset dans lequel on peut choisir plusieurs trajectoires. Dans mon cas, c’est en me faisant dépasser comme si j’étais à l’arrêt par Gérard Coudray (ancien officiel Honda en Endurance), sur sa Honda RC30, que j’ai découvert la façon la plus efficace de négocier ce virage technique qui détermine votre rythme. Il est suivi par quatre courbes relativement rapides, jusqu’au virage du Pont qui mène à la ligne droite des puits avant d’attaquer les esses de la Verrerie. La troisième difficulté du circuit. Un pif paf qui demande un certain engagement physique et un gros cœur pour être négocié rapidement. Pour le reste, c’est-à-dire les esses de la Sainte-Beaume, le virage de l’école et les esses de Méjanes, rien de trop compliqué.

Didier sur la Panigale 899 4G au Paul Ricard

Didier sur la Panigale 899 4G au Paul Ricard. Photo © Diana Rauch

Durant les deux jours de la SRC, j’ai eu le temps d’apprendre, de me familiariser. Je finis même par avoir un rythme décent, mais pour aligner des temps dignes de ceux que Miguel et les pilotes de pointe enregistreront au Bol d’Or Classic, il va falloir que je me crache dans les mains. C’est alors que Bernard Garcia, le boss de 4G Moto m’invita à rester une journée de plus pour prendre part au roulage qu’il organisait le lundi et auquel près de 200 pilotes étaient inscrits.

Roulage intensif avec 4G Moto

Bernard, pour ceux qui ne le connaîtraient pas, c’est une perle ! Marseillais d’origine, c’est un homme qui a le cœur sur la main. Un passionné. Et un grand pilote qui, avec son frère Marc, a couru en GP 500 dans les années 90. Il a eu Freddie Spencer comme coéquipier, en 1993, au sein de l’écurie Yamaha Sonauto. C’est tout dire ! Ce qui explique leur collaboration au sein de l’école Freddie Spencer Riding School/4G.

Aujourd’hui encore, Bernard est capable d’enfumer de nombreux aspirants coureurs, surtout au Castellet, son circuit fétiche. Et s’il m’aide en me permettant de prendre part à la SRC, mais aussi à son roulage, c’est parce qu’on est amis. Il n’y a aucun calcul. Aucune intention cachée.

Belle brochette de pilotes : Todesci (21), Herhard (27), Spencer (19), Xaus (11), Baz (76), Laconi (55) et  Jean

Belle brochette de pilotes : Todesco (21), Herhard (27), Spencer (19), Xaus (11), Baz (76), Laconi (55) et Guillaume Jean

Le matin, quand j’arrive dans le box de 4G Moto, en plus de Bernard, il y a Hervé Moineau, le multiple champion du monde d’endurance, avec Suzuki. Il travaille aujourd’hui avec l’école de Philippe Monneret, également présent, qui est basée au Castellet. Jean-Marc Manuguerra, le patron de LS2 France qui enseigne également à Easy Monneret est aussi de la partie. Ce sont eux qui animent le meeting des pilotes et guident les groupes autour du circuit de 3,8 km (on ne prend pas le long circuit pour les roulages) lors de leur première sortie. Question de montrer les trajectoires aux participants, mais surtout de canaliser leurs ardeurs.

Dans mon groupe, j’ai la chance de compter plusieurs champions dont Ruben Xaus, Régis Laconi, Loris Baz, Yani Todisco et Dario Marchetti qui donnent des baptêmes de piste à des néophytes, principalement des filles (courageuses !) ou des stages de pilotage semi-privés (coaching). En les suivant, même de loin, je découvre des trajectoires inédites, mais surtout le rythme qui convient sur ce circuit. Et bien qu’ils ne soient pas au maximum de leur potentiel, ils vont vite ! Très vite même !

Rueben Xaus et sa passagère lors d'un baptême piste

Rueben Xaus et sa passagère lors d’un baptême piste. Photo © Diana Rauch

Dans la journée, j’ai l’occasion de compléter six séances de 20 minutes en piste. Dont deux avec mon ami Alain Leclaire, un pilote de la génération Continental Circus et proche de Michel Rougerie. Alain a pris sa retraite en 1979, après le Bol d’argent, au Castellet. Et il n’a pas remis les roues sur un circuit depuis. Quand Bernard le rencontre et le voit baver d’envie, il décide de lui prêter une Ducati et tout l’équipement puis lui offre deux séances en piste. Gratuitement. Malgré une retraite de 36 ans, Alain retrouve instantanément les trajectoires et le rythme sur le Paul Ricard, même si le tracé a légèrement changé depuis 1979. Ses yeux pétillent lorsqu’il descend de la moto après sa première sortie. On dirait un gosse devant le sapin de Noël. Bernard le regarde avec un grand sourire. Il sait ce qu’Alain ressent.

À la fin de cette journée, j’ai retranché environ quatre secondes à mes temps de la veille et je me sens nettement plus à l’aise sur le Ricard. Si je parviens à venir y rouler deux ou trois fois d’ici septembre, je devrais être en mesure de réaliser des chronos honorables et ne pas faire honte à Miguel au Bol d’Or Classic. Mais ça, c’est une autre histoire…

Galeries

SRC 2016

Roulage 4G

Vidéoclips

Reportage de Motorlive TV

Yamaha Historic Racing Team Hits the Track

Les petits monos au Sunday Ride Classic 2016 (Honda CB125 S3 et CB125 N)

Honda, la passion de la course