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La MV Agusta qui réinterprète le tourisme sportif

Texte : Costa Mouzouris — Traduction : Didier Constant — Photos : Milagro, MV Agusta

Confortablement installé dans mon fauteuil, en première classe, en route pour le lancement mondial de la MV Agusta Turismo Veloce, je m’interroge sur la vraie nature de la moto de tourisme rapide de Varèse. À quelles motos se compare-t-elle réellement? Quelles sont ses compétitrices directes, en dehors de ses cousines MV et plus particulièrement la récente Stradale?

Quelques noms me viennent immédiatement à l’esprit dont la BMW S1000XR que je n’ai pas encore essayée, la Ducati Multistrada 1200 que j’ai découverte aux îles Canaries plus tôt cette saison et la Yamaha FJ-09 que j’ai essayée en Alabama, en mars dernier. Entre toutes ces machines, la cylindrée et la puissance varient beaucoup, mais elles partagent toutes des éléments de style communs, dont des suspensions à grand débattement, un carénage enveloppant, des bagages optionnels intégrés et surtout une roue avant de 17 pouces, contrairement aux motos d’aventure à la BMW R1200GS. Ce type de machines correspond à une catégorie que j’appellerais les aventurières sportives. Mais dans le cas des concepteurs de MV Agusta, comment voient-ils la concurrence de la Turismo Veloce? Quelles motos ont-ils identifiées comme référence?

Durant la présentation technique, Giovanni Castiglioni, le flamboyant PDG du constructeur italien a dressé sa propre liste, laquelle inclut les motos dont je viens de vous parler, mais aussi quelques surprises, dont la BMW R1200GS et la Triumph Tiger Explorer, deux motos nettement plus grosses que la Turismo Veloce, mais surtout plus orientées vers le hors route.

Ce qui n’a pas empêché le patron de MV de dire que la Turismo Veloce n’était pas une GS, puisqu’elle n’a pas été pensée pour la conduite tout terrain, comme je viens de vous le mentionner, mais plutôt une moto de prestige. Quant à l’utilisation de Pirelli Scorpion II à vocation « aventure », Castiglioni affirme que ces pneus ont été sélectionnés en première monte, car ils pardonnent plus que des pneus à gomme sportive en raison de leur carcasse plus flexible, ce qui améliorerait le confort de roulement, selon lui.

Malgré tous vos efforts pour essayer de rationaliser cette catégorie casse-tête, une chose est sûre : MV Agusta a visé juste avec la Turismo Veloce!

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Présentation technique

Alors que les autres tricylindres de MV Agusta sont toutes basées — les sportives mises à part — sur la plateforme de la Brutale 800, la Turismo Veloce est inédite et ne partage qu’environ 6 % de ses pièces avec le roadster de Varèse.

Le tricylindre de 798 cc utilise de nouveaux composants; pistons, cames, culasses, admission, échappement et cartographies d’injection ont été développés spécifiquement pour elle. Sans oublier la boîte de vitesse dont les rapports sont plus longs, ce qui permet à la routière de rouler à un régime plus bas (2 200 tr/min en sixième à vitesse de croisière), ce qui contribue à réduire sa consommation de carburant de 20 %. Ces changements visent à accroître la plage de couple comparativement aux autres trois cylindres, ce qui explique également pourquoi la puissance est passée de 125 à 110 ch.

Afin de réduire les coûts d’utilisation, l’intervalle des révisions a plus que doublé, passant de 6 000 à 15 000 km alors que l’intervalle d’ajustement des soupapes est désormais d’une fois aux 30 000 km. L’importateur canadien offre par ailleurs l’entretien gratuit de votre Turismo Veloce pendant deux ans, soit durant la durée de la garantie initiale.

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Le châssis subit le même traitement. Le cadre en treillis, les suspensions, les freins et les jantes sont spécifiques à la Turismo Veloce. Par exemple, la jante arrière est plus robuste afin de supporter le poids supplémentaire d’un passager et des bagages lors de longs trajets. Le cadre est plus large à sa base et incorpore des supports ad hoc pour une béquille centrale, un équipement qu’aucune autre MV Agusta ne possède, pas même en option.

La Tursimo Veloce est déclinée en deux versions : de base ou Lusso, c’est-à-dire « de luxe ». La première est équipée d’une fourche inversée Marzocchi complètement ajustable et d’un monoamortisseur Sachs, également ajustable dans tous les sens alors que le modèle Lusso reçoit des suspensions électroniques Skyhook semi-actives, des sacoches latérales, des poignées chauffantes et une béquille centrale.

La dotation électronique est pléthorique. Elle comprend un système ABS débrayable, un antipatinage à huit niveaux d’ajustement, quatre modes de conduite (Sport, Touring, Rain et Custom), un régulateur de vitesse, un quick-shifter électronique fonctionnant dans les deux sens et une centrale Bluetooth à laquelle on peut jumeler jusqu’à neuf appareils simultanément.

Un nouveau tableau de bord doté d’un écran couleur à matrice active (TFT) de 5 pouces de large domine le cockpit et intègre une multitude de commandes électroniques. Son interface n’est pas la plus conviviale sur le marché. Elle affiche la plupart des différents paramètres sur une seule page plutôt que de recourir à un menu de configuration avec des affichages dédiés. Cependant, elle est facile à utiliser et on s’y habitue rapidement.

Selon les techniciens de MV Agusta, une application pour téléphones intelligents sera bientôt offerte. Elle permettra d’ajuster les suspensions électroniques (Lusso) et effectuer d’autres réglages à distance. Bienvenue dans le 21e siècle.

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Bellissima !

La Turismo Veloce 800 est l’une de ces motos qui sont plus belles en personne qu’en photo. Au premier coup d’œil, on reconnait qu’il s’agit d’une MV Agusta, principalement en raison de son phare avant à DEL au design unique, de son échappement triple iconique et de ses lignes fluides, douces, dans la plus pure tradition de la marque de Varèse. Vue de derrière, la Turismo Veloce 800 est unique, magnifique! La boucle arrière minimaliste du cadre tubulaire donne l’impression que l’arrière de la machine est dégagé, aéré. Un choix qui n’est pas anodin. En effet, le grand espace vide entre le pneu et la partie inférieure de la queue est conçu pour accueillir les sacoches latérales optionnelles (de série sur la Lusso) de 30 litres de capacité chacune. Cet espace permet de rapprocher les sacoches et de réduire la largeur hors-tout de la MV. L’arrière est plus étroit que le guidon, ce qui facilite la circulation entre les files de circulation, une pratique autorisée ou tolérée dans la plupart des pays européens.

La position de conduite de la Turismo Veloce est l’une des plus détendues que l’on peut expérimenter sur une MV Agusta. Le guidon tubulaire est rehaussé par l’utilisation de pontets hauts et tombe naturellement sous les mains. Le pilote dispose de beaucoup de place pour détendre ses jambes et malgré sa capacité de 22 litres, le réservoir à essence est étroit au niveau de l’entrejambe. Ce qui permet à un pilote de plus de 1,80 m de poser les pieds bien à plat au sol malgré une selle haute qui culmine à 850 mm. Les pilotes de plus petits gabarits seront sur la pointe des pieds à l’arrêt.

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Un moteur à sensations

Une fois démarré, le moteur produit une sonorité unique propre aux tricylindres italiens, même si elle est plus étouffée que sur les autres MV Agusta 800 afin de protéger l’ouïe du pilote et du passager lors des longues sorties. Ceci accentue les bruits mécaniques qui sont en partie causés par l’utilisation d’engrenages primaires à coupe droite.

Après quelques kilomètres sur les routes secondaires autour de Saint-Jean-Cap-Ferrat, j’ai remarqué que l’amortissement, à l’avant comme à l’arrière, était trop souple. Toutes les motos d’essai mises à notre disposition étaient des modèles de base, la production des Lusso débutant seulement lors de ce lancement. J’ai essayé de durcir les suspensions, mais, malheureusement, il fallait un tournevis pour y parvenir et il n’y en avait pas dans la trousse à outils installée sous la selle. J’ai donc dû attendre la pause du midi pour mettre la main sur un tournevis.

En dépit de ce problème d’ajustement, la tenue de route était presque parfaite. La moto réagissait immédiatement, grâce à sa direction légère et neutre qui facilitait les changements d’angle et la négociation des épingles de montagne serrées.

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La première MV Agusta que j’ai conduite, il y a maintenant quelques années, était affectée par des problèmes d’injection. La réponse de l’accélérateur était erratique, ce qui nuisait à l’agrément de conduite. Ce problème fut corrigé quelques années plus tard et, depuis, la compagnie ne cesse de peaufiner son injection et la réponse de son accélérateur électronique Ride-by-Wire. Sur la Turismo Veloce, elle est quasiment parfaite, quel que soit le mode sélectionné.

Même si le moteur est moins puissant que sur les autres trois cylindres de la gamme Brutale, il reste très vif et très réactif. Il possède une bande de puissance large et linéaire et permet de sortir des virages avec vigueur, en décollant légèrement la roue avant du sol. Pour dépasser franchement, il suffit de descendre un rapport, si nécessaire. Le reste du temps, on ouvre seulement les gaz pour passer les véhicules plus lents.

La boîte de vitesse est précise et neutre. Il suffit d’une simple poussée sur le levier pour engager les rapports. Elle est assistée par un sélecteur électronique (quick-shifter) qui permet de passer les rapports sans couper les gaz ni recourir à l’embrayage aussi bien pour monter les rapports que pour rétrograder. Cependant, lorsqu’on y a recours, on se rend compte que le sélecteur devient légèrement plus ferme. J’ai utilisé le quick-shifter presque exclusivement durant notre balade de 220 km sur les routes de montagne sinueuses qui bordent la Côte d’Azur.

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Routière par design, sportive dans l’âme

Une courte escapade sur l’autoroute m’a permis de tester l’efficacité du carénage à bulle haute. Ce dernier offre une protection adéquate, sans turbulences notables. La bulle est ajustable en hauteur sur une plage d’environ 60 mm grâce à un mécanisme manuel utilisable à une main, même en roulant. Il suffit d’appuyer sur le loquet et de lever ou descendre la bulle. En position haute, la bulle améliore la protection sans créer de turbulences.

Après le dîner, j’ai pu ajuster la suspension. J’ai durci la détente et la compression sur la fourche et sur le monoamortisseur. À l’arrière, j’ai été obligé de démonter quelques pièces pour accéder à ces réglages. Seule la précontrainte du ressort peut être ajustée par l’intermédiaire d’une grosse molette située du côté gauche de la moto, sans outils ni démontage.

Ces quelques réglages ont transformé la moto qui est devenue une véritable sportive. Heureusement pour moi! En effet, lorsque nous avons repris la route, je me suis placé derrière le pilote de MV Agusta. Je ne sais pas s’il avait bu trop de café au lunch, mais toujours est-il qu’il a adopté un rythme très sportif comparativement à la balade du matin. À cette cadence, la suspension raffermie faisait des merveilles. La Turismo Veloce se comportait comme une machine de Supersport sur les routes sinueuses que nous avons empruntées. À quelques reprises, j’ai ressenti des mouvements dans la colonne de direction. Pas de vrais guidonnages, juste une secousse dans le large guidon tubulaire, un indice de la vitesse élevée à laquelle nous roulions. Sinon, le châssis était impeccable!

Le freinage est excellent sur la MV. Il suffit d’un effort léger sur le levier pour ralentir efficacement la bête. L’équilibre est tellement bon que l’on peut poursuivre le freinage en courbe sans déstabiliser la moto qui maintient son arc sans problème.

Lors de la conférence de presse, notre interlocuteur a insisté sur le fait que « MV Agusta ne s’était pas inspirée de ses 75 titres mondiaux pour concevoir la Turismo Veloce », mais s’était plutôt concentré sur le cahier des charges afin de réaliser une moto d’aventure sportive homogène et polyvalente. Même si MV Agusta a parfaitement rempli sa mission — La Veloce est une moto performante et plurivalente — l’ADN de compétition de la marque de Varèse se retrouve dans son bagage génétique. La Turismo Veloce est une vraie sportive dans l’âme, même si elle possède tous les attributs d’une routière superlative.

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Polyvalente tout en restant exclusive

Il y a encore quelques années, MV Agusta était un constructeur prestigieux, certes, mais son avenir était incertain en raison de son marché de niche, mais aussi de ses changements de propriétaire successifs. Heureusement, le constructeur est redevenu une compagnie familiale et la jeune génération de Castiglioni a réussi, en peu de temps, à relancer l’entreprise en puisant dans son héritage sportif et en développant un plan d’affaires audacieux qui a présidé à la naissance d’une multitude de nouveaux modèles.

Jusqu’à présent, je considérais les MV Agusta comme des motos exotiques hautement désirables. J’en aurais possédé une comme deuxième moto, en raison de leur style flamboyant, de leurs performances, de leur côté exclusif. Cependant, aucune n’aurait pu être mon unique moto. Elles étaient trop pointues, pas assez polyvalentes pour satisfaire tous mes besoins. Si vous achetez une Brutale Dragster ou une Rivale, par exemple, vous aurez du plaisir à la tonne, mais vous aurez besoin d’une deuxième moto pour voyager au long cours.

Bien que la Turismo Veloce ne soit pas, au sens nord-américain du terme, une moto de tourisme, c’est la première MV Agusta qui étend son champ d’action et peut remplir de multiples rôles. Elle est pratique, confortable et s’adapte à tous vos besoins. À son guidon, vous pouvez attaquer les routes secondaires comme si vous étiez au guidon d’une sportive pure, aller travailler à moto, vous promener en ville, vous offrir une escapade d’un week-end en amoureux ou partir à l’aventure en duo, avec armes et bagages. Tout en conservant le caractère unique, exclusif de votre Belle Italienne!

 FICHE TECHNIQUE

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INFORMATIONS GÉNÉRALES

  • Poids à sec : 191 kg
  • Hauteur de selle : 850 mm
  • Capacité essence : 22 L
  • Consommation : non mesurée
  • Autonomie : non calculée
  • Durée de l’essai : 300 km
  • Prix : Turismo Veloce — 18 995$ / Turismo Veloce Lusso — 22 995 $

MOTEUR

  • Moteur : Trois cylindres en ligne, 4-temps, DACT, refroidi au liquide, 4 soupapes par cylindre
  • Puissance : 110 ch à 10 000 tr/min
  • Couple : 61,2 lb-pi à 8 000 tr/min
  • Cylindrée : 798 cc
  • Alésage x course : 79 x 54,3 mm
  • Rapport volumétrique : 12,2 : 1
  • Alimentation : Injection électronique
  • Transmission : six rapports, Shifter électronic MV EAS 2.0
  • Entraînement : par chaîne

PARTIE-CYCLE

  • Suspension : fourche télescopique inversée Marzocchi, diam 43 mm, réglable en précharge, en compression et en détente; Monoamortisseur Sachs réglable en précharge, en compression et en détente
  • Empattement : 1 460 mm
  • Chasse/Déport : 24 degrés/108 mm
  • Freins : 2 disques de 320 mm avec étriers radiaux Brembo 4 pistons à l’avant; simple disque de 220 mm avec étrier Brembo à double piston à l’arrière.
  • Pneus : Pirelli Scorpion II
    120/70ZR17 à l’avant
    190/55ZR17 à l’arrière

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VERDICT RAPIDE

 

ON AIME BIEN

  • Le caractère du moteur
  • Le freinage
  • La ligne générale

 

ON AIME MOINS

  • La selle dure
  • Les suspensions perfectibles

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