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Retour du Bol d’or au Castellet : la victoire pour Kawasaki, le titre mondial pour Suzuki

Photos : © Didier Constant, Marc Constant, Nathalie Renaud, David Reygondeau/Good Shoot, SERT, Kawasaki SRC, Honda Endurance Racing

La 79e édition en bref

Absent du Castellet depuis 2000, le Bol d’or effectuait cette année un retour attendu sur le tracé varois, l’un des plus beaux d’Europe. Après 16 années à Magny-Cours, la classique était en perte de vitesse et avait besoin de sang neuf. Le changement a été salutaire et cette 79e édition a été un succès sur toute la ligne puisque pas moins de 74 000 spectateurs y ont assisté. Une édition courue sous un ciel bleu et un soleil radieux.

Sur le plan sportif, le Bol d’or 2015 a été remporté par l’écurie Kawasaki SRC. L’équipage constitué de Gregory Leblanc, Fabien Foret et Matthieu Lagrive gagne ainsi la classique pour une quatrième fois d’affilée. Il s’agit de la onzième victoire de Kawasaki dans une course de 24 heures.

La course a été marquée par de nombreux coups de théâtre, lesquels n’ont pas épargné l’équipe de Gilles Stafler. L’épreuve a bien commencé pour la ZX-10R, Gregory Leblanc prenant la tête dès le deuxième tour suite à la chute de David Checa sur la Yamaha R1 du GMT94. Mais un mauvais choix de pneus — ils n’étaient pas adaptés à la piste refroidie par le mistral —, une panne de carburant à la fin d’un relais et un bris de chaîne secondaire ont troublé le plan de course de l’équipe française. Heureusement pour les Verts, les problèmes ont également pénalisé leurs concurrents. Gregory Leblanc, Matthieu Lagrive et Fabien Foret ont néanmoins réussi à gérer la pression et ont su mener leur course pour obtenir leur première victoire de la saison.

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David Checa sur la Yamaha R1 du GMT porte sur son cuir les stigmates de sa chute au premier tour

En deuxième position, on retrouve la R1 du team Yamaha GMT94 qui a effectué une remontée héroïque après la chute de Checa dans le premier tour, laquelle relégua la Yamaha à plus de 5 tours des meneurs. L’équipage composé de David Checa, Kenny Foray et Mathieu Gines a fait preuve d’une grande détermination et d’un esprit de corps incroyable pour remonter de façon spectaculaire. Repartie de la dernière position, la R1 jaune termine sur les talons de la Kawasaki. « Une telle chute crée une cohésion formidable de l’équipe », a déclaré Eric de Seynes, le patron de Yamaha France et membre du comité exécutif Yamaha Europe. «C’est la magie de l’Endurance ».

La GSX-R 1000 du SERT (Suzuki Endurance Team) s’empare quant à elle de la troisième position. Une performance brillante pour l’équipe Suzuki composée de Vincent Philippe, Anthony Delhalle et Etienne Masson qui s’adjuge le titre mondial de la discipline pour une 14e fois. Pour Vincent Philippe, qui s’est fait une frayeur (écrou de roue arrière desserré dans le Mistral) et a frôlé la chute, il s’agit d’un neuvième titre de Champion du monde d’endurance, un record.

« Il parait que plus on est jeune, plus on a faim de victoire, mais je peux vous assurer que c’est exactement pareil à mon âge! » a déclaré Dominique Meliand, le patron du SERT. « Ce 14e titre goûte aussi bon que notre premier. Et pour tous ceux qui ont rejeté la GSX-R1000, ce titre prouve que c’est encore une machine à gagner! Je suis très, très heureux. L’année 2015 a été très bonne  pour nous; finir sur le podium aujourd’hui et gagner le Championnat du monde d’Endurance est parfait pour Suzuki Motor Corporation et tous nos sponsors! »

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Vincent Philippe à l’attaque sur la GSX-R1000 du SERT remporte son 9e titre de Champion du monde

La longue ligne droite du Mistral (1,8 km) a fait de nombreuses victimes, surtout en seconde moitié de course. À l’arrivée, près du tiers des cinquante-cinq équipages en lice sont absents. Dont plusieurs écuries de pointe qui ont été contraintes à l’abandon. Ce fut le cas de la Honda officielle n° 111, longtemps en tête de l’épreuve, de la Yamaha R1 n° 7 de l’écurie autrichienne YART qui a animé la course jusqu’aux petites heures du matin et de la Suzuki Superstock n° 72 du Junior Team qui a mené les premiers tours avec brio.

On peut donc conclure que cette 79e édition est réussie et que le retour au Paul Ricard est un succès, malgré certains petits problèmes d’organisation que les promoteurs ne manqueront pas de corriger pour le 80 anniversaire de la classique, en 2016.

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Les origines de ma passion pour le Bol d’or

Le Bol d’Or et moi, c’est une longue histoire d’amour. Fan d’endurance depuis ma plus tendre enfance, je suis tombé sous le charme du Paul Ricard en 1986, lors de ma première visite au circuit varois, en tant que jeune journaliste. Un vrai coup de foudre. Le Castellet est une piste magique logée sur le plateau du Camp, entre Marseille et Toulon, au pied de la Sainte-Victoire et de la Sainte-Beaume, deux montagnes qui délimitent son environnement immédiat. Blotti au cœur d’une immense pinède, le circuit long de 5,861 km est mondialement connu pour sa mythique ligne droite du Mistral qui mesure près de 1800 mètres, au bout de laquelle les motos atteignent près de 330 km/h. Les moteurs y sont en pleine charge pendant de longues secondes, lesquelles semblent durer une éternité. On les entend hurler de douleur sous la pression. Certains surchauffent, cassent. Les chaînes sont soumises à des tensions énormes. Tout comme les suspensions, les pneumatiques et l’ensemble de la partie cycle. La mécanique souffre énormément. L’Endurance porte bien son nom.

Puis arrive la courbe de Signe, un grand droit rapide que les pilotes négocient la tête dans la bulle, en ralentissant à peine. Impressionnant! Ajoutez à cela la chaleur provençale, le soleil omniprésent, le chant des cigales, l’odeur des pins, la magie de la nuit et vous obtenez une ambiance magique. Un festival de sons, d’odeurs et d’images qui s’impriment dans votre cerveau à jamais.

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Yvon Duhamel au Bol d’or 1988 sur la Honda RC30 Winners/Ipone

En 1988, je revenais au Castellet, mais cette fois-ci en tant que team manager de l’équipe Honda Winners/Ipone mettant en vedette Yvon Duhamel et ses deux fils, Mario et Miguel, alors inconnus en Europe. Un projet inédit que j’ai initié durant l’hiver 1987/1988. Après des mois de démarches, j’ai réuni suffisamment de fonds pour prendre part au Bol dans les meilleures conditions possibles, pour une équipe semi-officielle s’entend. Grâce au soutien de Honda France, de Winners, un concessionnaire Honda de la région parisienne aujourd’hui fermé, des lubrifiants Ipone, de Michelin et d’autres commanditaires, nous nous sommes retrouvés Yvon, Miguel, Mario et moi, entourés de nos proches, au circuit Paul Ricard pendant près d’un mois avec une équipe technique chevronnée issue du Moto Club Courneuvien de Pierre Cascarino, un personnage incontournable de l’Endurance à cette époque-là. Dès les premiers essais privés avec Honda France, Miguel et Mario ont impressionné les observateurs tandis qu’Yvon les charmait par son charisme, ses performances et son accent. Yvon est une légende en France. Sa réputation remonte à ses prestations au Continental Circus et aux classiques européennes comme le Moto Journal 200, les 200 Miles d’Imola, les 24 Heures du Mans et le Bol d’or. Qualifiée en septième position, juste derrière les six motos d’usine, l’équipe Honda Winners/Ipone terminait en septième position d’une course écourtée par un orage torrentiel, et premier équipage privé. Quelques minutes avant l’interruption de la course, elle évoluait en cinquième place, un arrêt aux stands pour ravitailler lui faisant perdre deux places.

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24 Heures du Mans 1989: de gauche à droite — Denis Royer, Michel Galbit, Benoit Pilon, Jean Paquet, Jacques Guénette Jr., Pascal Picotte, Richard Hubin, Yvea Brisson, Doug Toland

Fort de cette expérience, je revenais en 1989, avec l’écurie AROM à titre de gérant. Nous avons participé aux trois classiques du Championnat du monde d’endurance, les 24 Heures du Mans moto, les 24 Heures de Spa et le Bol d’or. Nous avons engagé trois Honda RC30 confiées à de jeunes pilotes canadiens (Pascal Picotte, Yves Brisson, Steve Crevier, Denis Royer, Jean Paquet, Jacques Guénette Jr, Benoit Pilon), secondés par des stars de l’Endurance mondiale, dont les Belges Richard Hubin, Champion du monde de la discipline en 1983, sur une Kawasaki officielle, Michel Siméon et Michel Simul, les Français André Lussiana et Michel Galbit ainsi que l’Américain Doug Toland qui sera titré en 1993 sur une Kawasaki. Nous avons réalisé une septième position au Mans (Hubin/Toland/Guénette), à Spa (Hubin/Siméon/Simul) et une huitième au Bol.

Ce retour au Castellet, 26 ans après ma dernière participation au Bol d’or, constitue un véritable pèlerinage pour moi. Il m’a permis de revivre des émotions très fortes, en plus de retrouver de vieux complices de l’Endurance. Des gens avec lesquels j’ai vécu des moments magiques. J’y retournerai l’année prochaine, mais comme compétiteur cette fois-ci. Je compte bien, en effet, disputer le Bol d’or Classic avec un coéquipier prestigieux — vous en saurez plus bientôt — sur une Honda RC30, comme au bon vieux temps 😉

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Photos : © Didier Constant, Marc Constant, Nathalie Renaud, David Reygondeau/Good Shoot, SERT, Kawasaki SRC, Honda Endurance Racing

Bol d’or 1988 — Équipe Honda/Winners/Ipone Duhamel

Photos © Didier Constant et Bruno Laurent

Bol d’or 1989 — Team Honda AROM

Photos © Didier Constant

Vidéoclips Bol d’or 2015