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1985-2015 : le 30e anniversaire du doublé historique

Photos Didier Constant, Honda Racing Corporation, Yamaha Motor Co. Ltd, Stan Perec, Andrew Northcott et DR

Je connais Freddie depuis 1985. Jeune journaliste, je l’avais rencontré au GP de France au Mans où il venait de remporter deux victoires d’anthologie, en 250 et en 500. En quart-de-litre, il avait battu Anton Mang dans une manœuvre audacieuse à deux tours de l’arrivée. Puis, quelques heures plus tard, il remportait une superbe victoire en 500 devant Raymond Roche, survolté devant son public et Randy Mamola, batailleur comme toujours. Par la suite, j’ai participé à son école, à Las Vegas, à quatre reprises de 2004 à 2008. Depuis, nous nous croisons occasionnellement lors d’événements de motos classiques.

Freddie a 53 ans — il est né la même année que mon frère Marc qui le vénère — et il a bercé ma jeunesse de ses exploits. C’est encore un jeune homme pour moi. Et quand je le suis en piste, à son école, je ne peux m’empêcher de le revoir en action, en Grand Prix, comme si c’était hier.

Pourtant, le temps est implacable, même pour les célébrités. Ainsi, 30 ans après son fait d’armes historique, Freddie Spencer est quasiment inconnu auprès d’une grande partie des jeunes motocyclistes, lesquels ne réagissent même pas à l’évocation de son nom. En revanche, pour les gens de ma génération, c’est une légende vivante. Une icône ! À 21 ans et 258 jours, il fut le plus jeune champion du Monde en catégorie reine et conserva ce record pendant 28 ans, avant que Marc Marquez le batte, en 2013.

Aujourd’hui, Fast Freddie est un préretraité. En dehors de partager son énorme expérience avec ses élèves à l’école Freddie Spencer Riding School par 4 G, il parcourt l’Europe pour participer à des rendez-vous de motos classiques (Coupes Moto Légende à Dijon, Sunday Road Classic au Castellet, Bikers Classic à Spa, Goodwood Festival of Speed dans le Sussex de l’Ouest, World GP Bike Legends à Jerez). Toujours apprécié pour son sourire, sa disponibilité… et son sens du spectacle sur la piste, il est encoure un des favoris de la foule. Il assiste également à certains GP où il est invité et participe en outre à des activités promotionnelles pour Honda, Bridgestone , Alpinestars ou Arai, ses commanditaires personnels, pour certains depuis ses débuts. Pas de repos pour les héros! Pour le reste, Freddie Spencer partage son temps entre Marseille, Londres où il loue un appartement avec sa femme Alexandra et la Louisiane, où réside sa sœur.

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Freddie en action sur le circuit Ricardo Tormo de Valencia, Espagne, dans le cadre de son école de pilotage

Un début de carrière fulgurant

Né le 20 décembre 1961, à Shreveport, Louisiane, Freddie Spencer, surnommé « Fast Freddie » est initié très tôt par son père et ses frères à la moto qui devient une véritable vocation pour lui. À l’âge de cinq ans, il débute sa carrière motocycliste en short track et en dirt track, disciplines dans lesquelles il connait rapidement le succès. En 1978, alors qu’il n’a que 16 ans, il s’adjuge le championnat AMA 250 en catégorie Novice, remportant les 12 épreuves au calendrier sur une moto qu’il a adorée, la Yamaha TZ250. En 1979, il est champion en catégorie Expert, en gagnant toutes les courses, sauf une qu’il termine deuxième. Mais c’est l’année suivante, alors qu’il dispute alors le championnat Superbike de l’AMA, que Spencer se fait remarquer par les pontes de chez Honda, en remportant, pour ses débuts en Europe, deux manches du match Anglo-Américain (Match Races) devant Kenny Roberts et Barry Sheene, les stars de l’époque.

En 1981, l’usine Honda, absente des championnats du monde de vitesse moto depuis 1967, fait son grand retour à la compétition et engage le jeune Freddie Spencer en qui elle perçoit un talent prometteur et un futur champion. C’est le début de la légende.

En 1982, Spencer participe à l’intégralité du Championnat du Monde et termine troisième au classement général derrière Franco Uncini qui remporte le titre pour Suzuki et Graeme Crosby, sur Yamaha, mais surtout devant Kenny Roberts, également sur Yamaha. Le 4 juillet de cette même année, date de la fête nationale américaine, à Spa, en Belgique, Spencer devient le plus jeune vainqueur d’un GP500, un record qui a tenu 31 ans, jusqu’à la victoire de Marc Marquez à Austin, en 2013.

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Freddie en position de recherche de vitesse à Monza, en 1983

L’année 1983 sera déterminante pour Freddie. Au guidon de la Honda NS500 3 cylindres, une moto aboutie et équilibrée quoique moins puissante que le V4 Yamaha, il remporte son premier titre mondial en 500, battant son ennemi juré Kenny Roberts par seulement deux petits points. Roberts quittera le monde des Grands Prix à l’issue de cette saison sur une ultime victoire au GP de Saint-Marin.

Ce titre devant la vedette du Continental Circus, père de l’ère moderne des Grands Prix et de la professionnalisation du sport, scellera sa propre épopée. Mais c’est aussi à cette occasion que Spencer réalise que la compétition, ce n’est pas seulement remporter des courses — c’est essentiel, bien sûr —, mais surtout tisser des liens indéfectibles.

« La semaine où j’ai remporté mon premier titre, à Imola, en 1983, j’ai été invité par M. Soichiro Honda, à son domicile. Je ne l’avais jamais croisé auparavant, mais je savais que cette rencontre était l’une des plus importantes de ma vie. “Merci d’avoir réalisé mon rêve” me dit-il en me tendant la main. “Merci de m’avoir aidé à réaliser le mien” lui ai-je alors répondu. », raconte Freddie encore ému.

L’année 1984 ne se passe pas aussi bien que prévu pour Spencer qui inaugure la nouvelle NSR500 quatre cylindres. Kenny Roberts n’est certes plus là, mais il est remplacé au sein de l’écurie Yamaha/Marlboro par un jeune Américain prometteur du nom d’Eddie Lawson. Lequel pilote la nouvelle Yamaha OW76 à moteur V4 qui se révèle être une redoutable machine de course. Dès le GP d’Afrique du Sud, Spencer doit composer avec une moto mal née qui demande un énorme travail de développement. Il chute en qualification, roue arrière (en carbone) explosée et ne peut prendre part à l’épreuve.

La NSR500 1984 a été développée par l’ingénieur Shinichi Miyakoshi, le concepteur du trois-cylindres de la NS500 avec laquelle Spencer a remporté le championnat en 1983. Son réservoir à essence était logé sous le moteur, afin d’abaisser le centre de gravité au maximum. Sauf que la moto n’est pas l’automobile. « Cette solution intéressante sur papier ne fonctionnait pas sur la première NSR500, reconnait Freddie. Nous en avons tiré les leçons, mais ça m’a coûté le titre en 1984. »

Il termine la saison en quatrième place du championnat, derrière Eddie Lawson, titré à sa deuxième saison en 500, Randy Mamola (Honda NSR500) et Raymond Roche (Honda NS500). Une saison à oublier pour « Fast Freddie »? Pas complètement, car elle a été riche d’enseignements et lui a permis de préparer l’avenir… et d’asseoir son mythe.

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Freddie sur la NSR250, une de ses motos préférées, en 1985

 1985 : l’année de tous les exploits

« La décision de tenter le pari d’un doublé 250/500 a été prise tôt dans le courant de la saison 1984, se souvient Freddie. En fait, c’est au GP d’Allemagne, au Nurburgring que j’ai réalisé que le titre était perdu. Lawson et sa Yamaha étaient imbattables et le développement de la NSR prenait du temps. Nous étions partis sur de mauvaises bases et nous avons commis quelques erreurs en cours de route. À cette époque-là, Honda n’avait pas de machine d’usine en 250. Le HRC planchait sur un V2. Anton Mang était pressenti pour piloter ce prototype la saison suivante, mais Honda voulait un second pilote pour accélérer le développement de cette machine. Après en avoir discuté avec Erv (Kanemoto) et les gens du HRC, j’ai décidé de tenter l’expérience. » C’est ainsi que Freddie se retrouve avec un défi de taille à l’aube de la saison 1985.

Il débute celle-ci en lion. Au début du mois de mars, il domine outrageusement la semaine de la moto à Daytona où il décroche la Triple Couronne en remportant les trois principales courses de la classique floridienne : 200 Miles, GP250 et Formula One. C’est une véritable razzia. Personne n’est en mesure de lui résister.

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À fond dans le «banking» de Daytona en Formula One

Le 23 mars 1985, quand s’ouvre la saison de Grand Prix au circuit de Kyalami, Afrique du Sud, Spencer poursuit sur sa lancée victorieuse en gagnant le premier GP 250 de l’année sur la toute nouvelle Honda NSR250, une moto inédite développée durant l’hiver en collaboration avec Erv Kanemoto, son préparateur de l’époque. Lors du Grand Prix suivant, à Jarama, en Espagne, il s’impose en 500 cc. Et sa domination va se poursuivre durant toute la campagne. Au terme des 12 GP de cette saison, il compte sept victoires en 250 cc et autant en 500 cc, dont quatre doublés, incluant celui du GP de France auquel j’assistais et où je l’ai rencontré pour la première fois. C’est lors de cette saison qu’il mérite son deuxième surnom : E.T., ou l’extra-terrestre!

« Quand j’ai annoncé mon intention de disputer les deux catégories, on m’a traité de fou, de casse-cou, s’amuse Freddie. Il est vrai que mathématiquement, le risque était multiplié par deux. Plus on roule, plus il peut arriver d’imprévus. Cependant, physiquement, j’ai trouvé l’expérience moins exigeante que ce à quoi je m’attendais. Il est vrai que je m’étais bien préparé durant l’intersaison. Je ne regrette absolument pas ma décision. C’était un beau défi. Et un beau doublé! »

En 1985, Spencer a une fois de plus comblé M. Soichiro Honda. « C’était au GP d’Espagne, le dernier auquel M. Honda ait assisté, je crois. Le matin de la course, je suis tombé durant les essais, mais j’ai quand même remporté l’épreuve, avec une main cassée. J’étais sur la plus haute marche du podium. Il bruinait. Je regarde dans la direction de M. Honda, au pied du podium. Il avait les larmes aux yeux. Il était déjà malade et à ce moment-là, j’ai réalisé qu’il y avait des choses plus importantes que la course dans la vie. Même si je savourais ma victoire. »

Laguna Seca, 1989

À Laguna Seca, en 1989, lors d’une de ses rares courses avec l’écurie Yamaha/Marlboro d’Agostini

 La fin de carrière

Freddie paiera cependant son exploit lors de la saison 1986. Après s’être décommandé à plusieurs reprises durant l’hiver (essais au Brésil et au Japon, courses à Daytona) — on parle alors d’une mystérieuse maladie des os — Spencer débute la saison 86 à Jarama, en Espagne avec la pole position, devant son nouveau coéquipier Wayne Gardner et Eddie Lawson. En course, il sera néanmoins contraint à l’abandon, victime de crampes aux avant-bras. On pense alors qu’il s’agit d’une tendinite, mais le mal mystérieux dont souffre E.T. ressemble davantage au syndrome des loges, un problème courant chez les pilotes de Grand Prix modernes, doublé de douleurs au poignet. Sa saison sera ruinée et il ne disputera que deux Grands Prix cette année-là (Espagne, Autriche).

En 1987, il tente un retour, mais termine 20e du championnat 500.

En 1988, il suspend momentanément sa carrière pour raisons physiques et revient l’année suivante chez Yamaha dans le team Agostini. Il sera congédié en cours de saison, faute de résultats probants.

Entre 1990-1992, il interrompt à nouveau sa carrière pour revenir en 1993 dans l’écurie Yamaha Motor France, en compagnie de Bernard Garcia. Ce sera son ultime saison en Grand Prix. Ces trois come-back consécutifs qui ont constitué autant d’échecs n’ont cependant pas altéré sa réputation ni entamé l’amour que lui vouent ses fans.

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En lutte avec l’Anglais Niall McKenzie, Daytona 200 Miles 1991

Dans les années 90, Freddie dispute sporadiquement le championnat Superbike de l’AMA (American Motorcyclist Association). En 1991, il termine huitième sur une Honda RC30 de l’écurie Two Brothers Racing, puis gagne une position en 1992 sur la même machine. En 1995, après sa retraite des GP, il relève le défi sur une Ducati 916 de Fast By Ferracci Ducati avec laquelle il s’adjuge la neuvième position au championnat. Il enregistrera sa dernière victoire en carrière cette même année, à Laguna Seca, sous la pluie, 16 ans après sa première victoire dans le championnat 250 de l’AMA. Un autre record.

Spencer mettra un terme définitif à sa carrière en 1996 et se consacrera à son école de pilotage qu’il ouvre la même année au Las Vegas Motor Speedway. Celle-ci fermera ses portes fin 2008, après 11 années de fonctionnement. Parallèlement, il devient analyste à Speed, une chaîne de télé américaine spécialisée en sports motorisés où il commente le championnat américain de Superbike, mais également les Grands Prix.

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Freddie avec son préparateur Erv Kanemoto, l’artisan de ses trois titres, à Daytona, en 1982

Freddie et la passion de la moto

Quand Freddie parle de son école, c’est toujours avec une certaine émotion. « Mon objectif est d’aider les motocyclistes qui viennent à mon école à croire en leurs capacités et à développer leur potentiel. À ne faire qu’un avec leur moto jusqu’à ce qu’elle devienne une extension d’eux-mêmes. On a tous un talent inné. Dans mon cas, je suis persuadé que j’ai été mis sur terre pour piloter des motos de course. Pour devenir Champion du monde. Je me sens très privilégié d’y être parvenu. Dès le moment où j’ai commencé à rouler dans ma cour, quand j’avais quatre ans, j’ai réalisé que conduire une moto était une expérience très personnelle. Mystique, presque. Je roulais entre les arbres, faisant déraper la moto dans chaque virage, de plus en plus vite. Plus je pratiquais, meilleur je devenais. Mon but a toujours été de contrôler ma machine en toute occasion, de la mettre en glisse et de comprendre comment elle réagissait à mes commandes. J’adore cette sensation. Quand je suis arrivé en Grand Prix, je me suis efforcé de retrouver cette émotion. Quand on atteint un certain niveau de performance, l’important ce ne sont pas les titres, les médailles, la gloire. Ce qu’on cherche, c’est retrouver ce feeling. Sentir qu’on maîtrise et qu’on peut tout faire. Pour durer, il faut prendre plaisir dans ce qu’on fait. S’amuser aussi. »

Mais, même si Freddie est conscient de son talent inné, il avoue avoir travaillé fort pour le développer. « Un de mes points forts a toujours été ma capacité à changer de direction en milieu de virage et à accélérer tôt afin d’avoir une bonne vitesse en sortie de courbe. C’est le seul moyen de prendre l’avantage dans la ligne droite. J’ai commencé à travailler sur ce point très tôt dans ma jeunesse. Tout au long de ma carrière, à chaque changement majeur, et même contre Kenny [Roberts], je travaillais sur cet aspect particulier de mon pilotage. Cherchant comment je pouvais prendre l’ascendant sur lui et rester à son contact en virage. Je ne pense pas être meilleur pilote que Kenny ou que quiconque, mais personne ne travaillait plus dur que moi. J’étais acharné, déterminé. Et ça a payé. Particulièrement quand j’ai couru avec le V4. Tout le monde parlait de la supériorité de la Honda en vitesse de pointe, mais celle-ci résultait de la vitesse supérieure que j’obtenais en sortie de courbe. »

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Freddie arbore sa plaque N° 1 lors du GP d’Espagne, à Jarama, en 1986

En parlant de la NSR500, Spencer reconnait qu’il adore cette moto, encore aujourd’hui : « C’est ma moto de course préférée! Mais elle doit beaucoup à la NSR250, une excellente machine avec laquelle j’ai connu de très bons résultats. Grâce à cette machine, l’ingénieur Satoru Horike a eu la possibilité de concevoir une nouvelle NSR500 qui ferait oublier le modèle 1984, mal né. La géométrie de la 250 a permis de développer la 500 et d’en faire une moto qui a dominé son époque. Horike a pu mettre ses idées en valeur, sans s’appuyer sur un concept existant. Nous avions atteint les limites de développement du trois cylindres. Il fallait innover. Horike a dessiné un nouveau châssis et a confié à son assistant Suguru Kanazawa de mettre au point la tringlerie du bras oscillant Unit Pro Link. En ne fixant pas l’ancrage supérieur de l’amortisseur de façon rigide, il a permis à la NSR500 de mieux gérer les transitions en courbe et d’en faire une moto plus facile à piloter. »

« Réussir le doublé en 1985 a été fantastique, admet Spencer. C’est un exploit dont je suis très fier. Mais ce qui me comble aujourd’hui, c’est de réussir ma vie d’homme et ma vie de famille avec mon épouse Alexandra. C’est aussi de partager mon expérience avec tous les motards qui viennent suivre mes enseignements à l’école Freddie Spencer Riding School par 4 G. Je suis heureux de pouvoir transmettre ce que j’ai appris au cours de ma carrière à la nouvelle génération. »

Dans les années 2000, Freddie Spencer accueille plusieurs pilotes de Grand Prix et de Superbike AMA à son école, dont Nicky Hayden qu’il a aidé et conseillé à l’époque de son titre, mais aussi Bradley Smith, Jason Di Salvo et bien d’autres.

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Nicky Hayden, Champion du Monde MotoGP 2006, a bénéficié des conseils de Freddie Spencer, à son école

Il suit également les Grands Prix avec assiduité et analyse les performances des pilotes avec acuité et passion. Comprenant les enjeux auxquels ils font face, mais aussi leurs désirs, leurs craintes, leurs forces et leurs faiblesses. L’écouter parler des problèmes de Lorenzo, l’an dernier, est édifiant.

« Jorge est un pilote qui ressent énormément et contrôle. Son style repose avant tout sur la précision. Je le sais parce que j’étais un peu comme lui, et un peu comme Marc [Marquez]. J’avais un peu de leurs deux styles. Mais pouvoir trouver la limite et attaquer jusqu’au bout est tellement important que la situation est difficile à accepter lorsque vous n’y arrivez pas. Quand les pneus changent, il faut essayer de modifier les suspensions et de trouver un compromis. »

Au sujet de Marquez, Spencer avoue ne pas avoir éprouvé de déception quand celui-ci a battu ses records. Il dit même avoir une certaine admiration pour la nouvelle coqueluche de l’écurie Repsol Honda.

« Courir au plus haut niveau est certainement une question de confiance. Il ne s’agit pas simplement de la compétition, mais de la manière d’être de Marc, de sa capacité à croire en lui-même. Cette confiance, je peux la voir dans son pilotage. Beaucoup de gens me demandent ce que je ressens quand je vois que mes records sont battus. Je pense que c’est génial! »

Mais c’est quand il parle de Valentino Rossi qu’il s’enflamme. « Ce qui est surprenant, c’est que Valentino s’est adapté et a su changer son pilotage. Nous connaissons tous son talent, nous savons à quel point il est passionné et quel plaisir il prend à courir en Grand Prix. Il a réussi à s’ajuster, c’est toujours risqué, mais il a relevé le défi et je le respecte pour ça. Je suis très fier de ce qu’il a fait et de ses performances. Il est devant, il pousse Marc et si ce dernier n’avait pas tout gagné l’an dernier, Valentino se serait imposé parce qu’il a fini deuxième plusieurs fois. Cette saison, il est encore plus fort et il est en tête du classement provisoire à la trêve estivale. C’est un grand pilote. »

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Coupes Moto Légende 2015 à Dijon. Bravo l’Artiste!

 Un grand monsieur

Avec le recul et l’éclairage nouveau apporté par les informations que j’ai recueillies lors de cet entretien, je comprends mieux aujourd’hui sa volonté de réaliser ce doublé, en 1985, mais aussi les causes de ses contreperformances et de ses retours manqués. La pression, les blessures, les problèmes de santé, d’argent, les peines de cœur et la perte de motivation après une longue carrière débutée à l’âge de 5 ans. Même le départ à la retraite de Kenny Roberts, son frère ennemi, a certainement influencé ses dernières saisons. Pourtant, aujourd’hui Spencer reste une de mes idoles avec Sheene, Schwantz, Agostini, Rainey, Gardner, Roberts, Sarron et Roche.

Monza, 1983

Monza, 1983. Freddie Spencer à la limite.

Pour moi, Spencer c’est la maîtrise absolue — j’ai en mémoire la célèbre photo de Stan Perec le montrant en dérapage des deux roues, en sortie de virage au GP d’Italie 1983, à Monza — et un style coulé dont j’ai pu vérifier l’efficacité en roulant derrière lui, comme passager, au Las Vegas Motor Speedway. Un pilotage tout en douceur, sans mouvement brusque, sans approximation. La capacité de reproduire les mêmes chronos et les mêmes trajectoires, tour après tour. Le talent aussi. Immense! Et une grande humanité.

Freddie Spencer est un grand monsieur de l’histoire de la compétition moto. Un pilote de la trempe de Giacomo Agostini, Valentino Rossi et Marc Marquez. Une authentique légende. Et je me sens privilégié de pouvoir le côtoyer aujourd’hui.

Valencia, 2015

Votre serviteur (à gauche) avec Freddie Spencer à Valencia, 2015

Palmarès et honneurs

Actif en compétition de 1966 à 1996 (30 ans)

Superbike AMA 1980

Superbike AMA 1980

Carrière en AMA (American Motorcyclist Association)

  • 1977 — 11 victoires en championnat national américain Dirt Track/Short Track
  • 1978 — Champion 250 Novice de l’AMA
  • 1979  — Champion 250 Expert de l’AMA (remporte toutes les courses sauf une qu’il termine second)
  • 1980 — 3e du Championnat Superbike AMA. Membre de l’écurie officielle American Honda Superbike Team. Remporte les deux manches du match Anglo-Américain devant Kenny Roberts et Barry Sheene
  • 1981 — 3e du Championnat Superbike AMA
  • 1982 — Vainqueur de la course Superbike de Daytona
  • 1985 — S’adjuge la Triple couronne en remportant les trois courses majeures de Daytona (250GP, Formula One, 200 Miles)
Spa-Francorchamps, 1983

Spa-Francorchamps, 1983

Carrière en Grand Prix

Actif en Grand Prix de 1980 à 1993

  • 72 départs (60 en 500 et 12 en 250)
  • 27 victoires (20 en 500 et 7 en 250)
  • 39 podiums (31 en 500 et 8 en 250)
  • 33 poles (27 en 500 et 6 en 250)
  • Premier Grand Prix 500 : Argentine, 1982
  • Premier Grand Prix 250 : Allemagne, 1985
  • Première victoire en Grand Prix 500 : Belgique, 1982
  • Première victoire en Grand Prix 250 : Afrique du Sud, 1985
  • 1982 — 3e du championnat 500 cm³
  • 1983 — Champion du Monde 500 cm³
  • 1984 — 4e du championnat 500 cm³
  • 1985 — Champion du Monde 250 cm³ et 500 cm³
Daytona, 1991

200 Miles de Daytona, 1991

Honneurs

  • Élu au Temple de la renommée de l’AMA (American Motorcyclist Association) en 1999
  • Élu au Temple de la renommée des sports motorisées des États-Unis (Motorsports Hall of Fame of America) en 2001
  • Nommé « Légende des Grands Prix » de la FIM (Fédération Internationale de Motocyclisme) en 2001

Galerie

Vidéoclips

Publicité pour l’école Freddie Spencer Riding School par 4G

 GP 500 1982 – Spa-Francorchamps

 200 miles de Daytona 1985

Formula One Daytona 1985

The Double – Freddie Spencer, double world champion!

3 réponses à “Freddie Spencer, la légende”

  1. Christian

    Quel plaisir de lire cet article!

    Comme toi, j’ai admiré Freddie Spencer et son pilotage, j’ai aussi aimé l’homme et sa discrétion.

    Il y a quelques années, j’avais utilsé les anciens Moto Journal de l’époque pour raconter brièvement sa fulgurante carrière ( http://www.motards-en-voyage.com/2014-04-26-18-39-41/freddie-spencer-l-extraterrestre ).

    Vraiment un grand Monsieur!

    Je t’envie de le connaitre.

    Encore merci pour ton article accompagné de bien belles photos.

    Christian.

    Répondre
  2. lexxxave

    super article, merci ! Larmes aux yeux en le lisant. Génial

    Répondre
  3. brousse

    j ai suivi spencer sur toutes ses courses au castellet quand il était avec sa Honda 500 3 cylindres jamais vu un pilote pareil il survolait la concurrence tellement car il avait le génie du pilotage.
    Bravo l artiste.

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