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Corrida mécanique au centre HIS

Avec ses 25 000 m2, ses 5 pistes et son édifice principal qui abrite les bureaux du centre, les salles de cours, un garage et un atelier moderne, le HIS est un super centre de formation.

«Go Didi! Go! Brake! Gaz! Brake! Gaz! Go Didi! Go!» La voix de Juan Francisco, dit Pou, l’instructeur du HIS, résonne dans mon casque comme les hurlements du sergent-chef Emil Foley (Louis Gossett Jr) dans«An Officer and a Gentleman». J’ai un mal de tête carabiné. J’ai dormi à peine 6 heures dans les 36 dernières heures. Je n’arrive pas à me concentrer sur le parcours serré du slalom. Il fait chaud. Et l’instructeur qui me crie après — je sais que c’est pour m’encourager, mais ça me stresse — comme si j’étais à l’armée. Et dire que je me suis fait réformer pour ne pas avoir à faire mon service militaire. Admettez que c’est un comble.

J’ai toujours eu un rapport conflictuel avec l’autorité, et ce depuis ma plus tendre enfance. Déjà à la maternelle, je n’acceptais pas que la maîtresse me fasse des remontrances, fussent-elles justifiées. Aujourd’hui encore, je ne supporte pas qu’on me crie après. Encore moins quand je suis en groupe. Je hais ça! Pourtant, je suis content d’être là, au centre HIS. Mais une chose est sûre, à la prochaine pause, je mettrais mes bouchons auditifs…

La salle des simulateurs est la première étape de la formation. Ensuite, on peut passer aux choses sérieuses et aller en piste.

La salle des simulateurs est la première étape de la formation. Ensuite, on peut passer aux choses sérieuses et aller en piste.

Notre groupe de cinq journalistes participe au programme de formation avancée du centre HIS, afin de vivre l’expérience de l’intérieur. Simples en apparence, les exercices auxquels nous sommes exposés demandent rigueur et attention. Deux qualités qui me font défaut en ce début de journée. Il s’agit, dans cette première partie qui se déroule sur le circuit routier, d’exercices d’équilibre et de maniement à basse vitesse. Le genre de manœuvres qu’on a peu l’occasion de pratiquer au quotidien.

Ce qui me surprend, c’est que, malgré notre expérience (nous conduisons depuis des années, dans toutes sortes d’environnements et de conditions, nous faisons de la piste, certains sont même des pilotes de tout-terrain confirmés), nous éprouvons tous quelques difficultés à compléter le parcours. Personnellement, je me débrouille bien dans les exercices d’équilibre — rouler sur une poutre, dans un caniveau en V avec un tuyau dans le fond, franchir des obstacles, garder l’équilibre en côte, etc. —, mais je suis moins à l’aise dans les parcours en huit et autres manœuvres à basse vitesse. Je les fais à trop haute allure et ça ne fonctionne pas. Pour d’autres, c’est l’inverse. Néanmoins, aucun d’entre nous ne réussit tous les exercices du premier coup. Certains mettent le pied à terre, d’autres tombent. On a plutôt l’air piteux.

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L’épreuve du slalom, sous les encouragements enthousiastes de Pou.

À la fin de la matinée, je me rends compte que je vais un peu mieux. Je me sens plus à l’aise (les Advil ont fait effet). Je n’entends presque plus Pou aboyer (preuve que les bouchons sont efficaces). À un moment, il me cherchait tellement des poux que j’ai quitté le cercle d’exercice pour aller pratiquer plus loin, à l’abri de ses jappements… Et apparemment, ça ne lui a pas plu.

Mais maintenant, c’est le temps de prendre une pause, de manger une bouchée et de relaxer un peu. J’en profite pour discuter avec nos hôtes, et plus particulièrement avec Albert Cavero, le directeur du programme de sécurité de Montesa Honda S.A.. Dans la jeune quarantaine, Albert dirige le centre depuis sa création. Il s’occupe également des relations avec la presse et des relations publiques. Mais c’est aussi un pilote talentueux, comme nous le découvrirons le lendemain, lors de notre balade dans la Serra de Montseny. Et un grand fan de MotoGP, admirateur de Dani Pedrosa. Comme tout bon Catalan qui se respecte…

Albert est très enthousiaste quand il parle du centre. Et il peut en être fier. C’est une vraie réussite, au niveau des infrastructures, qui sont de classe internationale et parfaitement adaptées à leur fonction, mais aussi au niveau de la réalisation des objectifs que le centre poursuit et de l’enseignement dispensé. Le professionnalisme des instructeurs et leur compétence ne fait aucun doute. Pou et son collègue Marc Gavalda se complètent admirablement. Autant le premier est directif et facétieux, autant le second est calme et patient, prenant le temps de revenir avec chaque étudiant sur les exercices qu’il vient d’exécuter. Et les deux, en dehors du rôle qu’ils jouent, sont de fins observateurs. Rien n’échappe à leur regard expert. Les conseils qu’ils prodiguent sont toujours pertinents, quelle que soit la manière dont ils les transmettent.

Pou dans ses œuvres, question de mettre ses élèves à l'aise.

Pou dans ses œuvres, question de mettre ses élèves à l’aise.

 

Nous débutons l’après-midi par des techniques de virage sur piste. Là, j’évolue en terrain connu et je m’amuse. Cette séance est relativement courte néanmoins, car les instructeurs se rendent compte que nous maitrisons parfaitement le sujet, mais aussi parce que le temps presse. Nous passons donc directement aux exercices de freinage, un domaine dans lequel je suis à l’aise. J’ai en effet pris part à une étude sur le freinage avec La Fondation Promocycle, au début des années 2000, étude au cours de laquelle j’ai accumulé les essais : frein avant, frein arrière, deux freins simultanément, avec ABS, sans ABS, sur le sec, sur le mouillé, avec passager, sans passager, freinage d’urgence… J’ai freiné plus souvent et dans plus de conditions variées lors de cette étude que certains d’entre vous le feront dans toute leur vie de motocycliste.

Le passage sur la piste de freinage arrosée est là encore une formalité. Je suis habitué à piloter des motos équipées de bras d’équilibrage. J’ai fait de nombreux tests d’ABS depuis la sortie du premier système antiblocage de BMW, en 1988, sur la K1.

Freinage ABS réussi, sans problème.

Freinage ABS réussi, sans problème.

Les exercices suivants se déroulent sur la piste de trial. Aucun de nous n’a d’expérience préalable dans le domaine et c’est une révélation, pour moi en tous cas. Heureusement, le programme de cette section constitue une initiation au trial. Rien de très compliqué. D’abord, on prend contact avec des machines tout à fait étonnantes, des Montessa Cota 4RT coupleuses, extrêmement maniables et ultra légères. Ensuite, après quelques passages un peu techniques, on aborde le franchissement d’obstacles. Les premiers essais sont peu concluants, mais une fois la méthode expliquée et assimilée, ça devient un jeu d’enfant. J’adore. En fait, j’aimerais m’exercer davantage et suivre un vrai cours de perfectionnement.

Mais le temps file et il faut entamer la dernière étape de la journée. Celle de la piste de tout-terrain. Une punition pour moi. J’ai horreur du hors route, de la poussière, des cailloux, de la bouette. Je n’y prends aucun plaisir. En fait, après les exercices obligatoires, je range la CRF100 sur le côté de la piste et je vais m’épousseter pour donner le départ d’une course de 6 tours à laquelle participent mes collègues et les instructeurs. Une course épique ponctuée de chutes et de drames personnels. Une vraie tragédie grecque. Une course au cours de laquelle les égos sont froissés et les corps meurtris.

Le trial aura été une révélation pour moi. J'aimerais bien réessayer, mais de façon plus approfondie.

Le trial aura été une révélation pour moi. J’aimerais bien réessayer, mais de façon plus approfondie.

L’anarchie la plus totale règne. Les positions changent sans cesse. Les motos évoluent dans un nuage de poussière dense, digne d’une tempête de sable dans le Sahara. J’ai la gorge sèche et les yeux qui piquent. Je comprends de moins en moins que l’on puisse prendre plaisir dans de telles conditions. Mais il en faut pour tous les goûts et certains s’amusent comme des fous. Pou et Marc les premiers. Quant à moi, je prépare ma vengeance. Posté en bordure de piste, je me penche vers Pou «El Toro» à chacun de ses passages et je hurle en sa direction : «Go Pou! Go! Gaz,! Gaz! Gaz! Go Pou! Go!» en esquissant des mouvements de cape, comme ceux d’un toréro défiant le taureau. Chaque fois, il me lance un regard en coin. Il voit bien que je me moque de lui, mais il se prête au jeu de bonne grâce.

C'est l'ultime épreuve de la journée, le tout-terrain. Nous serons deux à faire l'impasse, deux pistards irréductibles, allergiques à la poussière.

C’est l’ultime épreuve de la journée, le tout-terrain. Nous serons deux à faire l’impasse, deux pistards irréductibles, allergiques à la poussière.

Dans le dernier tour, alors qu’il mène la course devant son partenaire, les deux s’accrochent et laissent passer un des journalistes qui franchit la ligne d’arrivée en vainqueur, le visage couvert de poussière, les yeux rougis, les vêtements repeints. Quand il sourit, il découvre des dents pleines de sable. Mais il semble ravi de cette victoire inattendue.

De son côté, «El Toro» est blessé dans son orgueil. Il digère mal la défaite aux mains d’un «élève». Moi, ça me fait une petite revanche sur lui. Je ne suis pas mécontent de sa défaite. Mais je n’irais pas jusqu’à réclamer les oreilles et la queue à la foule, en guise de trophée. Il faut savoir rester magnanime dans la victoire…

De gauche à droite : Oriol Martinez, Albert Cavero et Jose Peiro, les responsables du centre HIS.

De gauche à droite :
Oriol Martinez, Albert Cavero et Jose Peiro, les responsables du centre HIS.

L’expérience que j’ai vécue au HIS a été très enrichissante. En effet, des cours de conduite, sur piste ou en plateau, j’en ai suivi plusieurs. C’est même une de mes marottes. Malgré tout, lors de ce cours de niveau avancé, j’ai découvert de nouvelles techniques que je vais m’empresser de mettre en pratique au quotidien. Et j’ai surtout réalisé à quel point il était bénéfique de rafraîchir nos acquis et de retravailler régulièrement les bases de la conduite.

Le bien-fondé d’un tel centre n’est pas à débattre. Le travail que font les employés du HIS pour former les motocyclistes, les sensibiliser à la sécurité et changer leur comportement sur la route est phénoménal. En plus, ils bénéficient d’un encadrement fantastique et d’outils de pointe pour y parvenir. Cette structure est portée par le dynamisme commercial des DRM en Catalogne, mais elle y participe aussi et elle contribue à donner une image positive des motos et scooters. Pas étonnant de voir le nombre de talents qui émergent de cette région dans un tel contexte!

Présentation détaillée

Créé par Montesa Honda S.A., le centre HIS est le seul centre de conduite et de sécurité Honda en Europe. On en dénombre 36 dans le monde, la plupart en Asie et quelques-uns en Amérique du Sud et aux États-Unis.

Établi au siège social de Montesa Honda S.A., à Santa Perpètua de Mogoda, dans la banlieue nord de Barcelone, à quelques minutes seulement du circuit de Catalunya, le centre HIS a ouvert ses portes en septembre 2009. Il couvre une superficie de 25 000 m2.

L’édifice principal abrite les bureaux du centre, les salles de cours, une salle de simulateurs de conduite, un garage, mais aussi un atelier ultra-moderne où les 60 motos du HIS (CBF600F, VTR250, SH125, Vison 50, Cota 4RT, CRF100, CRF70 et CRF50) sont entretenues. L’usine Honda/Montesa, de même que les locaux des équipes de course du constructeur jouxtent le terrain de trial. Si vous êtes chanceux, vous pourrez voir Tony Bou, le multiple champion du monde de trial et ses coéquipiers s’entraîner sur la piste spécialement aménagée pour eux. Ou croiser Dani Pedrosa, Alvaró Bautista, voire Casey Stoner en visite au centre. Sans parler des pilotes de motocross, d’enduro ou de rallyes-raid de la marque qui viennent faire leur tour à l’occasion.

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Si Montesa Honda a choisi cet endroit pour y ériger son centre, ce n’est pas seulement parce que son siège social et son usine s’y trouvent. C’est avant tout parce qu’il s’agit d’une localisation stratégique. En effet, la Catalogne compte près de 25% des immatriculations de DRM en Espagne (plus de 2 500 000 scooters et motos), dont plus de 19% à Barcelone. Qui plus est, la ville est une des principales métropoles européennes, desservie par un aéroport international, un réseau ferroviaire européen, sur un des axes routiers les plus achalandés du vieux continent. Le voisinage de la Costa Brava, une des destinations touristiques les plus courues d’Espagne, n’est pas non plus à négliger.

Pour les exercices pratiques, cinq pistes distinctes ont été aménagées sur le terrain. Une piste asphaltée avec des zones d’exercices peintes au centre, une piste de conduite tout-terrain, une piste de trial, un anneau de dérapage et une piste de freinage dotée d’un système d’arrosage évolué afin de tester les systèmes ABS.

Honda a investi près de 4 millions d’euros (environ 6 millions de dollars) dans ce centre. Depuis son inauguration, il affiche un taux de remplissage de 67%. À ce jour, plus de 8 600 participants ont pris part aux divers programmes de formation qui font la promotion de la sécurité, mais aussi du plaisir de conduire.

Le centre accueille, entre autres, l’école de conduite HEC (Honda Escuela de Conducción) qui a formé plus de 144 000 élèves depuis sa création en 1992.

Ouvert 7 jours par semaine, le centre propose sept programmes de formation distincts. En semaine, il accueille les écoliers de 14 à 16 ans, les professionnels de la moto (policiers, facteurs, coursiers, etc.) et les compagnies (services d’urgence, etc.). La fin de semaine, les particuliers et les clubs motocyclistes peuvent recevoir des cours personnalisés. Gratuits pour les écoliers, les cours sont facturés à un coût variant de 80 à 120 € par participant, pour tous les autres usagers. Ce prix inclut le prêt de la moto et de tout l’équipement requis (casque Arai, vêtements, bottes, gants et protections Alpinestars). Quatre niveaux distincts sont proposés: enfants/écoles — scooter/125 — débutants/revenants — avancés/professionnels. Chaque jour, deux instructeurs sont en service et enseignent à des groupes de 10 élèves maximum, par instructeur.

Honda s’est impliqué dans la sécurité et la formation dès 1970, au Japon. Très active dans le domaine, la compagnie sait que la sécurité à moto dépend de trois facteurs distincts :
– les conditions de route et les infrastructures, lesquelles dépendent des gouvernements;
– les véhicules;
– le facteur humain.

Honda essaie d’apporter une réponse au facteur technologique par le biais de la sécurité active (en Europe, 83% de ses véhicules sont dotés de l’ABS), par la sécurité passive (coussin gonflable) et par la sécurité préventive (simulateurs).Mais le facteur humain représente à lui seul 87,9% des accidents (selon l’étude MAIDS). C’est pour cette raison que la compagnie a décidé de créer le centre HIS. Pour permettre aux motocyclistes d’être mieux formés et mieux équipés pour faire face aux aléas de la conduite d’un DRM.

Montesa Honda S.A. mène en parallèle des campagnes de promotion et de sensibilisation, produit des spots de publicité télé avec Dani Pedrosa et organise des programmes de formation ou des journées démo chez tous les concessionnaires Honda en Espagne.

Cette forme d’implication, unique chez les constructeurs de moto, semble vouloir porter fruit. On espère que d’autres emboîteront le pas du Géant Rouge et développeront des programmes qui leur seront propres. Et d’un point de vue purement égoïste, on souhaite la construction d’un tel centre au Canada… de préférence dans la région de Montréal.

Pour information :
www.honda-montesa.es
Pour s’inscrire à un des cours du centre HIS : cliquer ici!