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Prise de contact à Majorque

Texte : Costa Mouzouris — Tradaptation : Didier Constant
Photos @ Chippy Wood et Gareth Harford (Triumph)

Lorsque Triumph a lancé les nouvelles Bonneville, en 2016, la société britannique a modernisé ses néo-rétros en adoptant le refroidissement au liquide, un accélérateur électronique ride -by-wire, l’ABS, l’antipatinage et un meilleur châssis. Ainsi bonifiées, les Bonnie devinrent nettement plus légères que les Bonneville à refroidissement par air qu’elles remplaçaient. Et après les avoir essayées, je les ai particulièrement aimées, surtout la Street Twin à bicylindre parallèle de 900 cc.

Les performances et la maniabilité de la Thruxton, qui est mue par un twin vertical de 1200 cc, sont arrivées à point nommé, mais la suspension rigide de la Café Racer sportive de Triumph et sa position de conduite agressive, presque supersportive, limitaient son terrain de jeu aux sorties urbaines ou aux expéditions dominicales sportives. Dans le cas de la Street Twin, j’ai trouvé son style classique et contemporain très attrayant et sa position de conduite droite beaucoup plus conviviale pour ma vieille carcasse de quinquagénaire. La seule chose qui lui manquait pour devenir une moto idéale, c’était considérablement plus de puissance — une quarantaine de chevaux serait un bon début — pour atteindre la centaine de bourrins. Elle en gagne 10 en 2019, mais ce n’est pas suffisant pour satisfaire mon insatiable appétit de vitesse.

Avec la Speed ​​Twin, qui se situe à mi-chemin entre la Street Twin et la Thruxton, Thriumph s’approche enfin de la vérité. Nous avons eu la chance de l’essayer sur les routes qui serpentent dans les montagnes de Majorque, une des îles de la Méditerranée, en Espagne.

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Présentation statique

La puissance étant mon critère le plus important, nous allons commencer par le moteur. La Speed Twin délaisse le moulin de 900 cc à boîte cinq vitesses de la Street Twin pour le bicylindre vertical de 1200 cc à six vitesses des dernières Bonnie, mais Triumph ne s’est pas contenté du bloc de 79 ch de la T120 ; la compagnie anglaise a opté pour le moteur de 96 ch de la Thruxton. Le calage à 270 degrés est conservé, mais le gros bicylindre offre désormais un couple maximum de 83 lb-pi à seulement 4 950 tr/min.

Quelques modifications mineures distinguent toutefois le moteur de la Speed Twin de celui de la Thruxton, notamment un couvre-culasse en magnésium, des carters moteur plus légers et un embrayage allégé. À l’instar de la Thruxton, la Speed Twin dispose d’un antipatinage commutable et de trois modes de conduite électroniques — Pluie, Route et Sport — chacun disposant d’une cartographie d’injection et de paramètres de contrôle de traction de plus en plus agressifs. L’intervalle des entretiens est fixé à 16 000 km.

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Le châssis a été développé à partir de celui de la Thruxton R, avec quelques modifications importantes. La géométrie de la partie cycle est très similaire : la Speed ​​Twin affiche une chasse de 22,8 degrés, comme sur la Thruxton R et un déport de 93,5 mm (92 mm pour la Thruxton). Mais la Speed ​​Twin a un empattement de 1 530 mm (plus long de 15 mm). Cela met un peu plus de poids sur la roue avant et favorise une répartition des masses idéale de 50/50 entre l’avant et l’arrière. Le cadre est en acier, mais le double berceau amovible est en aluminium (en acier sur la Thruxton). Contrairement à la Thruxton de base, qui possède des étriers avant flottants à deux pistons et des disques pleins, la Speed ​​Twin est dotée d’étriers à quatre pistons et de disques flottants Brembo de haute qualité.

La Speed ​​Twin revendique un poids à sec de 196 kg, soit 10 kg de moins que la Thruxton, 7 kg de moins que la Thruxton R et 2 kg de moins que la Street Twin. Ce qui en fait le bicylindre parallèle le plus léger et le plus performant de la firme d’Hinckley. Et, ce qui ne gâte rien, son prix est réduit de 700 $ comparativement à celui de la Thruxton pour s’établir à 13 300 $.

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Présentation dynamique

Quand nous nous sommes élancés du parking de l’hôtel, à 8 h 30 du matin, la température était d’à peine 10 degrés. La Speed ​​Twin démarra du premier coup, offrant une note d’échappement riche et rauque. Heureusement, nos hôtes avaient eu la bonne idée d’installer des poignées chauffantes sur nos motos d’essai, une option à 330 $. Il s’agit d’un accessoire indispensable au Canada. Si vous trouvez cela coûteux, sachez que les câbles sont intelligemment intégrés à la moto et que l’intensité de la chaleur s’affiche sur le tableau de bord. En plus, la configuration du commutateur est la plus élégante que j’ai jamais vue, l’interrupteur étant monté directement sur la poignée gauche.

Lorsque vous soulevez la Speed Twin de la béquille latérale, elle s’avère étonnamment légère. La hauteur de selle modeste de 807 mm permet de poser les deux pieds au sol facilement. La selle est un peu plus basse que sur la Thruxton, bien que le rembourrage du siège soit plus épais de trois centimètres. Le large guidon relevé en aluminium vous permet de vous tenir le dos droit tandis que les repose-pieds avancés de 38 mm et abaissés de 4 mm comparativement à la Thruxton, offrent un meilleur positionnement des jambes.

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L’engagement de l’embrayage est souple, de même que celui de la boîte de vitesses. Les changements de rapports s’effectuent en douceur et avec précision. Nous avons commencé la journée sur des routes dégagées et rapides sur lesquelles la Speed ​​Twin a fonctionné sans à-coups, le moteur ronronnant à 3 400 tr/min à 100 km/h en sixième. À ce régime, les reprises sont franches et permettent de dépasser facilement. Mais, si l’espace pour le faire est restreint, il faut descendre un ou deux rapports pour compléter la manœuvre rapidement, sans crainte.

La bande de couple est large : le moteur tire avec force et sans relâchement jusqu’à la ligne rouge située à 7 000 tr/min. Sur routes sinueuses, la répartition du couple vous affranchit presque de passer les rapports, le moteur tirant facilement à partir de 2 000 tr/min, que vous soyez en deuxième, troisième ou quatrième vitesse.

Les Triumph récentes bénéficient toutes d’un accélérateur électronique exempt de reproche et la Speed ​​Twin ne fait pas exception à la règle. À basse vitesse, dans les rapports inférieurs, la réponse de l’accélérateur en mode « Sport » nécessite un poignet droit délicat, mais elle est suffisamment fluide pour rendre les deux autres modes de conduite presque redondants. La réaction plus douce de l’accélérateur en mode « Route » facilite la conduite dans la circulation urbaine et je suis sûr que le mode « Pluie » donnera aux pilotes une tranquillité d’esprit incomparable par temps humide. Lorsque nous avons rencontré une route mouillée, je suis resté en mode « Sport » et la Triumph ne m’a pas surpris, grâce au comportement linéaire de son moteur, ce qui la rend remarquablement facile à piloter.

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Les routes de montagne que nous avons empruntées par la suite étaient très sinueuses, avec une variété de virages allant des grandes courbes rapides aux épingles serrées. L’effet de levier offert par le guidon large et relevé rend la direction plus légère que celle de la Thruxton dotée de bracelets bas, tout en maintenant une stabilité impériale, quelle que soit la vitesse. La réduction du poids a un effet important sur le maniement de la Speed. Triumph s’est efforcé de réduire l’inertie — grâce aux roues, à l’embrayage et aux disques de frein plus légers —, ce qui rend la Speed ​​Twin particulièrement agile dans les esses et les épingles.

La suspension est issue de celle de la Thruxton, mais elle a été légèrement modifiée au niveau de la précontrainte du double amortisseur (elle a été adoucie) et du volume d’huile de la fourche (il est plus important). La seule Thruxton que j’ai pilotée jusqu’à présent est le modèle R à la suspension rigide. A contrario, celle de la Speed ​​Twin est beaucoup plus souple et utilisable au quotidien, et pas seulement pour s’amuser sur les routes secondaires. Bien que je trouve la suspension ferme, elle a été conçue pour affronter un large éventail de conditions de conduite. Elle offre beaucoup de contrôle pour attaquer les routes sinueuses à grande vitesse tout en restant modérément confortable en modes tourisme et urbain. La seule chose que j’aimerais, c’est une plus grande facilité d’ajustement de la précontrainte des amortisseurs dans les situations difficiles.

La selle plate et large est ferme. Cependant, je ne peux pas vraiment attester de son confort. En effet, la veille, j’avais effectué une longue sortie à vélo qui m’a laissé l’arrière-train en compote. Et il était encore douloureux lors de cette prise de contact de 200 km. La douleur ne s’étant pas accentuée à l’occasion de cette escapade espagnole, je me dis que la selle ne doit pas être inconfortable.

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En revanche, le temps froid a causé des problèmes sur le trajet, en particulier le matin lorsque les routes étaient encore humides. Nous avons emprunté un tronçon de route de cinq kilomètres qui reste ombragé et mouillé toute la journée. Sur le trottoir, j’ai remarqué que de la mousse y poussait — sa teinte verte a sapé ma confiance instantanément.

Cependant, il faut applaudir la décision de Triumph de chausser la Speed Twin de pneus radiaux Pirelli Diablo Rosso III à gomme sportive en monte d’origine tant ils sont excellents. Ils offrent une adhérence remarquable et un retour d’information qui inspire confiance. Même en mode « Sport », avec le mode de traction réglé au minimum, je n’ai jamais senti le pneu arrière se dérober. Contrairement à certains pilotes de mon groupe qui ont déclaré avoir glissé de l’avant, de l’arrière ou des deux roues à un moment donné, en début de la journée, lorsque les températures étaient encore basses.

Enfin, les freins dotés d’origine de l’ABS sont à la hauteur de la tâche qui leur incombe. L’effort au levier est léger et il suffit de deux doigts pour ralentir la bête. Le feed-back est excellent et ils offrent une puissance de freinage digne d’une supersportive.

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On se laisse tenter ou pas ?

Si vous envisagez l’achat d’une néo-rétro, comme peut-être une BMW R nineT Pure ou une Kawasaki Z900RS, la Triumph Speed Twin 2019 mérite certainement que vous vous intéressiez à elle. Même si vous avez un faible pour la Thruxton, parce que vous aimez son style Café Racer, je vous conseille de favoriser la Speed Twin, quitte à l’équiper de guidons-bracelets. Vous obtiendrez le look qui vous fait vibrer et vous bénéficierez d’une moto plus légère et plus économique.

Le style de la Speed Twin m’a séduit avec sa silhouette classique et ses touches vintage, comme les garde-boue en aluminium brossé, les soufflets de fourche noirs, l’absence totale de chrome, les supports de phare en aluminium forgé, le bras oscillant en aluminium non peint, le moteur noirci et l’aspect soigné. Ajoutez à cela sa position de conduite accommodante et sa fiche technique démontrant des performances supérieures à celle de Thruxton et vous obtenez la moto parfaite ! Il ne fait aucun doute dans mon esprit que la nouvelle Speed Twin est la meilleure Bonneville de Triumph et possiblement la néo-rétro idéale.

FICHE TECHNIQUE

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INFORMATIONS GÉNÉRALES

  • Poids à sec : 196 kg
  • Hauteur de selle : 807 mm
  • Contenance du réservoir : 14,5 L
  • Consommation : 4,8 L/100
  • Autonomie : 304 km
  • Durée de l’essai : 200 km
  • Prix :  13 300 $
  • Coloris : noir — rouge/noir — gris/noir

MOTEUR

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  • Moteur : Bicylindre vertical 4 temps, simple ACT et 8 soupapes, refroidi au liquide
  • Puissance : 96 ch à 6 750 tr/min
  • Couple : 83 lb-pi à 4 950 tr/min
  • Cylindrée : 1200 cc
  • Alésage x course : 97,6 x 80 mm
  • Rapport volumétrique : 11,0 : 1
  • Alimentation : injection électronique séquentielle multipoint
  • Transmission : six rapports
  • Entraînement : par chaîne

PARTIE CYCLE

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  • Suspension : fourche à cartouche, ø 41 mm dépourvue de réglages. Double amortisseur réglable en précontrainte
  • Empattement : 1 430 mm
  • Chasse/Déport : 22,8 degrés/93,5 mm
  • Freins : 2 disques de 305 mm et étrier à 4 pistons Brembo, ABS à l’avant ; 1 disque de 250 mm avec étrier 2 pistons Nissin à l’arrière. ABS de série
  • Pneus : Pirelli Diablo Rosso III
  • 120/70 ZR17 à l’avant ;
  • 160/60 ZR17 – 16 à l’arrière.

 Galerie

Vidéoclip

2 réponses à “Triumph Speed Twin 2019”

  1. Daniel

    Bonjour
    Merci pour ce compte rendu d’essai ! Cette speed Twin est-elle adaptée aux grands gabarits (1m90) ?
    D.

    Répondre
  2. Didier Constant

    Oui, tout à fait Daniel. Beaucoup plus qu’une Thruxton R par exemple.

    Répondre

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