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Le maxi-scooter branché de BMW

Photos © Didier Constant, BMW Motorrad

BMW travaille sur le concept du scooter électrique depuis plus de 10 ans et sur l’électrification des automobiles depuis plus longtemps encore. Le CE 04 n’est donc pas une nouveauté pour le constructeur allemand qui maîtrise bien ces technologies. D’autant que le C-Evolution a connu une carrière plutôt longue en Europe permettant à BMW d’accumuler une foule de données pertinentes sur le sujet. En France, il a même connu un réel succès avec des ventes annuelles moyennes de 846 unités, soit plus de 56 % des ventes mondiales. Beaucoup plus que les prévisions les plus optimistes de BMW lors de son lancement.

Néanmoins, le C-Evolution n’a pas été importé en Amérique du Nord, car la marque ne pensait pas, à l’époque, qu’il fut particulièrement bien adapté aux spécifications de notre marché. Qu’est-ce qui a tant changé dans ce portrait pour que BMW fasse soudain volte-face et distribue le CE 04 chez nous quand on sait qu’il est techniquement très proche du C-Evolution, que son champ d’application est aussi réduit et que le marché canadien n’a pas foncièrement changé ? Une redéfinition des paradigmes ?

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En Europe, un maxi-scooter électrique à vocation urbaine et périurbaine a toute sa place dans l’environnement des mégapoles comme Paris, Londres, Berlin, Rome ou Madrid. En effet, la circulation y est très dense et l’interfile étant tolérée sinon autorisée, un deux-roues motorisé est le véhicule idéal pour aller au travail ou circuler en ville au jour le jour. Même un modèle électrique possédant une autonomie plutôt réduite. En effet, les Européens parcourent rarement plus de 100 km quotidiennement pour leurs déplacements urbains et périurbains. Le CE 04 est assez puissant pour circuler sur les autoroutes et autres voies rapides et offre un espace de rangement intégré pratique. Mais la réalité est toute autre de ce côté de l’Atlantique. Ce qui explique le peu de succès que les maxi-scooters ont historiquement rencontré au Canada depuis le début des années 2000, contrairement à l’Europe où ils figurent parmi les meilleures ventes.

Un look libéré

Toutes ces questions et bien d’autres me traversaient l’esprit en allant chercher le CE 04 chez Moto Internationale Gabriel. Et, en arrivant, j’ai été confronté à la bête en personne. En photo, je le trouvais intéressant, d’un point de vue stylistique, mais je ne peux pas dire que j’étais conquis. Cependant, en chair et en os — ou plutôt en plastique et en tubes —, le CE 04 m’a étonné, agréablement même. Ses lignes futuristes sont élégantes et équilibrées, une fois qu’on a admis son parti pris visuel. J’aime la ligne basse et allongée, les roues lenticulaires, le style à la Tron, la selle suspendue dans les airs, le pare-brise minimaliste, les couleurs voyantes et l’énorme dalle TFT de 10,25 pouces empruntée aux routières de la marque, qui fait office de tableau de bord. Le CE 04 a tout pour séduire les geeks et les technophiles. Ainsi que les barbus urbains déçus de leurs improbables Cafés-racers défigurés à la meuleuse.

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Il faut dire que le choix d’une motorisation électrique libère les concepteurs des impératifs techniques imposés par la conception classique d’une moto thermique. Ils peuvent donner libre cours à leur imagination et improviser, créer des formes nouvelles et faire des choix audacieux. Et les ingénieurs/concepteurs de BMW ne s’en sont pas privés.

Un moteur d’origine automobile

Dans le cas de la motorisation du CE 04, elle est issue du VUS électrique iX de BMW. Le moteur synchrone à aimant permanent, refroidi au liquide, de 42 ch (31 kW) est en fait un tiers de celui de la iX. Il développe une puissance supérieure de huit chevaux à celle du monocylindre 4-temps du BMW C 400 GT (34 ch à 7 500 tr/min pour un couple de 26 lb-pi à 6 000 tr/min). Par ailleurs, le CE 04 atteint son couple maximal de 46 lb-pi dès 1 500 tr/min. Le bloc-pile de 8,9 kWh est quant à lui refroidi à l’air. La vitesse maximale est limitée électroniquement. Sur mon scooter d’essai, elle était bloquée à 127 km/h au compteur.

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Le CE 04 est doté d’une boîte à rapport unique, avec entraînement par courroie et marche arrière. Il faut dire que le bestiau est lourd (231 kg en ordre de marche, dont 55 kg juste pour la batterie) et le reculer à la main relève de la gageure, surtout si on est en pente légèrement ascendante.

Le CE 04 est livré de série avec un chargeur de 2,3 kW par l’intermédiaire d’une prise de type 2. La recharge est encore plus rapide avec le chargeur optionnel de 6,9 kW. La batterie Lithium-Ion qui développe 148 V et 60,6 Ah origine également du VUS allemand. Sur le CE 04, elle est fixe. On ne peut donc pas l’extraire pour la recharger chez soi ni la substituer momentanément par une pile rechargée. La prise de recharge est localisée sur la droite du carénage. Elle est identique à celle des bornes de recharge courantes et se verrouille automatiquement quand le scooter est éteint, empêchant ainsi qu’on enlève le câble durant la recharge.

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Sur une prise de maison, recharger la batterie à 100 % prend environ 6 h, quand elle est presque vide. Comptez environ la moitié de ce temps avec un chargeur rapide et un peu plus d’une heure pour une charge à 80 %. C’est à peu près les mêmes temps que j’ai obtenus avec les bornes de recharge du réseau Circuit électrique.

Le CE 04 bénéficie de quatre modes de conduite (Road, Eco, Rain et Dynamic, ce dernier étant optionnel), d’un ABS Bosch 9.3 à deux canaux et d’un antipatinage DSC qui peut être remplacé par le DTC en option. Il est également pourvu d’un système keyless permettant de garder la clef dans la poche. Le contacteur central déverrouille les différentes trappes du scooter. Détail intéressant, la béquille latérale enclenche un frein de parking quand elle est déployée.

Au chapitre de l’entretien, BMW recommande des intervalles d’intervention de 10 000 km ou de 24 mois, principalement afin de vérifier l’état des consommables (freins, pneus), des fluides, de la lubrification, de la tension de la courroie, du frein de stationnement et du serrage des différents éléments. Quand les avocats de l’électrique prétendent que l’entretien est chose du passé, ils vous leurrent. En revanche, je reconnais que les coûts d’entretien sont moindres que sur une moto classique, surtout s’il s’agit d’une Italienne, d’une Allemande ou d’une Autrichienne.

Un premier contact facile

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Plutôt bas d’assise (780 mm), le CE 04 est accueillant. Sa selle étroite est fine et ferme et place le pilote assez en avant, dans une position assez similaire à celle d’une custom classique, surtout si on conduit les pieds avancés sur le marchepied. Il présente une énorme poutre centrale que l’on enjambe facilement. On place les pieds de chaque côté, sans entraves et on les pose facilement au sol à l’arrêt. Du haut de mon mètre soixante-dix-sept, je n’ai éprouvé aucune difficulté.

Au niveau de l’équipement, on trouve un vide-poche à gauche, sous le tableau de bord. Il est doté d’une prise de recharge avec port USB-C de 12 V et d’un mécanisme intelligent s’adaptant à la taille de votre téléphone qui le cale en place. Ce compartiment est ventilé afin de garder votre téléphone au frais.

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Sous la selle, un coffre de taille moyenne peut accueillir un casque de taille moyenne ou un sac. Cependant, si vous transportez votre câble de recharge, ce que je vous conseille de faire, celui-ci diminue l’espace disponible.

Sinon, on retrouve les commodos de la R 1250 RT, ainsi que sa dalle TFT de 10,25 pouces. Celle-ci est très lisible, quel que soit l’environnement lumineux. Et son utilisation est familière pour tout propriétaire de BMW.

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Au chapitre de l’équipement, c’est pas mal tout, à moins de fouiller dans le catalogue d’accessoires de BMW dans lequel on trouve des bagages optionnels pratiques, dont un topcase et une bulle haute pour améliorer la protection.

En action

Démarrer le CE 04 est une expérience en soi. Comme sur n’importe quel scooter, il faut appuyer sur un des leviers de frein en même temps que sur le bouton « ON », lequel imite un démarreur de moto conventionnel, pour lancer le moteur. Sauf que dans le cas présent, après avoir pressé le contact, on est surpris de l’absence de bruit. Rien ne se passe. Au point où on appuie une seconde fois sur le bouton, toujours avec le même résultat. Seul un regard au tableau de bord sur lequel apparaît le message « Ready », accompagné de l’indicateur de charge/puissance nous confirme que le scooter est prêt à partir. On tourne alors l’accélérateur à fond et le CE 04 s’élance avec autorité, délivrant tout son couple dès les plus bas régimes. Cette accélération instantanée est addictive. Au feu, dans la circulation, pas un véhicule n’est capable de suivre le CE 04 au démarrage.

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L’accélération varie légèrement selon les modes. Durant cet essai, j’ai très peu utilisé les modes « Road » et « Rain » si ce n’est pour voir comment ils se comportaient. Je leur ai préféré le mode « Eco » qui procure une autonomie accrue et favorise la régénération de la batterie au freinage, mais j’ai surtout développé une dépendance au mode « Dynamic » qui procure les meilleures performances et les meilleures sensations. BMW annonce un temps de 2,6 secondes pour passer de 0 à 50 km/h. Ce qui est excellent. Je ne l’ai pas mesuré moi-même et je ne peux donc en attester, mais j’aurais tendance à croire que ce chiffre est réaliste. En contrepartie, dans ce mode, l’autonomie baisse rapidement quand on s’excite du poignet droit et s’établit à 80/90 km. En mode « Eco » elle atteint plus ou moins 120 km.

Malgré ses départs fulgurants, le scooter garde ses deux roues au sol — il faut dire que son empattement gigantesque de 1 675 mm combiné à des valeurs de géométrie conservatrices (chasse de 26,5°, déport de 120 mm) annihile toute amorce de wheelie. Au démarrage, on sent une très légère latence, même dans les modes les plus performants avant que l’accélération vous étire les bras. Du coup, on n’est jamais surpris par la puissance phénoménale des départs et on reste en parfait contrôle du véhicule en toute occasion.

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L’autre aspect intéressant du CE 04 est son système de régénération au freinage. Il permet de freiner en coupant simplement l’accélérateur, sans toucher aux freins. Le frein moteur est optimisé dans le mode « Eco ». En conduite normale, on n’a jamais besoin de toucher aux freins. On y a recours qu’en cas d’urgence ou alors quand on veut seulement réduire légèrement la vitesse. Pour négocier un virage, par exemple. Pour information, quand on ralentit, le feu de freinage s’allume. Intelligent !

Malgré sa longueur, ses valeurs de géométrie et son poids, le CE 04 est facile à prendre en main. À basse vitesse, le poids se fait sentir. Heureusement, les 55 kilos de la batterie sont placés bas dans le cadre ce qui garantit un centre de gravité bas au CE 04. Et dès que l’on est en mouvement, ces défauts disparaissent pour laisser place à une conduite simple et intuitive.

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Le maniement est aisé, l’agilité est raisonnable, compte tenu du gabarit du scooter et la tenue de route est irréprochable. On peut même se laisser aller à piloter de façon engagée sans crainte de prendre le châssis au dépourvu. Malgré leur faible débattement (92 mm à l’arrière), les suspensions s’acquittent bien de leur tâche. Elles sont un peu sèches sur les bosses et les trous prononcés.

Au chapitre du confort, la selle est dure et spartiate. Elle n’incite pas aux longues excursions. Par chance, l’autonomie réduite du CE 04 limite son champ d’action à votre environnement immédiat. BMW propose six selles différentes, dont une avec un dosseret pour le pilote, au centre et une selle chauffante labellisée « confort », au rembourrage marginalement plus épais. C’est celle qui équipait notre modèle d’essai. Pour le duo, le confort est insuffisant. D’autant plus que les encoches situées sous la selle pour que le passager s’y retienne sont trop petites et difficilement accessibles avec de gros gants. Il reste au passager l’option de s’agripper au pilote, ce qui est chaudement recommandé, compte tenu des accélérations brusques. Le freinage est quant à lui très efficace. Il est assuré par des composants J.Juan.

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Le CE 04 évolue sur des roues pleines de 15 pouces chaussées de pneus Maxxis Supermaxx SC de 120/70 R15 à l’avant et 160/60 R15 à l’arrière, conçus pour offrir un kilométrage élevé et une faible résistance au roulement. Ils garantissent de bonnes performances dans les virages et une stabilité éprouvée sur routes sèches et humides. Durant cet essai, je n’ai pas eu à m’en plaindre.

Même si le moteur du CE 04 est relativement silencieux comparativement à celui d’un quatre cylindres thermique, les sons qu’il émet, combinés à ceux de la courroie et des pneus, deviennent vite agaçants pour le pilote. Personnellement, le sifflement du moteur électrique me dérange. Au guidon du CE 04, j’ai plus l’impression de passer l’aspirateur ou la tondeuse que de piloter une moto. Pas très valorisant. Difficile de ressentir la moindre passion dans ces circonstances. Il est clair que l’on est aux commandes d’un véhicule qui privilégie l’aspect utilitaire, plutôt que l’aspect ludique et le plaisir de conduite.

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De plus, en raison de la faible autonomie de la batterie, particulièrement dans le mode « Dynamic », le seul qui soit réellement enthousiasmant, je suis victime du syndrome de la panne sèche. Je passe mon temps à regarder la pile se décharger et l’autonomie se réduire comme une peau de chagrin. Du coup, mes balades habituelles autour de Montréal qui sont pourtant courtes (environ 150 km) me sont inaccessibles sur une simple charge. Et la patience n’étant pas ma qualité première, il est inconcevable que j’attende une heure ou plus pour recharger la batterie. Et ça, c’est dans l’éventualité où les stations de recharge sur ma route sont libres ou en état de marche.

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Pour ce qui est du prix, le CE 04 de base se détaille 15 000 $. Celui de notre essai, avec son ensemble Dynamic, son option de style Avantgarde, son chargeur rapide, sa selle confort chauffante, ses poignées chauffantes, son système d’alarme et sa béquille centrale faisait grimper la facture à 18 220 $, ce qui est plutôt salé pour un véhicule essentiellement urbain disposant d’une autonomie ridicule. La garantie de base est de 3 ans et de 5 ans ou 40 000 km pour la batterie. Il est à noter qu’il est possible de remplacer une ou plusieurs des 40 cellules individuellement, sans devoir changer la batterie.

Personnellement, j’ai aimé conduire le CE 04 en ville. J’adore ses accélérations fulgurantes, en mode « Dynamic », son comportement et sa vitesse sur voie rapide. Mais à plus de 15 000 $ pour le modèle de base, il y beaucoup d’autres options que je considérerais avant d’acheter un CE 04 et qui m’offriraient un éventail plus large de possibilités. D’autant plus que je conduis très peu en ville en fin de compte. À moins d’habiter à moins de 50 km de votre lieu de travail ou d’avoir une borne de recharge sur place vous permettant de recharger la batterie de votre scooter pendant que vous travaillez ou encore de conduire uniquement en ville et de ne pas parcourir plus de 90 km par jour, je ne vois pas trop l’utilité du CE 04 au quotidien. Même si c’est une machine bien construite et technologiquement aboutie. On peut acheter un petit scooter électrique ou thermique, ou prendre un abonnement Bixi pour faire uniquement de la ville. Et ce, à une fraction du prix du CE 04. Quoi qu’en disent les aficionados de l’électrique, aussi longtemps que les machines qu’on nous propose n’auront pas une autonomie raisonnable d’au moins 250 km en mode plaisir et non en mode économique et des temps de recharge inférieurs à 15 minutes, leur champ d’action restera limité, pour ne pas dire anecdotique. Pourtant, je reconnais que BMW réalise là un superbe maxi-scooter électrique et qu’il trouvera sa clientèle. En Europe, il se vend déjà comme des petits pains chauds depuis son lancement.

Note

Après avoir vérifié avec la SAAQ, il apparait qu’il faut, a minima, un permis 6B (moins de 400 cc) pour conduire légalement un BMW CE 04 au Québec.

 Galerie

Équipement du pilote

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