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L’attente est en proportion de la récompense qu’elle promet

Photos: Dave Beaudoin et Didier Constant

Mieux vaut tard que jamais

Mon premier contact avec la GSX-S750 remonte en octobre 2010, au Salon de Cologne, lors de la présentation de presse officielle Suzuki. Malgré les choix esthétiques et techniques faits par les ingénieurs de la firme d’Hamamatsu (moteur de 750 cc, éléments de suspension basiques, bras oscillant en acier, cadre conventionnel également en acier…), la Suzuki ne m’avait pas laissé indifférent. Au point où je me suis arrangé pour l’essayer brièvement en juin 2011, à l’occasion d’un voyage en France.

Puis, cet été, j’ai profité de son arrivée au Canada pour passer deux semaines en sa compagnie. Dans sa robe bleue et blanche, la Suzuki est magnifique et attire immédiatement le regard. Avec ses lignes anguleuses, comme découpées à la serpe, la GSX-S750ZA offre une allure contemporaine à défaut d’être originale. Elle est dans l’air du temps et, comme la plupart des roadsters sportifs modernes, elle se distingue par un capot de phare minimaliste qui fait office de saute-vent.

La GSX-S750 offre le minimum syndical en matière d’équipement. Pourtant, elle est dotée d’une finition de bon niveau et, malgré sa partie cycle et ses composants génériques partagés par d’autres motos de la marque, elle est efficace et hyper agréable à piloter.

Son moteur refroidi au liquide est éprouvé. Il s’agit d’un 4-cylindres en ligne DACT, à courte course (72 x 46 mm), de 749 cc, dérivé de celui de la GSX-R750 2005. Ce bloc archiconnu développe une puissance de 106 chevaux à 10 000 tr/min pour un couple à bas et moyen régimes renforcé. Le profil des arbres à cames a été revu en ce sens, tout comme la valve à l’échappement. Le pot d’échappement de type 4-en-1 s’inspire de celui des GSX-R au niveau du look.

Un cadre de type diamant en acier enserre le moteur suspendu qui participe à la rigidité de la moto. Celle-ci reçoit également une fourche télescopique inversée de 41 mm de diamètre, anodisée or et un monoamortisseur Kayaba, tous deux réglables en précontrainte sur six positions.

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La géométrie de direction est sportive (chasse de 25° 20 et déport de 104 mm pour un empattement de 1 450 mm). Elle procure un comportement neutre et une bonne stabilité au roadster de Suzuki. Le poids est relativement bas (213 kg tous pleins faits) et la maniabilité excellente, ce qui facilite la prise en main.

Pour ce qui est du freinage, Suzuki a fait appel à des composantes Tokico classiques, avec un double disque de 310 mm à l’avant pincé par un étrier double piston. L’arrière reprend un disque de 240 mm avec étrier simple piston.

La monte pneumatique d’origine est assurée par des pneus Bridgestone BT-016 à vocation sportive qui lui permettent de laisser parler son potentiel de roadster velu.

Quant à l’instrumentation, elle est simple, mais complète et affiche toutes les informations nécessaires (compteur de vitesse, compte-tours, indicateur de rapport engagé, jauge à essence, horloge, double totalisateur partiel…) dans un tableau de bord lisible et efficace.

Suzuki a retenu des solutions techniques certes classiques, mais éprouvées. Bien qu’il soit évident que les contraintes économiques ont guidé le cahier des charges de la GSX-S750, le résultat est étonnant. L’efficacité avant la frime!

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On ne juge pas un livre à sa couverture

Ce qui surprend quand on s’installe aux commandes de la GSX-S750, c’est la facilité avec laquelle la Suzuki s’apprivoise. Malgré une selle relativement haute (815 mm) et une position de conduite légèrement basculée vers l’avant, elle se pilote du bout des doigts. Vive, à la limite de la nervosité, agile et joueuse, elle est envoutante. La selle est relativement confortable, mais la partie dévolue au passager est haut perchée et peu accueillante. Ajoutez à cela des repose-pieds relevés qui forcent le passager à recroqueviller les jambes et vous obtenez une moto qui encourage les plaisirs solitaires.

La Suzuki se démarque par un gabarit de moyenne cylindrée. Étroite à l’entrejambe, elle permet au pilote de bien poser les pieds au sol à l’arrêt. Le réservoir à essence, volumineux dans sa partie supérieure, force ce dernier à écarter un peu les genoux tandis que le guidon tubulaire raisonnablement large procure un bon effet de levier. Sur ma moto d’essai, il était réglé trop vers l’avant, ce qui me causait une pression excessive sur les avant-bras et une gêne au niveau des lombaires. Il a suffi de le ramener un peu vers moi pour retrouver une position de conduite plus naturelle.

La sonorité du bloc Suzuki est reconnaissable entre toutes. Surtout si vous avez déjà piloté une GSX-R750 récente. Elle est bien distillée par le volumineux quatre-en-un qui veille à ce que le bruit ne devienne pas une nuisance. L’injection est correctement calibrée, la réponse à la poignée douce et progressive et le jeu dans le rouage d’entraînement imperceptible. Tout pour faciliter les premiers contacts avec la Suzuki qui se montre joueuse et docile à la fois.

Elle fait preuve d’une efficacité étonnante dans la circulation urbaine. Elle se faufile avec une facilité qui frise l’insolence et change de direction d’une simple poussée sur le guidon. Grâce à un rayon de braquage raisonnable, on peut effectuer des demi-tours sur un dix cennes. De plus, le couple moteur important évite de devoir jouer en permanence avec le sélecteur de vitesse. Il suffit de se caler sur les rapports intermédiaires et de laisser le moteur s’exprimer. Il est d’une souplesse remarquable et reprend sans rechigner dès 2 000 tr/min pour s’élancer ensuite avec vigueur.

Ceux qui me connaissent savent à quel point j’aime les roadsters sportifs qui envoient du gros gaz et transforment chaque sortie en démonstration de hooliganisme. Malgré sa puissance modeste, la GSX-S750 fait partie de ces motos qui vous mettent le sourire aux lèvres à la moindre rotation de la poignée des gaz. Elle n’a peut-être pas le punch d’une Aprilia Tuono V4, d’une BMW S1000R, d’une Ducati Streetfighter, d’une KTM SuperDuke 1290, voire d’une Suzuki GSX-S1000, mais elle offre des performances de haut niveau (elle frôle les 250 km/h en vitesse de pointe). Le 4-en ligne est viril à mi-régimes, particulièrement entre 3 500 et 8 000 tr/min et procure des reprises solides. Au-delà, il tire franchement, jusqu’à la zone rouge, et il suffit de tourner l’accélérateur dans le bon sens pour que la Suzuki vous récompense par des prestations sportives.

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Un roadster sportif efficace

Après quelques dizaines de kilomètres en ville, la GSX-S750 et moi sommes partis faire un tour dans les Laurentides, par les routes secondaires sinueuses et désertes en cette magnifique fin du mois d’août. Des routes où l’on peut rouler à un bon rythme sans craindre pour son permis. En mode balade, la Suzuki est docile, civilisée, mais à l’approche des premières courbes, elle trépigne d’impatience et vous signifie son envie d’augmenter la cadence. La GSX-S750 adore les courbes, toutes les courbes. Et elle les négocie avec maestria. C’est d’autant plus surprenant que sa partie cycle classique n’a pas recours à des composants haut de gamme, ce qui incite à une certaine prudence au début. Prudence qui s’efface rapidement après quelques minutes à un rythme sportif sur des routes viroleuses. Stable dans les grandes courbes rapides, la Suzuki est vive et incisive dans les virages serrés et les épingles. Le train avant est précis et inspire confiance. Il faut seulement relâcher la pression sur le guidon pour contrer la nervosité relative de la direction. Affûtée, elle permet à son pilote de donner libre cours à ses envies. Elle lui permet de rentrer fort sur les freins en courbe, de changer de trajectoire sur l’angle et de ressortir des virages en pleine accélération. Sans que la moto ne soit déstabilisée. Sur route, il est difficile de dépasser ses limites. D’autant que les Bridgestone BT-016 qui l’équipent en première monte sont efficaces. Il s’agit de pneus à gomme molle, destinés aux sportives, qui s’avèrent particulièrement bien adaptées aux roadsters. Ils offrent une motricité étonnante qui s’améliore au fur et à mesure que la température de la gomme monte. Ils se montrent endurants et n’ont pas tendance à décrocher quand on pousse la Suzuki dans ses derniers retranchements.

Le seul véritable reproche que l’on peut adresser à la GSX-750, c’est le manque de mordant du frein avant à étrier à double piston. Il faut tirer fort sur le levier pour ralentir efficacement la moto, surtout en conduite sportive. La puissance est graduelle — limite même lors de la phase d’attaque initiale — et l’endurance correcte, mais on aimerait avoir plus de mordant. La pose d’étriers modernes, à quatre pistons et de durits en acier tressé, de type aviation, corrigerait assurément ce défaut et renforcerait le caractère délinquant de la Suzuki.

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Apte aux voyages

Pour tester les aptitudes de la GSX-S750 au tourisme, Alain Paquin et moi l’avons conduite sur un aller-retour Montréal/Toronto, soit un trajet de 1 100 km que nous avons complété en 13 heures. À ma grande surprise, j’ai été étonné par son confort relatif, une qualité que je n’attendais pas d’un roadster sportif. En effet, l’autoroute n’est pas le terrain de jeu préféré de ce type de motos dont la protection moyenne constitue le principal handicap. La pression du vent se fait ressentir au-delà de 160 km/h, mais sur la Suzuki, elle n’entame pas le plaisir qu’on éprouve. Il faut baisser un peu la tête et ne pas s’agripper au guidon sous peine de voir la moto se mettre à bouger.

La position de conduite est adéquate pour ce genre d’escapades et ne vient pas à bout de la résistance du pilote. Les vibrations sont bien contrôlées et l’agrément moteur se laisse apprécier au fil des kilomètres. Sur les routes rapides et rectilignes, le moteur de la Suzuki ronronne à peine à 6 000 tr/min à 130 km/h. Avec une consommation moyenne de carburant d’environ 6,2 l/100 km qui permet de parcourir 283 km avec les 17,5 litres du réservoir.

Le confort procuré par la selle et les suspensions est plutôt bon pour ce genre d’excursions. Il ne constitue en aucun cas une entrave aux longs périples.

Pour les bagages, un sac de réservoir — personnellement, j’utilise un Givi à fixation Tanklock qui est génial —, un sac de selle ou des valises cavalières transforment le roadster Suzuki en machine à voyager, de préférence en solo. Sans être une GoldWing, la GSX-S750 se tire bien d’affaire en mode tourisme. Et il suffit de délaisser l’autoroute en faveur des routes secondaires pour bénéficier de son côté joueur et se faire plaisir. En fait, la Suzuki fait preuve d’une bonne polyvalence.

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Simple, mais pas simpliste

Aujourd’hui, la GSX-S750 fait face à une rude concurrence. En plus de la BMW GT800, de la Ducati Monster 800, de la Kawasaki Z800, de la Triumph Street Triple et de la Yamaha FZ-8, elle doit affronter des motos de plus grosses cylindrées (Aprilia Tuono, BMW S1000R, Ducati Monster 1200, Honda CB1000R, Kawasaki Z1000, KTM SuperDuke 1290, Triumph Speed Triple et Yamaha FZ-09) qui sont plus puissantes et plus sophistiquées. Dans ce contexte, les amateurs de roadsters extrêmes reprocheront peut-être à la GSX-S750 de manquer de puissance et de testostérone, mais sa grande-sœur, la GSX-S1000 est là pour répondre à cette tâche. La 750 s’adresse quant à elle à une clientèle qui recherche un bon équilibre entre performances et économie. Il s’agit d’une moto qui fait appel à des solutions simples, mais éprouvées, partagées par plusieurs autres machines de la gamme Suzuki. Cependant, le recours à ces solutions ne se fait pas au détriment de l’efficacité. Ses prestations dynamiques sont étonnantes et démontrent qu’une moto est plus qu’une liste de pièces et de composants plus ou moins exotiques. Ça doit être un ensemble homogène et affûté au service du plaisir du pilote. Et à ce point de vue, la GSX-S750 remplit parfaitement sa mission.

Réussie esthétiquement, la Suzuki est efficace, performante et agréable à piloter. On regrette seulement qu’elle nous ait fait languir quatre longues années avant de s’offrir à nous. Espérons pour elle, qu’elle n’aura pas à le regretter, d’autant que la sortie des GSX-S1000 et GSX-S1000F risque de lui faire de l’ombre.

 

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FICHE TECHNIQUE

INFORMATIONS GÉNÉRALES

  • Poids tous pleins faits : 213 kg
  • Hauteur de selle : 815 mm
  • Capacité essence : 17,5 litres
  • Consommation : 6,2 L/100 km
  • Autonomie : 283 km
  • Durée de l’essai : 1500 km
  • Prix : 8 699,00 $ (A) — 8 999 $ (ZA)

MOTEUR

  • Moteur : 4-cylindres en ligne, quatre temps, DACT, 4 soupapes par cylindre, refroidi au liquide
  • Puissance : 106 ch à 10 000 tr/min
  • Couple : 59 lb-pi à 9 000 tr/min
  • Cylindrée : 749 cc
  • Alésage x course : 72 x 46 mm
  • Rapport volumétrique : 12,3 : 1
  • Alimentation : injection électronique à papillons jumelés SDTV
  • Entraînement : par chaîne

PARTIE-CYCLE

  • Suspension : fourche inversée Kayaba diam. 41 mm, réglable en précontrainte (6 positions), monoamortisseur Kayaba réglable en précontrainte (6 positions)
  • Empattement : 1 450 mm
  • Chasse/Déport : 25° 20 x 104 mm
  • Freins :
    AV 2 disques diam. 310 mm avec étriers 2 pistons
    AR disque diam. 240 mm avec étrier 1 piston.
  • Pneus : Bridgestone Battlax BT-016
    120/70 x 17 à l’avant;
    180/55 x 17 à l’arrière.

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VERDICT RAPIDE

ON AIME BIEN

  • Moteur coupleux et puissant
  • Agilité extrême
  • Excellents pneus Bridgestone BT-016

ON AIME MOINS

  • Nervosité du train avant à l’attaque
  • Frein avant décevant
  • Absence de béquille centrale

 

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