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De boue, les damnés de la terre!*

Photo de famille avec tous les participants et acccompagnateurs du GS Challenge 2013.

Texte: Ugo Levac — Photos: Ugo Levac et Moto Internationale

Le GS Challenge est un rallye moto organisé par Moto Internationale, au début du mois de juin. Cette année, une cinquantaine de participants étaient inscrits. C’est Charles Gref, président de Moto Internationale et instructeur certifié en conduite hors-route, qui a eu l’idée d’organiser le rallye en 2007, après un voyage en Afrique du Sud où se tenait un rallye similaire. L’Allemagne a adopté la formule un an après le Canada. Le vainqueur du rallye pourra représenter le Canada (avec deux autres motocyclistes gagnants des deux autres GS Challenge organisés au pays) au GS Trophy 2014, dans un pays encore inconnu pour l’instant. Le dernier Trophy a eu lieu en Amérique du sud.

Prélude à la torture
À l’origine, je devais prendre part à la version «route» du rallye, avec le scooter BMW C600 Sport que motoplus.ca a en essai à long terme. Malheureusement, comme j’étais le seul inscrit dans cette classe, Moto Internationale m’a prêté une BMW F700GS afin que je puisse faire le parcours «hors route»… Ça m’inquiète un peu puisque mon expérience en tout terrain est nulle.

La veille de l’épreuve, lors de la réunion des pilotes, Charles Gref et son équipe nous ont décrit les lieux où devaient se dérouler les activités. Certains d’entre eux étaient dans un état lamentable après les pluies diluviennes que le Québec a connues au début du mois de juin. Dans la salle, les pilotes s’esclaffaient de bonheur et se frottaient les mains. C’était à n’y rien comprendre. J’ai alors eu une pensée pour mon patron qui, au même moment, était au GP d’Espagne, à Catalunya, sous un soleil de plomb, au bras de superbes umbrella girls, à contempler les meilleurs pilotes de moto au monde au guidon de leurs bolides de 230 chevaux. « La vie est vraiment trop injuste! », comme disait Caliméro. Deux invités spéciaux nous ont accompagné tout au long du week-end. Il s’agissait de Simon Pavey et Tina Meier. Pavey a terminé le rallye Dakar à sept reprises (juste ça!) et Meier y a participé à trois reprises.

Séance d'information la veille du départ.

Séance d’information la veille du départ.

Jour 1
Le rallye se déroule en équipe de deux. Voire trois, exceptionnellement. On me présente Édouard, mon équipier. Nous formons une équipe assez homogène. Environ du même âge, tous deux de formation universitaire, pères de jeunes enfants, avec une expérience en hors–route frôlant le zéro. La fin de semaine est doublement spéciale pour Édouard puisqu’il prend livraison de sa nouvelle BMW F800 GS Adventure durant l’événement. Nous n’aurons donc aucune expérience préalable avec les deux motos que nous utiliserons. Dans mon cas il s’agit d’une F700 GS. Je ne suis toutefois pas en terrain totalement inconnu puisque nous avons eu une F800 GS en essai pendant quelques semaines en 2010 et que les deux motos partagent la même base. Le carnet dans lequel nos points (très peu dans mon cas) seront inscrits nous est remis avec les cartes routières. Mon cerveau commence à assimiler le mode d’emploi du GS Challenge. Nous devrons suivre des indications routières qui nous mèneront à des endroits précis où se tiendront différents types d’épreuves physiques ou mentales. Suis-je bête, ça me paraît évident maintenant. C’est un rallye. Oui, mais je n’ai jamais fait de rallye moi.

Je constate avec surprise qu’une bonne partie des concurrents ont des GPS et s’affairent méticuleusement à y entrer les informations relatives aux cartes. « Heille c’est pas de la triche ça? ». En fait, pas vraiment puisque le temps n’est pas comptabilisé. Les organisateurs nous demandent de respecter les limites de vitesse prescrites. Charles Gref sera même caché à certains endroits du tracé avec un radar. Dix kilomètres à l’heure au-dessus de la vitesse légale et l’équipe écope d’une pénalité de points.

Ugo «je me plains tout le temps» souriant à l'idée de participer au GS Challenge.

Ugo «je me plains tout le temps» souriant à l’idée de participer au GS Challenge.

C’est un départ!
Samedi matin, 7 heures. Lancement de la première épreuve. Nous devions compter le nombre de briques sur une portion du mur du magasin. C’est probablement la seule épreuve pour laquelle je suis de calibre. Total : 333. Une chance que le cellulaire d’Édouard nous a aidé à calculer la longueur et la largeur. Presque tous les participants partent en même temps. Direction : une petite rue inconnue de St-Eustache. À destination, au lieu de tourner à droite, comme indiqué, nous avons continué tout droit. Édouard avait la carte, mais c’est moi qui roulait en avant; mauvaise combinaison. Demi-tour! Le premier d’une longue série…

La première station permet d’amasser 100 points. L’équipe qui aura le plus de points aujourd’hui aura un laisser-passer direct pour la finale du GS Trophy, et ce, même si elle n’accumule pas de points durant les qualifications de dimanche. Un organisateur nous attend dans son garage. Le point s’intitule «dégustation surprise». J’ai naïvement cru à quelque chose de sympa. Erreur! Il fallait en fait manger une généreuse portion de grosses chenilles noires et brunes séchées. C’est dégueulasse. On voyait encore la tête et les pattes. «Heille, je ne mange même pas le saumon fumé que ma femme prépare, ce n’est pas pour bouffer des chenilles quand même!». Tina, une des participantes, déclara pour sa part, dans son accent légèrement british : «I dont need points!»

C'est l'heure du lunch. Au menu, chenilles noires grillées... Hum!

C’est l’heure du lunch. Au menu, chenilles noires grillées… Hum!

Les stations suivantes se révélèrent presques parfaites pour moi; pas trop forçant, pas trop dégoutant. Arrêt prévu dans un vignoble où il fallaitcompter les carreaux de la façade, compter les places de stationnement moto et identifier une variété de fleur, des pétunias, en l’occurence. Puis nous fîmes un arrêt dans un verger où nous devions trouver une boîte d’apparence inconnue. Pas facile de chercher un objet dont on ignore la forme. Une charmante rouquine m’indiqua subtilement la direction à suivre. Nous poursuivîmes vers une station d’observation en plein milieu de Mirabel où nous devons trouver un intrus. Trouver l’intrus, trouver l’intrus… Il s’agissait d’une machine à café perdue parmi des distributeurs de boissons gazeuses.

Jusque là tout allait bien et même si je suis une nullité en hors-route, ça ne paraissait pas… pas encore. Autre arrêt, à Carillon, où nous devions relever un numéro de série inscrit derrière un arbre. Sauf qu’il fallait entrer dans l’eau jusqu’à mi-mollets. Je pris donc tout mon temps feignant de chercher ailleurs dans le but inavoué que mon équipier y aille à ma place. La tactique a marché (désolé Édouard!). Et je suis resté au sec.

La station F était située à Hawkesbury. Là, le responsable anglophone du centre de location nous dit :«Take a Kayak!». Je m’asseyai donc dans une des 10 embarcations disponibles, pour me rendre sur une petite île à environ 400 mètres de là, chercher un mot secret caché dans une boîte. Mon fond de pantalon était tout mouillé. C’est pour ça qu’ils nous ont demandé d’amener un maillot de bain et une serviette… L’aller s’est bien déroulé, le retour à contrecourant un peu moins. L’équipe de filles qui me rejoignait tranquillement me motiva à pagayer plus fort. Tout au long de ce rallye, le groupe resta relativement soudé. Les participants étaient éparpillés sur plusieurs kilomètres, mais on finissait toujours par se retrouver aux diverses stations. Sympathique comme esprit de groupe. Je suis impressionné par la qualité de l’organisation de ce rallye. Chapeau à l’équipe du GS Challenge, sincèrement.

 

L'entraide est l'une des valeurs clef du GS Challenge.

L’entraide est l’une des valeurs clef du GS Challenge.

Le sable, l’eau et les sueurs froides
Notre valeureuse équipe, après s’être perdue 2 ou 3 fois, suivit ce qui semblait être le bon chemin vers une première épreuve physique à motos. Après avoir passé la pancarte « cul-de-sac », j’eu un doute. Puis la route a disparue et s’est subtilement, mais sûrement, métamorphosée en un chemin tortueux non-asphalté. Les petites roches je peux en prendre un peu, mais quand on y rajoute des cailloux de la grosseur d’un casque ça et là, ça va moins bien. Le chemin montait et descendait avec une pente abrupte. J’avais constamment l’impression que le train avant de la moto allait chasser lors des descentes et que j’y laisserais une partie de ma F700GS ainsi que ma santé. Les sections avec des roches de la grosseur de mon poing me faisaient suer de frayeur dans mon casque. C’étaient les cailloux qui mènaient et non moi, ni même la moto. Ça me sembla interminable. J’étais debout sur les pédales à me convaincre qu’ils n’oseraient pas nous faire rebrousser chemin. Après 11 kilomètres de ce supplice, nous arrivâmes à la station G, au chemin Scotch.

C’est un gros pit de sable comme on dit en bon québécois. Il faillait faire le parcours 3 fois en 5 minutes sans mettre le pied à terre (moins 100 points) ou faire tomber la moto (moins 150 points), pour récolter un maximum de 200 points. Le tracé en question faisait le tour d’une immense mare d’eau, puis nous devions gravir une côte de sable, contourner un obstacle (c’est là que 80% des participants font tomber leur moto), descendre le long d’une falaise (aucun mort à date…) et négocier la descente sans emboutir le muret de terre avant le virage à gauche (50% des participants s’y incruste de manière semi-spectaculaire). Édouard me demanda si je m’y essayais. «Es-tu malade?! Ce n’est pas ma moto, je ne peux pas la briser. Et puis, si c’était MA moto, je voudrais encore moins la briser!» J’ai couru jusqu’au sommet pour avoir un bon point de vue des combattants tentant de démolir leur monture. J’ai été servi. Un des concurrents s’élança avec trop d’enthousiasme dans la descente, malgré les avertissements des organisateurs qui lui hurlaient de ralentir. Il s’est planté dans le muret en passant pratiquement par-dessus son pare-brise. Sa moto boucanait une fumée blanchâtre totalement opaque après ses prouesses.

Il était temps pour notre équipe de reprendre la route avant que l’envie nous prenne de tenter l’impossible. Deux options s’offraient à nous; le chemin facile ou le difficile qui traversait une rivière. Choix assez évident! Soudain, je me trouvai seul de l’autre côté d’une grosse colline. Tout en bas, une énorme flaque d’eau traversait la route sur environ 10 mètres de largeur. Pas moyen de la contourner. Il fallait la traverser. Je m’élançai dans la portion droite. Je n’avais aucune idée de ce que me réservait le fond de cette flaque d’eau stagnante opaque. Puis, rapidement, la moto s’enfonça dans le fond visiblement mou de cette mare. Le temps de le dire, un flot incroyable d’eau me monta à mi-cuisse, avec quelques éclaboussures au niveau de la visière. L’arrière de ma F700 GS était entrain de s’enfoncer dans la boue alors que l’avant cherchait à se coucher sur le flanc gauche. J’avais une peur bleue de caler mon moteur de manière définitive et de voir planter la moto sous deux pieds d’eau. Je sentais que je n’avais pas le contrôle. Je gardai les gaz grands ouverts et, en cherchant à me maintenir debout, je finis par traverser cette flaque maudite. J’arrêtai la moto en sacrant allègrement contre les indications suggérant un parcours supposément facile. À ce moment Édouard arriva accompagné de deux autres motocyclistes, en R1200 GS. Ils arrêtèrent. Un des gars prit une grosse branche d’arbre et sonda le sol. Après quelques tâtonnements, il détermina le bon passage. Ah, tient, ça se pratique aussi avec le cerveau le hors route?

 

Le calme avant la tempête?

Le calme avant la tempête?

Si on oublie un moment pitoyable où j’ai monté un chemin de gravelle à environ 65 km/h pour m’apercevoir avec frayeur qu’il se transformait en chemin technique parsemé de grosses roches une fois rendu sur l’autre versant, je dirais que le reste du parcours s’est déroulé sans embuches majeures. Je l’ai néanmoins passé debout sur les repose-pieds. D’abord parce que c’est ce que l’état de la route m’inspirait, ensuite parce que la selle de ma F700 GS commençait sérieusement à me meurtrir le postérieur. Ça devait bien faire cinq heures que je roulais.

La peinture et la boue
Quelque part entre Amherst et Sainte-Agathe se trouvaient les stations J et K. La K portait le nom très inspirant de Mont Everest. Arrivés à un centre de «paintball», la plupart des participants ont décidé de profiter des installations pour casser la croute ou relaxer un brin. Là, on devait abattre une cible par deux fois sur le terrain de «paintball». On avait 10 chances. Plus tu utilisais de balles, plus tu perdais de points. Je me suis surpris à garder quatre balles dans mon chargeur. La chance probablement ou la preuve qu’on ne peut pas être nul en tout. Quant à l’Everest il s’agissait d’une ascension boueuse, à 300 mètres du centre de loisir. La boue volait dans tous les sens et on entendait les moteurs forcer à tord et à travers. J’ai décidé de m’y rendre… à pied. Non sans peine. Selon moi, il n’y a pas un être humain sain d’esprit qui voudrait essayer ça à moto. Mais comme les amateurs de bouette étaient légion, j’ai eu le plaisir de les voir s’embourber les uns après les autres. «J’le savais que ça ne passait pas!». Certains faisaient littéralement disparaître leur moto de 500 livres jusqu’aux axes de roues. À un moment donné, il a fallu cinq pilotes pour sortir la Béhème d’un certain Ness. Ils ont couché la moto sur le côté et l’ont tiré de travers pour la sortir de la mare de boue. Dément! À ce moment-là, mon total de points frôlait probablement le zéro, mais j’étais en un seul morceau et ma moto aussi.

L’avant dernier point de contrôle se situait vers Prévost et passait par la 364 que je connais bien. «Lets go mon Ugo, c’est le temps de clencher!» À Prévost, après avoir changé de parcours par erreur trois fois, nous sommes arrivés à la dernière station. Un tracé assez serré, mais plus praticable que les autres. L’accès au terrain se faisait par une pente abrupte et en voulant s’y engager Édouard échappa sa monture neuve sur le sol. Je décidai de marcher le parcours, histoire de voir si je ne tenterais pas ma chance. Chemin faisant, deux gars ont eu le temps d’échapper leur moto. Je décidai de passer mon tour, une habitude bien établie chez moi, et nous sommes rentrés chez Moto Internationale par l’autoroute.

Nous avons quand même été parmi les premiers à rentrer au bercail. Bon, comme nous n’avons fait à peu près aucune des activités proposées ça peut paraître un peu normal. J’ai appelé ma douce pour la rassurer; j’étais toujours vivant! Je profitai du BBQ improvisé sur le stationnement de moto Internationale pour enfiler trois hot-dogs et deux hamburgers (mon bol de céréales du matin était loin). Les responsables ouvrirent le parc mini-GS qui comportait cinq parcours avec obstacles pour ceux qui avaient encore de l’énergie (c’est-à-dire au moins la moitié des participants). Les obstacles étaient assez variés; sable, cailloux, boue, terre, branchage, tuyaux d’acier, poutres de bois, trous d’eau monstres, etc.

En raison de la pluie, les épreuves de cette édition 2013 se sont révélées plus difficiles que prévues et il fallait parfois recevoir un peu d'aide pour se sortir de situations délicates.

En raison de la pluie, les épreuves de cette édition 2013 se sont révélées plus difficiles que prévues et il fallait parfois recevoir un peu d’aide pour se sortir de situations délicates.

Jour 2
Franchement, je voyais mal comment je pourrais survivre à plus de deux jours comme ça. Le ciel était menaçant. J’ai même du amener un imperméable. À lui seul, il occupait presque tout l’espace libre de mon sac à dos. Tant pis pour le gros appareil photo, je ferai l’ensemble du reportage avec ma p’tite Fuji.

Mon équipier décida de ne pas participer à la manche du dimanche. Je me retrouvis donc seul finissant par faire équipe avec Norm Wells, le patron de BMW Motorrad Canada. Et là, c’est moi qui dû suivre…

Le parc de mini-GS était ouvert à nouveau, mais cette fois-ci, les points comptaient (25 points par épreuve). Alors que la moitié des participants s’y présentaient, l’autre moitié du groupe était partie faire la seule épreuve que j’aurais peut-être pu réussir à environ un kilomètre de là. Il s’agissait de négocier trois fois un parcours dans un champ avec une grosse montée de 50 mètres où il suffisait de prendre un bon élan. Au parcours mini-GS, les filles s’élancèrent une à une à l’assaut des points. Elles étaient craintives, mais avaient du cœur au ventre, elles. Tina Weier les motivait. Elle les suivait au pas de course, à côté, en donnant des conseils pour réussir l’épreuve. Ça c’est de l’esprit de camaraderie.

Il fut temps alors de partir vers la ferme d’Ormstown où se déroulaient les huit épreuves finales qui couronneraient le vainqueur de cette édition québécoise du GS Trophy. Mon nouveau coéquipier avait un GPS. Il s’élança et je le suivis. Son rythme était un peu plus soutenu que ce que j’aurais adopté naturellement, mais je m’y fis. En traversant la réserve de Kahnawake, il ne baissa pas vraiment la cadence. Ça me stressait. D’une part je ne voulais pas être un boulet pour lui, mais, d’autre part, je ne tenais pas à ramener une contravention de 300$ à la maison. Un peu après Châteauguay, nous avons été rejoints par cinq pilotes arrivant à un rythme très enthousiaste. Les deux invités faisaient partie du lot. Un des pilotes nous traita gentiment de têteux et décolla sur une roue avec le reste du groupe.

Qui va venir me chercher?

Qui va venir me chercher?

L’anti-héros
Le ciel était menaçant, mais toujours pas une goutte de pluie. Arrivés à la ferme nous avons garé nos motos côté à côte dans le champ et nous avons regagné l’abri de tôle du fermier où des tables avaient été installées pour la journée. Lorsque tout le monde fut arrivé, nous avons marché à travers un sous-bois, vers une clairière où un parcours avait été aménagé. Il s‘agisait de le négocier le plus vite possible. Le pilote le plus rapide engrangeait 200 points et on retrancheait 10 points par position, jusqu’au dixième.

Je remarquai alors une F800 GS que les concurrents pouvaient emprunter pour se faire la main dans le sous-bois. Je la pris. Elle était pas mal plus haute que la 700; d’au moins huit centimètres je dirais. Ça fait une méchante différence pour un nain de jardin comme moi. Le tracé était complètement défoncé et plein d’ornières boueuses. J’y allais délicatement, un coup d’accélérateur à la fois, avec les deux pieds tendus de part et d’autre. L’épingle était impraticable selon mes standards. Après avoir tourné un peu trop large, je me retrouvai incapable d’avancer, de reculer ou même de descendre de la machine. Puis je perdis pied et je tombai sur le dos dans la boue, le casque heurtant une petite racine saillante. La moto était couchée sur son flanc gauche. Je coupai alors le contact. Après ce qui m’apparut être un effort herculéen pour la relever, j’aperçus un bon trou dans le feuillage des arbres en bordure de la piste. Là, environ cinq gars étaient installés avec leurs appareils photos, immortalisant les participants qui s’enlisaient dans ce trou de boue. J’avais l’air d’un idiot. Dans l’incapacité de bouger. Finalement, inquiet de mon absence, un employé vint me rejoindre et m’aida à ramener la moto dans la clairière. Quelle humiliation. J’avais l’air d’un débutant. Ce que je suis, en fait. On me demanda alors si je voulais essayer de prendre part à l’épreuve.«Non, merci j’ai eu ma dose!».

En fait d’humiliation je n’étais pas au bout de mes peines. Pendant mon absence de l’abri, les organisateurs avaient affiché les scores. Comme j’étais inscrit dans la catégorie «médias» mon nom était à part des autres. Un pathétique 210 points était inscrit à côté de mon nom. Juste pour vous donner une idée, le meneur du classement, Patrice Glaude, en avait plus de 820 à ce stade-ci de la compétition.

Après deux jours d'épreuve, les participants encore en lice démontraient toujours le  même enthousiasme et la même envie de gagner.

Après deux jours d’épreuve, les participants encore en lice démontraient toujours le
même enthousiasme et la même envie de gagner.

Salon de campagne

Je retournais au camp de base décompresser et me reposer les pieds. La foule était plutôt âgée, 45 ans, en moyenne. J’étais le jeunot de la place. Après avoir côtoyé principalement des R1200GS toute la fin de semaine, j’avais le goût de m’en procurer une. Quelle machine! Quel caractère! Mais quelle facture!

Le traiteur arriva et nous nous sommes jetés sur le méchoui comme des loups affamés. Je mangeai avec appétit et je ne fut pas le seul à me resservir. Même chose pour les desserts. La pluie tombait à verses depuis le début du repas. La température avait chuté d’au moins cinq degrés en moins de 20 minutes. Je remis ma veste. Personne ne semblait préoccupé ou démoralisé par la pluie. J’entendis même des participants dire que ça allait juste être plus amusant. Complétement masos!

Les organisateurs nous exposèrent le classement à la suite des épreuves. C’était le moment de faire tomber le couperet. Il n’y avait que huit participants qui pouvaient poursuivre l’aventure. Les six meilleurs du dimanche, en plus de l’équipe la plus performante du samedi. Puis les organisateurs sortirent un joker de leur chapeau. Ils autorisèrent les filles, dont les scores étaient tout de même supérieurs au mien, à participer, pour la beauté du geste. Avec leur monture en plus (ce n’étaient pas des BMW). Elles étaient à la fois surprises et heureuses. Au grand plaisir de tous…

 

L'édition 2013 du GS Challenge a été remportée par Patrice Glaude qui représentera le Canada au GS Trophy en 2014.

L’édition 2013 du GS Challenge a été remportée par Patrice Glaude qui représentera le Canada au GS Trophy en 2014.

Une finale humide

Les épreuves se poursuivirent dans le fond du terrain, après 600 mètres de marche dans la boue, le gazon détrempé, sous un ciel qui ne cessait de nous tomber dessus. Les gars étaient contents. On se rassembla tous sur le bord d’une petite rivière. Une moto était couchée sur un radeau. Il s’agissait de pousser le radeau autour d’un obstacle, de ramener le radeau au bord (un parcours d’environ 25 mètres) et de relever une deuxième moto déjà sur la rive, puis de la pousser, moteur éteint, sur une distance d’environ 80 mètres. Physique vous dites?! J’avais mal à leur place, sans parler de l’eau qui leur montait presque jusqu’aux hanches qui n’avait pas l’air très chaude.

Puis les conditions ont continué de se détériorer et Simon Pavey, le juge tout puissant, décida d’annuler l’épreuve de freinage d’urgence qui aurait certes été spectaculaire à voir, mais aussi très dangereuse. La huitième et dernière épreuve eut lieu non loin du stationnement dans le champ en arrière. Une BMW à chaque bout d’une longue bannière Motorrad blanche d’environ 50 mètres. À chaque extrémité, d’énormes barils. Au signal de départ les concurrents partaient et tentaient de se rejoindre en tournant en sens anti-horaire. Pour avoir vu Gref et Pavey essayer le parcours plus tôt en début de journée, je peux vous dire que c’était assez divertissant à observer et probablement très exigeant à faire.

Puis un vainqueur fut couronné. C’est Patrice Glaude qui a mérité la chance de partir en voyage à l’automne 2014 pour représenter le Canada au GS Trophy avec d’autres amateurs de pilotage hors-route d’un peu partout dans le monde. Ils seront environ 45 Béhémistes au total. Il y a eu tirage de nombreux prix de présence et tout ce joyeux groupe s’est dit au revoir vers 16 heures.

C’est du moins ce qu’on m’a soufflé à l’oreille un peu plus tard. Car à ce moment j’étais complètement transis, tentant de retrouver mon chemin à travers les champs, les fermes, les intersections… En arrivant chez moi, je me suis dévêtu dans le garage. Mon linge me collait à la peau. Puis je suis allé directement à la douche. Une bonne douche chaude. Très chaude. Rien que pour le plaisir de cette douche réparatrice, je crois que ça valait la peine de subir toutes ses épreuves (et encore, je ne les ai même pas faites!). Pour les amateurs de hors-route, il s’agit une incontournable fin de semaine à mettre à son agenda.

Boss, pour le GS Challenge 2014, tu peux compter sur moi, j’adore prendre ma douche…

* Référence à l’Internationale, le chant révolutionnaire dont les paroles furent écrites en 1871 par Eugène Pottier et la musique composée par Pierre Degeyter en 1888.