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La Yamaha FZ-10 joue les pistardes

Rédaction : Didier Constant — Photos : © Didier Constant

La FZ-10 est la version dénudée de la R1S que nous avons essayée sur piste, à Saint-Eustache et au circuit du Mont-Tremblant, au mois d’août. Et à ce titre, le Boss a eu envie que nous l’essayions sur piste, question de voir comment elle se débrouillait dans un tel environnement. Il voulait aussi vérifier si son héritage génétique était édulcoré ou bien intact après cette séance d’effeuillage.

Le vendredi 9 septembre, nous nous rendons donc à l’Autodrome Saint-Eustache pour un essai impromptu avant que Didier parte pour le Bol d’Or, le lendemain. Nous sommes inscrits à une journée de roulage de l’ASM Motosport. À l’origine, c’est lui qui devait piloter la FZ-10 au circuit, mais notre photographe n’ayant pu se libérer, il m’a demandé de jouer les essayeurs pendant qu’il prendrait les photos. Dire qu’il était déçu serait en deçà de la vérité, d’autant plus qu’il avait adoré la FZ-10 lors de son lancement canadien, en juin dernier, et qu’il se faisait une fête de la maltraiter sur le circuit. Mais il faut parfois faire contre mauvaise fortune bon cœur.

La FZ-10 est prête pour aller rouler à l'Autodrome Saint-Eustache

La FZ-10 est prête pour aller rouler à l’Autodrome Saint-Eustache

Partis un peu en retard, nous arrivons au circuit à temps pour prendre part à la première séance de roulage. Le plan est que je fasse les quatre séances du matin sur la FZ-10 et que je me consacre à la mise au point de ma Yamaha YZF-R3 durant l’après-midi. Didier quitterait quant à lui le circuit après la pause de midi pour ramener la FZ-10 au bureau de Yamaha Canada.

Pour cette prise de contact — je n’ai jamais piloté la Yamaha, ni sur route ni sur piste —, je règle le mode de conduite sur la position « Standard ». Un mode qui distille la totalité des 160 chevaux du quatre cylindres, mais avec plus de douceur. Ce mode corrige en partie le comportement abrupt de l’accélérateur, ce qui n’est pas pour me déplaire. Néanmoins, la réponse de l’accélérateur manque toujours de douceur. Il est difficile de bien le contrôler quand on cherche à rouler sur un filet de gaz ou lors des transitions ouvert/fermé, situations dans lesquelles il procure une réponse saccadée.

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Pendant la première séance au guidon de la FZ-10, je roule sur des œufs, essayant de m’adapter à sa position de conduite.

Pendant la première séance, je roule sur des œufs. Comparativement à ma R3, la FZ-10 est un monstre de puissance qui crache quatre fois plus de chevaux et bénéficie d’un couple phénoménal. En fait, il s’agit du roadster le plus puissant que j’ai essayé (je possédais une Honda CB1000R 2011 auparavant). Le quatre cylindres CP4 affiche une plage de puissance large s’étendant de 6 000 tr/min à 12 000 tr/min. Il cogne un peu en bas de 3 500 tr/min mais est bien rempli à mi-régimes pour devenir explosif au-delà de 8 000 tr/min. En sortie de courbe, on sent le cadre travailler et les suspensions geindre sous la torture. La FZ-10 se cabre à l’ouverture des gaz sur les quatre premiers rapports, comme un Mustang fou dans une arène de rodéo. Et je dois m’accrocher au large guidon tubulaire pour rester en selle. La sonorité de l’échappement est flatteuse passé 8 000 tr/min et les montées en régime sont envoutantes. Le pot émet une sonorité rugueuse à bas régime et rauque dans les tours. On ne s’en lasse pas.

Sortie après sortie, je prends confiance aux commandes de la FZ-10 et j’augmente la cadence progressivement. Même si sa partie cycle est moins affûtée que celle de la R1S, la FZ-10 reste intègre. Elle est stable, même à l’attaque et inspire confiance en conduite sportive sur piste. Homogène, équilibrée, elle possède un train avant bien planté et se place sur la trajectoire d’une simple poussée sur le guidon. Il faut cependant éviter de trop s’agripper à ce dernier pour ne pas déséquilibrer la machine et induire des mouvements involontaires de la direction. Si le roadster se place sur l’angle avec facilité, son centre de gravité élevée et sa position de conduite droite demandent un certain temps d’adaptation sur circuit. Par ailleurs, la forme de la selle limite les mouvements du pilote en piste alors que ses bottes viennent fréquemment en contact avec les platines de repose-pieds.

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Servie par une géométrie de direction agressive aux valeurs sportives (chasse/déport de 24°/102 mm) et par un empattement ultracourt (1 400 mm), la FZ-10 se comporte comme une sportive de moyenne cylindrée bourrée de watts. Facile à balancer d’un virage à l’autre, elle est agréable à piloter rapidement sur piste où elle se montre très efficace. Et hyper stable. Les suspensions Kayaba réglables dans tous les sens s’acquittent parfaitement de leur tâche une fois ajustées aux petits oignons, procurant à la FZ-10 une tenue de cap irréprochable et une connexion directe entre la route et la moto.

Les pneus Bridgestone Battlax S20 EVO sont efficaces, mais ils montrent leurs limites à un rythme soutenu sur piste. Des pneus plus sportifs — les Bridgestone Battlax R10S qui équipent la R1M seraient parfaits en l’occurrence — seraient recommandés si vous prévoyez prendre part à plusieurs journées de roulage par saison.

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Si la FZ-10 affiche une tenue de route exemplaire en courbe comme en ligne droite, elle a tendance à élargir la trajectoire quand on négocie les virages sur les freins. Et cherche à se relever si on prolonge la pression sur le levier alors qu’on est sur l’angle. Sinon, le freinage est correct. Il manque un peu de mordant et d’endurance pour briller sur circuit — un problème qui pourrait se corriger aisément en installant des durites en acier tressé et des plaquettes tendres —, mais il offre une belle modularité. Quant à l’ABS de série, il est transparent.

Lors de ma dernière sortie, la confiance aidant, j’ai eu l’impression d’enfin maîtriser le roadster Yamaha qui demande à être poussé pour livrer le meilleur de lui-même sur piste. Dès lors qu’on arrête de se poser des questions sur sa nature profonde, la Yamaha laisse parler ses gènes et se révèle très affûtée sur circuit, au point où l’on oublie qu’il s’agit d’un roadster. C’est une moto performante et aiguisée qui fait preuve d’un équilibre étonnant dans cet environnement particulier pour lequel elle n’a pas été originalement conçue.

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Au fil des tours, j’ai pris confiance au guidon de la FZ-10 au point d’oublier qu’il s’agissait d’un roadster

Pour ce qui est du style de la FZ-10, disons qu’il ne m’emballe pas plus qu’il faut. Je ne suis pas un adepte des motos au look manga, (à mon avis, la Kawasaki Z1000 est encore plus laide que la FZ-10, mais c’est un jugement personnel). Comme dit le patron : « La laideur — ou la beauté — c’est relatif. Tu l’oublies quand tu es aux commandes de la moto pour te concentrer sur l’essentiel : la qualité et l’efficacité. La seule chose que tu vois, c’est le compteur qui s’affole et l’horizon qui disparaît pour faire place à l’azur. La seule chose que tu ressens c’est un plaisir indescriptible. Un moteur qui pousse sans fin au point de te donner des frissons, une sonorité envoutante dans les tours, et une tenue de route impériale. La FZ-10 ce n’est pas une moto pour les mous du cortex cérébral ou les handicapés du poignet droit ! »

Quand j’ai repris le guidon de ma Yamaha R3, en début d’après-midi, il m’a fallu un peu de temps pour me réacclimater. J’avais l’impression qu’il ne se passait rien quand j’ouvrais les gaz à fond. Et ma moto semblait si légère entre mes jambes que, plusieurs fois, j’ai commis des erreurs d’appréciation en négociant les virages serrés de l’Autodrome Saint-Eustache.

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Ma gueule? Qu’est-ce qu’elle a ma gueule?

Malgré son look radical et sa vocation de bagarreuse des rues, la FZ-10 offre énormément d’agrément sur piste et fait preuve d’un équilibre étonnant. Son héritage génétique n’a nullement été entamé par sa mutation en roadster. À son guidon, on ressent les principales sensations offertes par la R1S. Si j’en achetais une, je n’hésiterais pas un instant à faire de la piste avec. Après quelques modifications de base (pneus à gomme tendre, durites de frein en acier tressé, plaquettes de frein tendres, amortisseur de direction, etc.), bien entendu.

FICHE TECHNIQUEessai_yamaha_fz-10_piste-11

INFORMATIONS GÉNÉRALES

  • Poids tous pleins faits : 210 kg
  • Hauteur de selle : 825 mm
  • Capacité essence : 17 L
  • Consommation : non mesurée
  • Autonomie : non mesurée
  • Durée de l’essai : 250 km
  • Prix : 15 499 $
  • Coloris : noir ou gris brillant/jaune

MOTEUR

  • Moteur : quatre cylindres en ligne, DACT, 4 soup./cylindre, refroidissement liquide
  • Puissance : 160,4 ch à 11 500 tr/min
  • Couple : 81,8 lb-pi à 9 000 tr/min
  • Cylindrée : 998 cc
  • Alésage x course : 79 x 50,9 mm
  • Rapport volumétrique : 12:1
  • Alimentation : injection Mikuni à corps de 45 mm
  • Transmission : 6 rapports
  • Entraînement : par chaîne

PARTIE CYCLE

  • Suspension : fourche inversée KYB, tubes de 43 mm réglable en précontrainte du ressort, en compression et en détente ; mono-amortisseur KYB ajustable en précontrainte du ressort, en compression et en détente
  • Empattement : 1 400 mm
  • Chasse/Déport : 24°/102 mm
  • Freins : double disque de 320 mm et étriers quatre pistons à fixation radiale à l’avant ; monodisque de 220 mm avec étrier simple piston à l’arrière. ABS de série
  • Pneus : Bridgestone Battlax S20 EVO
    120/70ZR17 à l’avant
    190/55ZR17 à l’arrière

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GALERIE

Verdict rapide

ON AIME BIEN

  • Le moteur plein de watts
  • La partie cycle efficace pour un roadster
  • Le caractère rebelle

ON AIME MOINS

  • Le centre de gravité élevé
  • La réactivité excessive de l’accélérateur électronique en mode B
  • L’ergonomie mal adaptée au circuit