« Essais à long terme

Escapade rétro en Montérégie

Texte et photos par Didier Constant et Claude Privée

Coincée entre le Saint-Laurent et la frontière américaine, dans l’axe nord-sud et entre l’Ontario et l’Estrie, dans l’axe ouest-est, la Montérégie est une région agricole verdoyante baptisée « le grenier du Québec », dont le relief est dominé par neuf collines. Certains de ces monadnocks, dont le mont Shefford ou le mont Brome, forment un piémont des Appalaches, à la lisière des Adirondacks et des montagnes vertes de l’état de New York.

Pour nous, motocyclistes, il s’agit d’un terrain de jeu incomparable. Les routes serpentent entre les collines et la rivière Richelieu qui relie le lac Champlain, au niveau de Saint-Armand/Philipsburg, au Fleuve, plus au nord.

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C’est d’ailleurs dans ce charmant village que nous faisons notre premier arrêt, le temps de prendre quelques photos au bord du lac. Puis, nous nous dirigeons vers Pigeon Hill pour d’autres clichés et Frelighsburg où nous retrouvons Michel, un ami avec qui nous voyagerons dans les Alpes, à la fin de l’été.

Il est midi quand nous arrivons dans ce village pittoresque qui sert parfois de décor à des films ou à des séries, dont la plus récente est « La vérité sur l’affaire Harry Quebert ».

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En ce début de semaine, le village est endormi sous le soleil plombant. Il fait chaud. C’est le calme plat. Le magasin général qui abrite le restaurant « Les Sucreries de l’érable » — une institution locale — est malheureusement fermé, bien que la région soit déconfinée depuis peu. En raison de la difficulté à trouver du personnel, les proprios ont décidé d’ouvrir du jeudi au dimanche seulement, afin de profiter de l’afflux de touristes pendant la fin de semaine. Qu’à cela ne tienne, nous nous rabattons sur le marché Tradition où nous achetons de quoi déjeuner. Dehors, quelques tables à pique-nique nous accueillent dans ce décor pastoral dominé par le Moulin de Freligh qui trône majestueusement sur le bord de la rivière aux Brochets. Il règne un silence de cathédrale. Seuls le clapotis de la rivière et, par moments, le vrombissement d’un moteur de moto viennent rompre cette tranquillité.

Nous aurions pu rester là des heures, mais il nous faut reprendre la route pour rejoindre Stanbridge East, autre village charmant entre Frelighsburg et Bedford, sur la 237. À mi-chemin, nous nous arrêtons devant une magnifique grange, décor sublime où nous réalisons quelques photos d’ambiance. Le temps semble suspendu. Et nos deux Kawasaki rétro nous ramènent près de 50 ans en arrière. Le propriétaire qui collectionne de vieilles voitures européennes vient à notre rencontre, fier que nous choisissions sa grange comme décor. « Belle moto!» dit-il en voyant la W800. « Qu’est-ce que c’est ? Une vieille BSA  ? »  Claude lui explique qu’il s’agit en fait d’une réédition d’une des premières grosses cylindrées japonaises revue et corrigée par Kawasaki. Il insiste : « Oui, mais elle date de quelle année ? » «C’est une 2020!, répond Claude. Elle affiche à peine 1 500 km au compteur». À son air dubitatif, je vois bien qu’il ne semble pas convaincu. Ce qui prouve que Kawasaki a bien réussi sa mission avec la W800.

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En plus d’être fidèle à son aïeule des années 60, esthétiquement parlant, la W800 propose une conduite à l’ancienne. C’est une moto facile d’accès avec sa selle basse et son guidon large, qui se manie comme un vélo. Néanmoins, elle offre des accélérations très respectables compte tenu de sa mécanique basique. À défaut d’être surpuissante, elle est coupleuse et son bicylindre vertical distille un certain caractère et des vibrations qui rappellent l’âge d’or de la moto anglaise.

Elle se dandine légèrement à haute vitesse, sans que cela devienne inquiétant, danse sur ses suspensions d’un autre siècle et tressaillit sous les coups de boutoir de ses deux pistons massifs. Tout est là pour avoir du plaisir sur cette moto. Se payer des balades mémorables sur des routes secondaires. Partir à l’aventure, sans destination préétablie. Pour la journée. Rouler pour le plaisir, tout simplement.

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Dans l’après-midi, nous faisons deux autres haltes. Une à Mystic, tout d’abord. Là aussi, l’auberge L’œuf est fermée. Nous pensions y prendre un espresso en terrasse pour prolonger notre farniente. Ça sera pour une autre fois. Les débuts de semaine sont tranquilles en campagne. Les commerçants se remettent de la folie des week-ends et rechargent leurs batteries tandis que les habitants profitent d’un moment de quiétude bien méritée. Nous poussons alors jusqu’à Notre-Dame-de-Stanbridge et son pont couvert avant de reprendre le chemin du retour. Tranquillement. À une cadence sénatoriale. Ce qui fait l’affaire de la W800, mais aussi de la Z900RS Café qui aime bien, elle aussi, rouler à l’ancienne, en musardant par les routes champêtres, à l’écart de la civilisation et de l’agitation urbaine. Dans ces décors qui ont peu changé au fil du temps, on a l’impression de revenir dans le passé. Et de vivre à un autre rythme. De prendre le temps. Sans se casser la tête.

À l’usage, la Kawasaki W800 charme, envoûte. Ses emprunts à la modernité (ABS, injection électronique) sont limités au strict nécessaire. Pas de superflu, pas de fioriture. Un cadre, un moteur, deux roues et un guidon. Ajoutez une dose de passion et vous avez la recette du bonheur. Nous, on est convaincu !

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STATISTIQUES

  • Kilométrage total : 1593 km
  • Distance parcourue depuis la dernière sortie : 237 km
  • Consommation moyenne : 4,65 L/100 km
  • Autonomie : 322 km
  • Pneus : Dunlop K300 GP
Moulin de Freligh, sur la rivière aux Brochets

Moulin de Freligh, sur la rivière aux Brochets

Itinéraire

Montréal — Saint-Jean-sur-Richelieu — Saint-Alexandre — Saint-Armand/Philipsburg — Frelighsburg — Stanbridge East — Bedford — Mystic — Notre-Dame-de- Stanbridge — Saint-Alexandre — Sainte-Brigide-d’Iberville — Brossard — Montréal

Distance parcourue : 237 km