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La routière qui joue les pistardes

Photos © Didier Constant, Patrick Laurin, Honda

Depuis que je conduis des motos — c’est-à-dire le début des années 70 —, j’adore les sportives. En fait, je suis un inconditionnel du genre. En 1985, j’ai acheté une Suzuki GSX-R750, la première Race Replica de l’histoire, moto que j’ai modifiée pour en faire une réplique des motos d’endurance que Suzuki/Yoshimura engageait aux 8 heures de Suzuka. Aujourd’hui encore, je possède une vieille Honda coursifiée, une CB125N 1978 avec laquelle je participe à des épreuves de motos classiques.

Les sportives sont inscrites dans mon code génétique. Tout ce qui a un carénage complet, des guidons bracelets bas, des commandes reculées et une allure de moto de course — même s’il ne s’agit souvent que de l’air, pas forcément de la chanson — déclenche en moi un désir impérieux de possession.

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Arrivé à la soixantaine bien tassée, je ne peux me résoudre à aimer autre chose, mis à part les roadsters extrêmes et les aventurières qui sont de superbes motos utilitaires, pratiques et confortables pour partir à l’aventure.

Malheureusement, les sportives sont victimes de la désaffection du jeune public et de la vindicte SAAQuiste. Autant dire qu’elles sont aujourd’hui tristement absentes des routes.

Oui, je sais ! J’entends déjà les puristes dire que la Honda CBR650R n’est pas, stricto sensu, une sportive du calibre de sa grande sœur, la CBR1000RR-R. Mais, toujours est-il qu’elle a la fibre pistarde, même si elle se destine plus à la route qu’au circuit.

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En fait, elle partage son moteur et sa partie cycle avec la CB650R, le roadster de moyenne cylindrée de Honda. Seuls l’accastillage et les pneus diffèrent sur les deux machines, la CBR650R adoptant des pneus d’origine Dunlop Sportmax D214. Pour le reste, c’est bonnet blanc et blanc bonnet.

Présentations d’usage

Introduite en 2019, la Honda CBR650R est une routière, mais avec une identité CBR très marquée. Elle reprend tous les codes des motos issues de la division Racing de Honda et sent le HRC à plein nez.

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En 2021, la CBR650R subit une première mise à jour, principalement pour se conformer à la nouvelle norme Euro 5. Cette évolution est minime et n’affecte pas la puissance maxi du quatre cylindres en ligne qui reste à 95,1 ch à 12 000 tr/min. Le couple s’établit quant à lui à 47 lb-pi à 8 500 tr/min. Le régime maxi culmine à 12 000 tr/min.

Sinon, les modifications sont d’ordre esthétique : double optique avant à DEL dont la forme a été revue, nouveau compteur ACL, prise USB sous la selle, nouveaux caches latéraux et garde-boue arrière modifié avec support de plaque.

Au Canada, la Honda CBR650R est offerte uniquement en noir.

Plaidoyer pour le quatre en ligne

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Dans le créneau de moyennes cylindrées, les bicylindres et les tricylindres font la loi depuis maintenant une dizaine d’années. Ils sont plus légers, plus coupleux et offrent un caractère très affirmé qui flatte l’ego de leur propriétaire. Mais, Honda fait de la résistance et reste fidèle au 4 cylindres, une architecture moteur qui a fait les belles heures de la production moto japonaise, particulièrement en ce qui concerne les sportives.

Celui de la CBR650R est issu de l’ancienne CBR650F, la dernière CBR de moyenne cylindrée que j’ai pilotée. C’était en 2015, sur le circuit de Roebling Road, en Géorgie. Le nouveau quatre pattes a gagné 8 chevaux alors que le couple est quasiment identique (47 lb-pi pour la CBR650R contre 46 pour la F).

Toujours linéaire, le quatre en ligne est relativement creux en bas de 6 000 tr/min. Il fait preuve d’une belle souplesse et reprend sans broncher dès 2 000 tr/min, mais c’est entre 8 000 et 12 000 tr/min qu’il se réveille et devient joueur. À ces régimes, la sonorité du bloc Honda est envoûtante. Ça ronfle au niveau de la boîte à air et la note qui sort du 4-en-1 est flatteuse.

La boîte de vitesse à six rapports est douce, mais pas toujours très précise. Il m’est arrivé plusieurs fois de tomber sur de faux points morts entre le troisième et le quatrième rapport. En revanche, l’embrayage assisté procure une bonne douceur au levier en plus d’éviter les sautillements ou le blocage de la roue arrière au rétrogradage.

Une partie cycle homogène

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Le cadre Diamant en acier dans lequel le moteur est suspendu offre une belle rigidité. Il est complété par des suspensions de qualité, bien qu’elles proposent peu ou prou d’ajustements. La fourche inversée à tubes de 41 mm Showa SFF-BP* (fourche à fonctions séparées) est bien calibrée et se montre plutôt efficace même si elle est dépourvue de réglages. À l’arrière, le monoamortisseur Showa est ajustable en précontrainte du ressort seulement, sur sept niveaux.

Au niveau de la géométrie de la direction, la CBR favorise des valeurs relativement sportives, sans tomber pour autant dans la radicalité d’une Supersport à la CBR600RR. Son empattement de 1 450 mm représente un compromis entre vivacité et stabilité, tout comme les valeurs de chasse/déport (25,5°/101 mm) qui sont plutôt conservatrices, pour une sportive, on s’entend.

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Le freinage est bonifié et fait appel à deux disques de 310 mm pincés par des étriers radiaux Nissin à quatre pistons à l’avant et à un simple disque de 240 mm avec un étrier Nissin à simple piston à l’arrière. L’ABS à deux canaux est paramétrable. Le freinage est efficace, particulièrement à l’avant, offrant consistance et endurance. L’attaque est bonne, sans être démoniaque, et permet d’adopter une conduite sportive. Le frein arrière est quant à lui un peu en retrait, mais il ralentit la Honda sans rechigner. L’ABS est présent sans être intrusif. Une bonne chose. Tout comme l’antipatinage que l’on peut activer ou désactiver à l’aide d’une gâchette localisée sur le bracelet gauche.

La monte pneumatique assurée par des Dunlop Sportmax D214 constitue le point faible de la partie cycle. Il s’agit de pneus d’origine conçus par Dunlop pour équiper plusieurs motos japonaises, principalement des Sport-GT. Personnellement, ces gommes ne m’inspirent pas vraiment confiance. Les Dunlop ont du mal à monter en température et distillent très peu de retour d’information. L’avant est flou et résiste à la mise sur l’angle. Et leur adhérence va de moyenne sur le sec à mauvaise sur le mouillé. Si j’achetais une CBR650R, je les remplacerais immédiatement par de bons pneus (ContiSportAttack4, Metzeler Roadtec 01, Michelin Road 5, Pirelli Diablo Rosso IV).

 En action

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Quand on s’installe à bord de la Honda, on est accueilli par un tableau de bord simple et lisible, sans fioriture. Il intègre deux partiels, un compte-tours, un indicateur de rapport engagé, une horloge, une jauge à essence et un ordinateur de bord numérique complet.

Les deux demi-bracelets sont idéalement positionnés et tombent bien sous les mains, comme l’ensemble des commandes. La position de conduite est sportive, le buste légèrement basculé vers l’avant, les bras fléchis, les jambes repliées vers le haut et l’arrière. La bulle est basse et étroite et il faut se coucher sur le réservoir pour bénéficier d’un minimum de protection. Quant à la selle, elle est accueillante, quoique moyennement rembourrée.

En ville, la CBR profite de son étroitesse, de sa bonne agilité et de son poids raisonnable pour se faufiler dans la circulation avec aisance. Elle n’est certes pas aussi maniable qu’une moto à large guidon tubulaire, genre Yamaha MT-07, mais elle compense par la souplesse de son quatre en ligne. De plus, l’antipatinage est pratique en ville, sur chaussée mouillée, sur les passages piétons et les bandes peintes, mais aussi dans les zones de chantier — ce n’est pas ce qui manque à Montréal, capitale mondiale des zones orange — où gravier, sable et autres résidus de travaux sont légion.

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Sur route secondaire, la CBR650R se révèle. Elle est dans son élément. Joueuse et précise, rigoureuse sans être exclusive. Malgré ses guidons placés bas, elle est relativement vive et maniable. En fait, sa maniabilité se situe entre celle d’une Supersport (CBR600RR) et celle d’un roadster (CB650R). C’est une affaire de compromis. Elle réclame une bonne poussée sur le guidon pour changer d’angle rapidement dans les courbes serrées et dans les enfilades, mais elle se place en virage avec progressivité et précision. Dommage que Honda n’ait pas choisi de la doter de meilleurs pneus, car elle offre une excellente tenue de route et ses suspensions font du bon boulot, même sur notre réseau routier indigne d’un pays du G7. La fourche inversée et l’amortisseur procurent de très bonnes sensations et participent grandement à la confiance qu’on ressent à son guidon, au fil des kilomètres. D’un point de vue dynamique, la CBR650R est légèrement en retrait face à une véritable sportive, mais est toujours efficace et se montre bien plus polyvalente en usage quotidien.

Sur les petites routes, j’ai pris un malin plaisir à faire hurler le moteur entre 8 000 et 12 000 tr/min, plage dans laquelle il fonctionne le mieux et se montre rageur. Dans les sections viroleuses, il faut veiller à ne pas laisser le régime tomber sous la barre des 6 000 tr/min au risque de voir le moteur devenir anémique et pénaliser les sorties de courbes. Il vaut alors mieux rouler sur un rapport inférieur pour profiter d’une performance adéquate et de reprises franches. Comme c’est souvent le cas sur les quatre cylindres, les vibrations sont présentes, principalement à mi-régimes et on les ressent dans les guidons et aussi à la base du réservoir, entre les cuisses.

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Sur voie rapide, la Honda offre une position de conduite sportive, mais confortable, une protection raisonnable (pour une sportive) et une bonne allonge moteur. Il ne lui manque que des bagages accessoires — sac de réservoir et valises souples — pour se muer en sport-GT. La bulle de carénage est courte et renvoie l’air sur le haut du torse du pilote qui ne peut que se baisser pour la contrer. Ce flux d’air n’est pas trop turbulent et réduit la pression sur les poignets.

La partie cycle de la CBR650R est joueuse, mais elle pâtit de sa monte pneumatique d’origine et d’une garde au sol perfectible. Elle est homogène, rigoureuse et agile, ses suspensions bien calibrées et son freinage performant. Il manque un peu de mordant dans la phase d’attaque, mais il s’avère très convaincant par la suite, grâce à l’efficience des étriers radiaux à quatre pistons. C’est une machine avec laquelle on peut se faire plaisir lors de journées de roulage sur circuit.

Pour ce qui est du duo, disons que c’est faisable, mais occasionnellement, avec un passager initié qui aime la conduite et le confort spartiate d’une sportive.

Bilan

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La Honda CBR650R est une belle surprise. Son look racé est flatteur et ne laisse pas présager de ses aptitudes routières qui sont dignes d’une Sport GT, sans le surplus d’équipement. Sa selle est relativement ferme et tanne les fessiers à la longue, son pare-brise étroit et bas n’offre pas une protection superlative, pourtant, on est bien à son bord. À bonne vitesse, on avale les kilomètres sans trop y penser. Particulièrement sur les routes secondaires sinueuses. Un vrai charme. Pourvu que l’on soit fan du genre.

La partie cycle est rigoureuse, la position de conduite est sportive, mais pas radicale. Sans être une CBR600RR, la CBR650R permet de s’amuser sur route sinueuse, voire sur circuit, le cas échéant. C’est une moto polyvalente et facile à vivre au quotidien. Une moto plaisante à piloter tout en restant simple.

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Proposée uniquement en noir en 2021, la CBR650R se détaille 10 749 $. C’est presque raisonnable, pour une sportive. Elle offre peu d’électronique en dehors de l’antipatinage débrayable et de l’ABS. Et ça, c’est plutôt bien à mon avis.

La CBR650R n’est pas une vraie Supersport, on est tous d’accord sur ce point. Mais elle sait nous mettre la banane lors des sorties crapuleuses. Le quatre en ligne est rageur entre 8 000 et 12 000 tr/min et rappelle son héritage génétique. C’est en fait une sport-GT sobre et efficace qui arbore un style en parfaite adéquation avec ses sensations. Un bon exercice d’équilibre en quelque sorte. À un prix somme toute raisonnable.

FICHE TECHNIQUE

INFORMATIONS GÉNÉRALES

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  • Poids tous pleins faits : 202 kg
  • Hauteur de selle : 810 mm
  • Capacité essence :  15,4 L
  • Consommation : 5,2 L/100 km
  • Autonomie : environ 295 km
  • Coloris : Noir
  • Prix : 10 749 $

MOTEUR

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  • Moteur : 4-cylindres en ligne, 4-temps, refroidissement liquide
  • Distribution : DACT, 4 soupapes par cylindre
  • Puissance : 95,1 ch à 12 000 tr/min
  • Couple : 47 lb-pi à 8 500 tr/min
  • Cylindrée : 649 cc
  • Alésage x course : 67 x 46 mm
  • Rapport volumétrique : 11,6 : 1
  • Alimentation : Injection électronique PGM-FI
  • Transmission : 6 rapports
  • Entraînement : par chaîne

PARTIE CYCLE

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  • Suspension : fourche inversée à tubes de 41 mm Showa SFF-BP (fourche à fonctions séparées) ; monoamortisseur Showa à réglage de la précontrainte du ressort (7 niveaux)
  • Empattement : 1 450 mm
  • Chasse/Déport : 25,5°/101 mm
  • Freins : 2 disques de 310 mm et étriers radiaux à 4 pistons à l’avant ; simple disque de 240 mm avec étrier simple piston à l’arrière. ABS paramétrable de série (ABS à deux canaux)
  • Pneus : Dunlop Sportmax D214
    120/70-ZR17 à l’avant
    180/50-ZR17 à l’arrière

VERDICT RAPIDE

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ON AIME BIEN

  • Partie cycle efficace
  • Suspensions bien calibrées
  • Moteur rempli à hauts régimes
  • Poids contenu
  • Position de conduite confortable

ON AIME MOINS

  • Protection moyenne
  • Vibrations à mi-régimes
  • Monte pneumatique perfectible (Dunlop Sportmax D214)

ÉQUIPEMENT DU PILOTE

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Galerie

*Showa Separate Function front Fork Big Piston