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Un Super Scalpel affûté !

Photos © Didier Constant, Pierre Desilets et KTM

Faute de pouvoir présenter le lancement de la 890 Duke R dans les îles Canaries, comme prévu, la firme de Mattighofen a opté pour un lancement virtuel sur YouTube. À cette occasion, KTM Canada a confirmé que la Super Scalpel — c’est le nom de code de la 890 Duke R — ferait son apparition au pays dès le mois d’avril, soit six mois plus tôt qu’initialement planifié. Selon le plan originel, la 890 Duke R devait en effet arriver sur nos rivages à l’automne 2020, en tant que modèle 2021. Mais devant la pression des consommateurs qui la réclamaient à cor et à cri depuis son dévoilement au dernier salon de Milan, en novembre dernier, KTM a décidé de hâter sa venue au pays.

Dès que les circuits ont pu ouvrir leurs portes, j’ai réservé la KTM 890 Duke R pour un essai d’une semaine. Et le 1er juillet, je me suis retrouvé au complexe de sports motorisés de Mécaglisse pour un roulage VIP avec une dizaine de membres de Québec Lightweight, des amateurs de petite et moyenne cylindrées, comme moi.

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L’an dernier, après un premier contact mitigé avec la 790 Duke, sur route, j’avais procédé à un second essai, sur piste cette fois-ci, au circuit de Calabogie Motorsports Park et là, la sauce avait prise. « Adéquatement préparée et équipée, la KTM 790 Duke livre toutes ses promesses. C’est une moto bien née qu’il convient de mettre à sa main pour en tirer toute la quintessence. Légère, agile, joueuse, délinquante, c’est sur piste qu’elle révèle réellement son caractère. Et qu’elle fait honneur à son surnom de « Scalpel », avais-je alors conclu. Mais, c’était avant de découvrir la 890 Duke R

La R pousse le concept une coche plus loin sur l’échelle du hooliganisme et s’avère une moto plus affûtée tout en étant plus polyvalente que la 790 Duke qui souffrait de petits défauts de jeunesse, dont des suspensions basiques non ajustables et des freins J. Juan de qualité moyenne. De plus, elle était chaussée de pneus taïwanais de marque Maxxis qui n’étaient pas à la hauteur de ses prétentions de pistarde délinquante.

Un bicylindre LC8 plein de pep

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La 890 Duke R est l’évolution logique du concept « Scalpel » caractérisé par la recherche de la performance absolue. Elle reprend la partie cycle de la 790 Duke, dont elle partage la légèreté et la compacité, mais aussi son bicylindre LC8 refroidi au liquide. La cylindrée de ce dernier gagne 90 cc et grimpe à 890 cc, grâce à un accroissement de son alésage et de sa course (90,7 x 68,8 mm contre 88,0 x 65,7 mm), ce qui lui permet de développer 121 ch, soit 16 de plus que celui de la 790, pour un couple de 73 lb-pi, en hausse de 8 lb-pi. La culasse a été redessinée pour accueillir de plus grosses soupapes (+1 mm) et des arbres à cames avec une levée accrue, tandis que les nouveaux pistons forgés perdent 10 grammes chacun malgré l’alésage élargi. Des bielles renforcées et un vilebrequin inédit dont la masse en rotation a été accrue de 20 % ont également été mis en place, ce qui améliore la réponse de l’accélérateur à bas régime et augmente la stabilité en virage. Du coup, le twin affiche un rapport volumétrique plus important de 13,5:1 et une zone rouge plus élevée de 500 tr/min qui débute à 10 500 tr/min. Une toute nouvelle « logique de cartographie moteur » permet un réglage individuel de la cartographie par cylindre, selon KTM.

Électronique de pointe

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L’arsenal électronique est pléthorique et performant. Il s’appuie sur une centrale inertielle Bosch à six axes et inclut un capteur d’angle, l’ABS actif en virage, un accélérateur électronique ride-by-wire, un contrôle de traction évolué, un contrôle du patinage du moteur, un shifter bidirectionnel, un anti-wheelie, un mode Supermoto qui désactive l’ABS à l’arrière et un tableau de bord à large écran TFT couleur. La 890 Duke R dispose également de quatre modes de conduite (Rain, Street, Sport et Track). Ce dernier, optionnel, est paramétrable et débrayable. Il est accessible via le Track Pack qui équipait ma moto d’essai ou le Tech Pack. Le mode « Track » offre neuf niveaux d’antipatinage (lequel est également débrayable), un réglage de la réponse de l’accélérateur et la possibilité de désactiver le contrôle de l’anti-wheelie.

Partie cycle bonifiée

Par rapport à la 790 Duke, la 890 R affiche une ergonomie plus sportive ; elle est dotée d’un guidon plus bas et plus agressif, avec des repose-pieds plus larges, situés plus haut et plus en arrière pour une meilleure garde au sol en courbe.

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Le cadre est inchangé, mais il adopte une géométrie de direction plus agressive. La chasse est réduite à 24,3°, le déport à 98 mm, tandis que l’empattement s’établit à 1 482 mm. Ces changements favorisent la vivacité et la réactivité de la Duke qui affiche toujours une stabilité impériale. La 890 Duke R est un rail et trace des trajectoires chirurgicales. Son surnom de Super Scalpel n’est donc pas usurpé.

La suspension adopte des composants WP APEX haut de gamme. La fourche inversée de 43 mm est entièrement réglable, avec un débattement qui s’établit à 140 mm, tandis que l’amortisseur WP APEX apporte la possibilité de régler l’amortissement en compression à haute et basse vitesse. Il y a même un ajustement de précontrainte hydraulique très pratique.

Parmi les autres ajouts bienvenus, citons un nouveau système de freinage combinant des étriers Brembo Stylema Monoblock (ce qui se fait de mieux en ce moment), un maître-cylindre à pompe radiale Brembo MCS et des disques Brembo de 320 mm qui constituent une énorme amélioration par rapport au système de freinage J. Juan de la 790. L’ensemble Brembo est moins lourd et est combiné avec l’ABS Bosch actif en virage ainsi que le mode ABS Supermoto, pour une sensation de conduite plus précise.

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Enfin, la KTM 890 Duke R est chaussée d’excellents pneus Michelin Power Cup 2 avec un dessin de semelle minimaliste et une gomme sportive très collante. Dans les faits, ce sont quasiment des slicks estampillés DOT, donc légaux sur route. La différence de comportement et de performance avec les Maxxis est incroyable. La 890 Duke R reçoit enfin des gommes dignes de sa mission.

Dans sa mutation, la 890 Duke R perd trois kilos. C’est peu et beaucoup à la fois quand on considère tous les ajouts dont elle bénéficie et l’évolution qualitative de ses suspensions et de ses freins, par exemple.

La carrosserie accueille un nouveau coloris et des graphiques plus contemporains.

Sur la route

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Au guidon de la 890 Duke R, on trouve une position de conduite sportive, le buste légèrement incliné vers l’avant, le menton au-dessus du compteur, tandis que les pieds sont reculés et relevés. Le large guidon conique en aluminium offre un bon effet de levier et est réglable en tout sens. Ce qui facilite la maniabilité et la mise sur l’angle. Avec sa selle étroite à la base du réservoir, je n’ai pas les jambes trop écartées et je pose facilement les deux pieds au sol malgré l’assise qui trône à 835 mm.

Le poste de pilotage est dépouillé et agréable. L’écran couleur à matrice active est sublime, facile à consulter et très lisible. Il affiche le rapport engagé dans le coin supérieur gauche, la jauge d’essence et de température moteur à droite alors que le compte-tours à graphbarres surmonte l’indicateur de vitesse numérique. Le choix du type d’affichage (Track, dans mon cas) et la sélection des menus est intuitive et s’effectue grâce au sélecteur situé sur le commodo gauche.

En dynamique, la Duke 890 R est un modèle de facilité : courte, fine, sportive, réactive. Elle se manie du bout des doigts et met le pilote immédiatement en confiance. Il se sent en terrain connu et appréhende la KTM sans aucune difficulté.

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Sur les routes secondaires de Lanaudière, la KTM se montre joueuse et affûtée. Son moteur est plus musclé que celui de la 790 Duke, spécialement en bas de 5 000 tr/min —, sans pour autant sacrifier la douceur ni la fougue à haut régime. Il reprend sans broncher dès 2 000 tr/min, sur les premiers rapports et dès 4 000 tr/min en sixième. Il cogne moins que les 690 mono de la marque et moins aussi que la 790 Duke. À haut régime, il est également moins vibreux. Les balanciers d’équilibrage font du bon boulot et on prend plaisir à rouler sur le couple et à passer les rapports tôt, sans les étirer jusqu’à la zone rouge située à 10 5000 tr/min.

Les chiffres de puissance sont en hausse sur toute la plage de régimes. Doux et souple jusqu’à 6 500 tr/min, le LC8 prend vie passé ce cap et la roue avant lève dans les airs sur les trois premiers rapports, sans forcer. Le bicylindre affiche une faible inertie et prend ses tours facilement. De 7 000 tr/min à la zone rouge, il offre des accélérations stupéfiantes et se démarque de son prédécesseur par sa niaque et son volontarisme. La cartographie de l’accélérateur, trop abrupte sur la 790, a été adoucie, distillant un sentiment de contrôle accru à basse vitesse. Les réactions brutales de l’accélérateur à bas régime, à la remise des gaz, sont chose du passé. On peut désormais évoluer sur un filet de gaz, sans que la moto se mette à hoqueter violemment. Parfait en ville, par exemple, mais aussi sur route sinueuse ou sur circuit, en milieu et en sortie de virage. Du coup, la 890 se démarque par une facilité d’utilisation et d’accès accrue.

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Le Quickshifter + optionnel qui équipait ma moto d’essai est vraiment efficace. Il renforce le caractère sportif et rebelle de la Super Scalpel et est addictif, spécialement sur piste où il fait preuve d’une efficience, d’une douceur et d’une précision étonnantes. Les rapports passent avec douceur et précision, à la volée, en montant et en descendant.

Sur route, le châssis bonifié fait des merveilles. Le train avant est bien planté et met le pilote en confiance, d’autant que les pneus offrent une adhérence difficile à prendre en défaut. Il permet de négocier les virages serrés avec précision et agilité. Dans les enchaînements, la légèreté relative de la 890 favorise les changements d’angle et améliore la maniabilité et la vivacité. Dans les grandes courbes négociées à haute vitesse, la moto reste hyper stable. Les suspensions absorbent parfaitement les défauts de la chaussée et ne déstabilisent jamais la KTM.

Sur route rapide, la KTM 890 est désavantagée par un confort de selle et une protection perfectibles. Au-delà de 140 km/h, la pression de l’air sur le haut du torse et du casque est importante et il faut se caler derrière le panneau d’instruments, tête baissée, bras rentrés, pour la contrer. Il faut également veiller à ne pas s’agripper trop fort au guidon au risque d’induire des guidonnages intempestifs.

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L’autre inconvénient quand on veut voyager en couple, c’est l’absence de repose-pieds passager de série (ils sont livrés avec la moto, tout comme la selle passager, mais ne sont pas installés) et de poignées de maintien sur la 890. C’est une moto réservée aux plaisirs solitaires.

Sur la piste

Avant de me rendre à Mécaglisse, j’avais pris soin de faire ajuster la suspension afin de profiter au maximum de mon expérience sur ce tracé technique et court. J’avais également réglé la pression des pneus en fonction de la température (32 °C à 11 h), soit 32 livres à l’avant et 28 à l’arrière. Par souci d’efficacité et de performance, j’ai sélectionné le mode « Track », réglé l’antipatinage au troisième des neuf niveaux (donc peu interventionniste), désactivé l’anti-wheelie et opté pour le mode « Supermoto ». Ainsi ajustée, la 890 Duke R sortait fort des virages, sans excès de puissance risquant de me catapulter dans les airs, mais en exploitant au mieux l’excellente adhérence des Michelin. Je pouvais même me permettre des petites glissades du pneu arrière.

La 890 Duke R affiche une attitude plus racée et sportive que sa benjamine et est vraiment prête pour la course. Avec une ergonomie plus affûtée et des aides électroniques affinées, elle se montre digne de son pseudonyme. La position de conduite est plus agressive que sur la 790. Le guidon est légèrement plus bas, alors que les repose-pieds sont reculés et surélevés. La garde au sol est insondable et la qualité des Michelin Power Cup 2 permet de rouler à un rythme élevé en toute confiance. Ils procurent une motricité supérieure et rendent la conduite sur circuit vraiment efficace et exaltante. En plus d’être plus légers, ces Michelin montent rapidement en température et on peut attaquer fort après un tour, sans qu’il soit impératif d’utiliser de couvertures chauffantes.

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Légère, fine entre les jambes, la KTM se manie au doigt et à l’œil. Elle trouve la corde en virage de façon instinctive, d’un simple regard et d’une légère poussée sur le guidon. Joueuse, rebelle et précise, elle improvise et pardonne les erreurs de son pilote. Elle peut ajuster sa trajectoire en cours de virage et se replace sur la bonne ligne facilement. On a parfois l’impression qu’elle possède un mode « pilotage automatique » invisible qui lirait nos pensées et analyserait les conditions de piste pour nous offrir la meilleure réaction possible.

Les suspensions sont excellentes. La fourche absorbe les petites bosses sans broncher, ce qui contraste avec la 790, tout en offrant un contrôle adéquat sur les bosses plus prononcées. De plus, elle ne plonge pas excessivement dans les zones de freinage intense. L’amortisseur arrière est également efficace. Grâce à ses nombreuses possibilités d’ajustement, j’ai pu relever l’arrière et mettre plus de poids sur l’avant qui, comme je le disais précédemment, est bien planté et inspire confiance.

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Pour ce qui est du freinage, il est superlatif. Rien à voir avec celui de la 790 Duke. Les étriers de frein Brembo Stylema Monoblock de première qualité combinés à des disques Brembo de 320 mm et à un maître-cylindre Brembo MCS qui permet de régler l’éloignement du levier et la sensation de freinage offrent un mordant incroyable. Ajoutez à cela l’ABS actif en virage, presque imperceptible et vous obtenez des entrées en courbe rassurantes. Et pour ressentir une bouffée d’adrénaline, vous pouvez activer le mode ABS Supermoto, qui permet à la roue arrière de déraper à volonté dans les longs virages. Avec ce type de freins, je n’hésite pas un instant à appliquer les rudiments de « trail-braking » que j’ai acquis à l’école de Freddie Spencer, au début des années 2000. Même pas peur !

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Un bilan extrêmement positif

La KTM 890 Duke R est l’aboutissement du concept Scalpel qu’elle pousse à son paroxysme. Plus racée, plus affûtée, plus puissante que la 790 Duke, elle s’adresse aux pilotes sportifs qui cherchent un roadster extrême de moyenne cylindrée, agile, stable et puissant, capable de briller sur route comme sur piste. De plus, son prix étudié de 13 549 $ — soit seulement 1 000 $ de plus que la 790 —, malgré l’utilisation de composants de suspension et de freinage premiums qui bonifient son comportement, en font l’une des meilleures affaires du moment. Au grand dam de la KTM 790 Duke. À l’heure actuelle, c’est l’un des meilleurs roadsters de moyenne cylindrée, avec la Triumph Street Triple 765 RS et la MV Agusta Brutale 800 RR. Et le plus abordable. Je signe où ?

FICHE TECHNIQUE

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INFORMATIONS GÉNÉRALES

  • Poids à sec : 166 kg (184 kg tous pleins faits)
  • Hauteur de selle : 835 mm
  • Capacité essence : 14  L
  • Consommation : non mesurée
  • Autonomie : non mesurée
  • Durée de l’essai : 200 km route — 10 séances de piste
  • Prix : 13 549 $
  • Coloris : orange/argent — noir/argent

MOTEUR

  • Moteur : bicylindre parallèle, 4-temps, DACT, 4 soupapes par cylindres, refroidi au liquide
  • Puissance : 126 ch à 9250 tr/min
  • Couple : 73 lb-pi à 7750 tr/min
  • Cylindrée : 890 cc
  • Alésage x course : 90,7 x 68,8 mm
  • Rapport volumétrique : 13,5:1
  • Alimentation : injection électronique
  • Transmission : 6 rapports, quickshifter bidirectionnel de série
  • Entraînement : par chaîne

 PARTIE CYCLE

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  • Suspension : fourche inversée WP Apex de 43 mm de diamètre, réglable en compression et détente ; monoamortisseur WP Apex réglable en précontrainte du ressort, compression et détente
  • Empattement : 1 482 mm
  • Chasse/Déport : 24,3°/99,7 mm
  • Freins :
    AV – double disque de 320 mm, étriers radiaux Brembo Stylema à 4 pistons ; ABS Bosch 9.1 MP actif en virage, mode Supermotard ;
    AR – simple disque de 240 mm pincé par un étrier simple piston Brembo. ABS Bosch 9.1 MP actif en virage, mode Supermotard ;
  • Pneus : Michelin Power Cup 2
    120/70ZR17 à l’avant
    180/55ZR17 à l’arrière

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VERDICT RAPIDE

ON AIME BIEN

  • Le moteur vivant
  • Le freinage superlatif
  • Les suspensions premium
  • La prise en main évidente
  • L’agilité et la vivacité
  • Le mode « track » optionnel

ON AIME MOINS

  • La selle un peu ferme
  • L’absence de commodités pour le passager
  • La protection moyenne

ÉQUIPEMENT DU PILOTE

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 Galerie

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