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L'aventurière qui se prend pour une GT !

Photos © Didier Constant, Kawasaki

Introduite sur le marché européen en 2012, la première mouture de la Versys 1000 s’est immédiatement démarquée dans le créneau des motos d’aventure en adoptant un quatre cylindres en ligne issu de la sportive Ninja 1000SX. Une motorisation inédite pour cette catégorie dominée par les bicylindres, voire les trois cylindres. Elle proposait un mélange subtil de dynamisme et de confort malgré un physique ingrat qui n’a pas vraiment séduit les motocyclistes de l’époque. Remaniée en 2015, avec une allure plus sportive, la Versys 1000 s’est mutée en une excellente GT avec laquelle on peut traverser le continent en duo, en tout confort.

La version 3.0 de la Versys 1000 souffre toujours d’un problème de personnalité. Son allure renvoie des images de déserts et de sentiers de gravier qui ne correspondent pas à sa réelle vocation de routière. La Kawasaki est en réalité une voyageuse au long cours plus à l’aise sur les routes asphaltées, comme le laissent entrevoir ses roues de 17 pouces et son accastillage remodelé. Son gros réservoir de 21 litres, combiné à une consommation raisonnable de 6,0 L/100 km en usage routier, lui procure une autonomie de près de 350 km, idéale pour traverser l’Europe ou l’Amérique du Nord à vive allure, sur les routes rapides. Elle est plus dans la classe d’une Yamaha Tracer 900 GT, d’une Suzuki V-Strom 1050 XT ou d’une Ducati Multistrada que d’une BMW R1250GS, si vous voulez mon avis.

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Un équipement superlatif

La version SE lui donne accès à des caractéristiques de luxe qui en font une authentique GT. Jugez plutôt : suspensions électroniques, Ride-by-Wire avec quatre modes de conduite (Sport, Road, Rain, Rider) qui influent sur l’antipatinage et le tarage des suspensions pilotées, régulateur de vitesse, ABS effectif en virage, contrôle de traction réglable sur trois niveaux, embrayage « Assist & Slipper », bulle haute, tableau de bord TFT couleur, éclairage adaptatif en virage, prises 12 V, feux à DEL, freins radiaux 4 pistons performants, peinture autorégénératrice, protège-mains, poignées chauffantes, béquille centrale… La liste n’en finit plus !

Au niveau de l’électronique, la Versys adopte une centrale inertielle Bosch (IMU) à 6 axes qui contrôle l’accélération longitudinale, transversale et verticale, la vitesse angulaire de roulis et la vitesse de tangage. Cette boîte noire analyse en continu une foule de données, assurant ainsi une gestion plus fine du contrôle de traction (KTRC) et de l’ABS (KIBS), principalement sur l’angle. L’IMU est prédictive et anticipe les réactions du véhicule en analysant finement ses mouvements. En courbe, l’IMU régule la force de freinage et la puissance du moteur tout au long de la trajectoire, intervenant sur le freinage et l’antipatinage. L’intelligence artificielle en action !

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Et il ne faudrait pas oublier la connectivité Bluetooth qui permet à la Versys de communiquer avec le monde extérieur, sans fil, voire d’être réglée à distance via l’application Rideology de Kawasaki (téléchargeable sur Apple Store ou Google Store).

Vie à bord

Visuellement, la Versys évolue, mais se démarque toujours par des lignes taillées à la serpe qui la font ressembler à un Transformer. Même ses sacoches de 28 litres qui peuvent accueillir un casque intégral adoptent un look anguleux et torturé qui affecte négativement leur volume et leur capacité d’emport. Bien que cet aspect futuriste inspiré de l’univers Manga ne flatte pas le regard, il permet de maîtriser plus efficacement les flux d’air, rendant la moto protectrice et confortable.

Pourtant, une fois installé à bord, sur la superbe selle moelleuse (une des meilleures du marché ), laquelle culmine à 840 mm, on oublie vite la plastique ingrate de la nippone. La selle ne s’ajuste pas en hauteur, mais une selle basse (820 mm) est offerte pour ceux qui ont des petites jambes. Par chance, la base du réservoir est étroite et n’écarte pas exagérément les cuisses du pilote. Par ailleurs, elle offre suffisamment de recul et ne taxe pas les jambes des grands gabarits.

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Le poste de pilotage est accueillant et complet. Il est dominé par un large écran TFT associé à un compte-tours analogique situé à sa gauche. Deux environnements (Touring ou Sport) et deux affichages (fond noir ou blanc) sont proposés. Toutes les informations nécessaires y sont présentées de façon claire et intuitive. On navigue à travers les menus de l’écran à l’aide des palettes situées sur les commodos, principalement celui de gauche. Là, on peut ajuster les suspensions électroniques et les différents modes en un clin d’œil. On trouve même une prise accessoire 12V pour charger téléphone ou GPS.

Un moteur qui a du coffre

Haute sur pattes, lourde (257 kg tous pleins faits ), la Versys reste cependant hyper facile à emmener, grâce à sa bonne répartition des masses, à son centre de gravité bas, mais aussi à son super quatre-en-ligne souple et puissant qui a déjà démontré tout son potentiel sur les générations précédentes de la Versys, mais aussi sur la Ninja 1000SX, l’une des meilleures sport-GT encore offertes.

Ce bloc envoûtant démontre beaucoup de peps sur les quatre premiers rapports, même s’il est plutôt linéaire par la suite. Il est très doux et reprend très bas dans les tours (dès 1500 tr/min ), sans jamais cogner ni broncher. Son énorme échappement d’origine, situé côté droit, émet une sonorité feutrée à bas régime qui devient imposante au fur et à mesure que le moteur grimpe dans les tours.

Cette aisance incroyable, pour une moto de ce gabarit — on la dirige du bout des doigts, sans forcer —, s’accompagne d’une bonne stabilité à haute vitesse, malgré la présence des valises latérales.

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Doux et feutré à bas régime, le gros quatre-cylindres se réveille passé le cap des 6 000 tr/min, dans un grondement flatteur à l’oreille du pilote qui se croit alors aux commandes d’une sportive. Il procure des accélérations époustouflantes et des reprises très franches. Le tout sans vibrations ou presque. Le charme des gros cubes quatre-cylindres.

Comportement routier

Ce moulin qui se montre à l’aise en ville, à bas régime, dispose d’un couple impressionnant qui lui permet de s’extraire de la circulation urbaine avec brio. Dans cet environnement, on navigue sur les trois premiers rapports. Une simple accélération suffit alors à s’échapper. Disponibilité et douceur sont au rendez-vous.

Sur voie rapide, sa rondeur et sa puissance font de la Versys une machine à voyager vite et loin — c’est un TGV classe Pullman —, en solo comme en duo. Ses larges valises offrent une bonne capacité d’emport. Et le porte-bagages est parfait pour fixer un sac de type marin ou le top case optionnel de 47 litres.

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Confortable pour le pilote, la selle l’est également pour le passager qui, de surcroît, est bien protégé des éléments par le large carénage. À l’avant, la bulle réglable en hauteur distille une protection convaincante au niveau des épaules, du torse, des bras et des jambes. Cependant, elle génère quelques turbulences désagréables au niveau du casque, quelle que soit la hauteur à laquelle elle est ajustée, qui affectent le niveau sonore. Bouchons auditifs indispensables.

Sur route secondaire, la Versys surprend. En effet, on s’attendrait à ce qu’elle soit pataude, voire instable, en raison de son poids élevé, de ses suspensions à grands débattements et de ses valises proéminentes. Mais il n’en est rien. L’aventurière Kawasaki se la joue sportive. Agile, elle virevolte dans les virages serrés et les enfilades. Une simple poussée sur le grand guidon tubulaire suffit à l’inscrire en virage. Il offre un bras de levier important qui facilite la mise sur l’angle.

Neutre, la Versys est stable, particulièrement dans les grandes courbes rapides. Pour peu que l’on adopte un rythme sportif, on peut facilement faire frotter les repose-pieds tant la Kawasaki aime prendre de l’angle. Sur le tableau de bord, l’indicateur d’angle intégré affichait 51° d’inclinaison à droite et 49° à gauche. Étonnant pour une grosse aventurière.

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Le freinage est impressionnant d’efficacité et parvient à ralentir la bête de plus de 250 kilos rapidement et en toute sûreté. À l’aide de deux doigts seulement. L’ABS fonctionne de façon transparente. Il régule la pression, même sur l’angle, sans déstabiliser la Versys. Il travaille de concert avec la suspension électronique et l’antipatinage, grâce à la nouvelle centrale inertielle à six axes qui fait des merveilles.

La suspension à commande électronique Kawasaki (KECS) est un ajout majeur. Elle ajuste l’amortissement dans la nouvelle fourche à cartouche haut de gamme et l’amortisseur BFRC (Balance Free Rear Cushion) Lite en temps réel, en fonction des conditions, et vous permet de changer rapidement la rigidité globale de la suspension pour une conduite plus douce ou plus ferme. Elle s’adapte également à la charge embarquée (passager, bagages) d’un simple réglage. Un must !

À retenir

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Les pneus sport-touring Bridgestone T31 sont les parfaits compagnons de la Kawasaki. Ils contribuent à son agilité et à sa sportivité tout en offrant une adhérence sans surprise et une longévité étonnante. Ils permettent au pilote de bien lire la route , ainsi que les conditions de l’asphalte et l’incitent à pousser sa machine sans retenue. Leur motricité en sortie de virage rapide ou dans les grandes courbes est imperturbable. Un pneu sport-touring à son meilleur !

Parmi les autres bons points à souligner, notons le quickshifter bidirectionnel qui fonctionne à merveille, à la montée des rapports comme aux rétrogradages, avec une onctuosité et une précision étonnantes, quel que soit le régime moteur. Un vrai plus sur route secondaire sinueuse.

À l’inverse, j’ai été moins impressionné par le régulateur de vitesse qui ne réagissait pas toujours immédiatement aux tentatives d’ajustement de la vitesse et se montrait brusque lorsqu’il se désengageait, au freinage, par exemple.

En conclusion

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Plus hybride qu’aventurière, la Kawasaki Versys 1000 SE LT + est une formidable voyageuse au guidon de laquelle on avale facilement 800 km par jour sans broncher. Malgré quelques rares imperfections, elle offre des prestations impressionnantes, tant en conduite tourisme que sportif. C’est une routière performante et très confortable, grâce à son excellente selle. Avec elle, on peut rouler longtemps, sans fatigue ni lassitude. Elle offre en bonus le luxe des poignées chauffantes, du régulateur de vitesse, du quickshifter, des leviers de frein et d’embrayage réglables, des feux de virage à diodes et du pare-brise ajustable. Ses valises logeables et son porte-bagages complètent admirablement son potentiel de voyageuse et incitent à partir à l’aventure. Dans la gamme Kawasaki, elle surpasse la Concours 14 dans ce rôle et propose une alternative intéressante à la Ninja 1000SX, une des meilleures GT sportives du marché, pour ceux qui aiment voyager rapidement, en couple.

Pour 2020, la Versys 1000 LT sera offerte en vert émeraude/noir tandis que la la Versys 1000 SE LT + arborera une robe noire mate/gris tempête nacré. Le coloris noir métallique/blanc nacré de notre moto d’essai disparaît du catalogue, tout comme la version de base orange. Cette année, la Kawasaki Versys 1000 SE LT + se détaille 19 899 $, soit une hausse de seulement 100 $ par rapport au modèle 2019. Une aubaine !

FICHE TECHNIQUE

INFORMATIONS GÉNÉRALES

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  • Poids tous pleins faits : 257 kg
  • Hauteur de selle : 840 mm
  • Capacité essence :  21 litres
  • Consommation : 6,0 L/100 km
  • Autonomie :  350 km
  • Durée de l’essai:  1750 km
  • Prix : 19 899 $

MOTEUR

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  • Moteur : quatre cylindres en ligne, 4— temps refroidi au liquide, DACT, 4 soupapes par cylindre
  • Puissance : 120 ch à 9000 tr/min
  • Couple : 75,2 lb-pi à 7500 tr/min
  • Cylindrée : 1043 cc
  • Alésage x course : 77 x 56 mm
  • Rapport volumétrique : 10,3:1
  • Alimentation : injection électronique, 4 corps Keihin ETV à papillon de 38 mm avec accélérateur Ride-by-Wire
  • Transmission : 6 rapports, Quickshifter bidirectionnel (KQS) de série
  • Entraînement : par chaîne

PARTIE CYCLE

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  • Suspension : fourche inversée KECS à ajustement électronique, poteaux de 43 mm de Ø, ajustable en compression, précontrainte du ressort et détente ; monoamortisseur Uni-Track BFRC à ajustement électronique KECS.
  • Empattement : 1520 mm
  • Chasse/Déport : 27°/106 mm
  • Freins :
  • AV : double disque de 310 mm pincé par des étriers radiaux à 4 pistons.
  • AR : monodisque de 250 mm avec étrier simple piston. ABS de série.
  • Pneus : Bridgestone Battlax T31
    120/80 ZR17 à l’avant
    180/55 ZR17 à l’arrière

VERDICT RAPIDE

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ON AIME BIEN

  • Le moteur
  • La suspension électronique
  • Le confort
  • L’équilibre général
  • La polyvalence
  • Le freinage

ON AIME MOINS

  • Les lignes torturées
  • La forme des valises qui leur fait perdre un peu de leur contenance
  • Les turbulences

Équipement du pilote

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Galerie

6 réponses à “Kawasaki Versys 1000 SE LT +”

  1. Francois Maisonneuve

    Vous ne la trouvez pas un peu chère cette version SE? On parle de 5300$ de plus qu’une Yamaha Tracer 900 GT. C’est énorme!

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  2. Didier Constant

    Bonjour François,
    La Versys SE LT+ est chère, c’est certain, mais elle offre des suspensions électroniques et un arsenal électronique très complet comparativement à la Yamaha. Cependant, la Tracer 900 GT est une superbe machine. Et, ce qui ne gâte rien, elle est offerte à un prix plus que raisonnable.

    Répondre
  3. Jean-Paul

    Bonjour Didier, merci pour ce beau reportage. Venant de deux Tiger Sport de suite…j’ai décidé de rouler sur ce modèle cette année. Madame souffre depuis un an d’un hernie discale et en essai, nous avons trouvé ce modèle particulièrement confortable; surtout pour elle. Niveau performance, cette moto est étonnante. Très discrète et malgré tout, moteur et chassis s’accordent très bien; j’avais jamais l’impression de vitesse, et pourtant je passais plus vite après seulement 30 km d’essai qu’avec mes autres motos sur lesquelles j’avais accumulé beaucoup d’expérience. Meilleures salutations et bonnes routes.

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  4. Pierre G.

    Si j’ai bien compris : on met un grand guidon sur une GT, et hop ! Aventure 😉
    Pourquoi pas…

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  5. Jean-François Béliveau

    Bonjour Didier,
    Très bon reportage encore une fois, Bravo!
    Cette fois-ci je peux en attester davantage la véracité, ayant acquis un modèle identique au printemps 2019, en remplacment d’une Versys 650 (2017) et d’une Goldwing 2008.

    Enfin j’ai trouvé… 🙂 Vraiment, quelle machine. L’été dernier, c’est au Colorado et en Utah que nous sommes allés la tester… Rien d’autre à dire que: Cette moto est parfaite pour ce genre de routes (montagneuses, sinueuses, et souvent rapides, etc.). Bref que du bonheur… Je lui trouve les mêmes qualités que mon ancienne BMW RT1200 2005 (tenue de route, confort), mais avec des qualités en plus (plus de puissance, plus sportive, plus douce) et des défauts en moins (moins capricieuse, moins dispendieuse à entretenir et à l’achat).
    Même son look me plait…:-) Merci encore pour les beaux reportages si bien écrits. Au plaisir, J-F 🙂

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