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Ducati raffine son aventurière sportive

Texte: Costa Mouzouris — Traduction: Didier Constant — Photos: Milagro et Ducati

Je me demande qui parmi vous se souvient de la Multistrada 1000 DS originale lancée en 2003 avec son bicylindre en L à deux soupapes par cylindres de 998 cc? Une moto au look  controversé dessinée par le Sud-Africain Pierre Terblanche. Look qui s’appuyait sur un carénage de tête de fourche partiellement rattaché au cadre et au guidon et que vous aimiez ou détestiez. La Multistrada a conservé ce design jusqu’en 2009, évoluant en cylindrée de 620 à 1100 cc. Une version S plus sportive a également été produite et recevait une suspension Öhlins évoluée.

Néanmoins, la deuxième génération a eu tôt fait de plonger le modèle original dans l’oubli. Lancée en grande pompe au Salon de Milan, en 2010, elle était complètement redessinée, affichant une allure elle aussi controversée, faite de lignes plus anguleuses, mais surtout d’un «nez» qui a fait parler autant que celui de Cléopatre en son temps. La Multistrada était propulsée par un bicylindre Testastretta 11° de 1198 cc refroidi au liquide issu de la supersportive 1198 de Ducati. Sa puissance était réduite de 170 à 150 ch, ce qui en faisant quand même l’aventurière la plus puissante du marché à cette époque. Et la première à recourir massivement à l’électronique. Elle disposait d’un système d’antipatinage, de l’ABS, de modes de conduite programmables, et de suspensions électroniques Öhlins optionnelles qui en faisaient la moto la plus évoluée de son créneau, mais aussi la plus sportive. Elle recevait des modifications de détail en 2013, dont des suspensions semi-actives Skyhook, un bicylindre à double allumage (deux bougies par cylindre) et un ABS évolué.

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Pour 2015, Ducati dévoile la troisième génération de ce modèle iconique, et bien qu’il ne soit pas radicalement différent du modèle précédent, il s’agit d’une nouvelle machine. J’ai eu la chance de l’essayer sur l’île volcanique de Lanzarote, dans les Canaries où j’avais testé et détruit le modèle précédent en 2010 (voir article original).

L’évolution dans la continuité

Le changement le plus significatif concerne le moteur. Il s’agit du nouveau bicylindre Testastretta DVT (Desmodromic Variable Timing), à distribution variable. Le moteur utilise la pression de l’huile pour activer hydrauliquement la levée des soupapes selon les besoins du moteur. Le système peut faire varier continuellement la position entre les arbres à cames et le vilebrequin entre les positions maximum et minimum. En outre, le système a la capacité de faire varier indépendamment les cames d’admission et d’échappement, ce qui entraîne une infinité de configurations possibles. Chaque ajusteur de came, entrainé par courroie, offre un ajustement sur une plage de 45 degrés. L’admission est variable à l’infini à l’intérieur d’un champ total de 90 degrés, altérant le croisement intermédiaire des soupapes afin de changer les caractéristiques de couple du moteur et d’élargir sa plage d’opération. La cartographie de l’ECU a été développée pour sélectionner la position qui optimise la puissance, le couple, la douceur de roulement et la consommation de carburant à chaque accélération. Il s’agit d’un système transparent contrairement au VTEC de la VFR800 de Honda qui ouvre toutes les soupapes au-delà d’un régime prédéfini. Ce procédé s’avère moins fluide dans son action.

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La transmission DVT de la Multistrada 1200

Le moteur DVT est désormais plus puissant produisant 160 ch (en hausse de 10 ch) et 103 lb-pi de couple (8,5 de plus). Mais ce n’est pas seulement l’accroissement de la puissance qui est remarquable, mais surtout le fait que le couple est mieux réparti sur toute la plage des régimes. La consommation d’essence est en baisse de 8% et l’intervalle d’ajustement des soupapes est porté à 30 000 km.

Deux versions de la Multistrada sont proposées, la 1200 et la 1200S. Elles diffèrent de couleur et proposent des options distinctes qui affectent leur prix respectif. La Multistrada 1200, qui se détaille 18 995$, est équipée de suspensions conventionnelles entièrement ajustables et d’un tableau de bord ACL alors que le modèle S, à 20 795$ est doté d’une suspension électronique semi-active DSS, d’un tableau de bord à matrice active, d’un système de communication sans fil Bluetooth géré à partir des commandes au guidon. Elle reçoit également des disques de frein Brembo de 330 mm (320 mm pour la 1200 de base) dont les étriers monobloc sont issus de la Panigale 1299.

L’équipement électronique est renforcé et intègre désormais un antipatinage DTC (Ducati Traction Control) et un ABS évolué qui prennent en considération l’angle d’inclinaison de la moto ainsi qu’un mode anticabrage DWC (Ducati Wheelie Control). Ces systèmes offrent des niveaux variables d’intervention selon l’un des quatre modes de pilotage sélectionné (Sport, Touring, Urban et Enduro). Un régulateur de vitesse est fourni en équipement de série sur les deux modèles.

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Les modes et réglages ad hoc offerts sur la MTS 1200

Dans les modes Sport et Touring, toute la puissance du moteur est disponible, même si la cartographie de l’accélération est adoucie dans le dernier. Les modes Urban et Enduro limitent la puissance à 100 ch. Les niveaux de DTC, DWC et d’ABS sont prédéterminés par défaut dans chaque mode, mais vous pouvez les paramétrer individuellement, en plus de pouvoir déterminer la puissance maxi de chaque mode selon vos préférences et la sauvegarder pour utilisation future.

La 1200S intègre également des réglages de suspension prédéterminés, lesquels peuvent être ajustés indépendamment et sauvegardés. Elle dispose en plus d’un phare à DEL et des feux de virage qui s’ajustent en fonction de l’inclinaison et de la vitesse de la moto. Ils s’allument dès que l’angle d’inclinaison est supérieur à 7 degrés, au-dessus de 30 km/h, afin d’éclairer l’intérieur du virage. La 1200 standard dispose d’un phare halogène.

L’ergonomie est pratiquement inchangée, si on omet le fait que la hauteur de selle peut s’ajuster de 825 à 845 mm. Le carénage est élargi de 40 mm à son point le plus large et s’ajuste en hauteur sur une plage de 60 mm. Pour faciliter la conduite en position debout, la Multistrada est maintenant plus étroite de 40 mm au niveau des genoux.

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Un comportement dynamique bonifié

Lanzarote est située dans l’Atlantique, sur la côte ouest du Maroc et bénéficie d’un climat chaud et sec, un paradis pour les motocyclistes comparativement à Montréal en hiver. J’ai entamé la journée sur une 1200S équipée de l’ensemble d’options Touring (1 500$) qui comprend des valises de 58 litres de capacité totale, une béquille centrale et des poignées chauffantes. Afin de nous accoutumer à nos montures, nos hôtes nous ont recommandé de commencer l’essai en mode Touring.

La première chose que j’ai notée, en accélérant sur les premiers rapports c’est la douceur accrue du moulin; les à-coups à bas régime que l’on remarquait immédiatement sur le modèle précédent ont disparu. Ceci est un effet attribuable à la distribution variable qui, selon Ducati, réduit les cognements du moteur de 78%. Ça signifie que vous pouvez dorénavant passer la sixième dès 90 km/h sans que la moto se mette à cogner copieusement, une amélioration appréciable, particulièrement en conduite urbaine.

Il s’agissait de ma première expérience avec un moteur DVT. En mode Touring, j’ai eu l’impression que l’accélération était décevante par rapport au modèle précédent. En ouvrant les gaz à fond en grand, j’ai été déçu par la puissance. Mes bras ne s’étiraient pas sous la force de l’accélération, comme c’était le cas avant. J’ai alors tenté l’expérience à nouveau, avec une autre moto, et là, c’était nettement mieux. Il semblerait que le pilote avant moi avait modifié les réglages par défaut du mode Touring sur la première 1200S que j’ai pilotée.

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Maintenant que ma Multistrada a récupéré ses 160 chevaux, en mode Touring, elle tire plus fort que n’importe quelle autre moto d’aventure. Pour une expérience encore plus enthousiasmante, il suffit de sélectionner le mode Sport, lequel transforme la Ducati en véritable sportive, particulièrement dans le cas de la 1200S dont la suspension électronique est ajustée plus ferme dans ce mode. J’ai ainsi pu faire des tests d’accélération, en quatrième, dans la partie haute des régimes. La Multistrada s’élançait avec force, progressivement, étirant mes bras avec vigueur au fur et à mesure que l’aiguille du compte-tours grimpait. Je flirtais avec des vitesses de pointe que je préfère ne pas mentionner ici. Génial ! Quelle puissance ! Vraiment impressionnant. Et tout ça de façon transparente, sans que je ressente l’intervention de l’admission variable.

La suspension conventionnelle du modèle de base est ajustable en précontrainte du ressort, en compression et en détente, aussi bien sur la fourche que sur le monoamortisseur. Elle est plus ferme que la suspension électronique en mode Touring, mais plus molle que cette dernière en mode Sport. Cette suspension de base offre un grand éventail de réglages et pourra certainement s’avérer aussi efficace que la DSS dans la plupart des situations, mais sans offrir la facilité d’ajustement de cette dernière ni son côté pratique et instantané.

Dans le mode Touring, la suspension semi-active est conçue pour favoriser la douceur de roulement en ligne droite et s’ajuster à la charge accrue en virage et au passage des bosses. Elle se raffermit alors automatiquement afin de conserver une tenue de cap exemplaire. À l’usage, elle se comporte comme prévu, procurant une grande douceur de roulement, sans se désunir dans les virages. Il faut dire que les routes sont particulièrement en bon état et roulantes à Lanzarote. Ce qui ne m’empêche pas de penser que le surplus de 1800$ demandé pour la 1200S à suspension électronique est justifié et constitue un bon investissement. D’autant qu’à ce tarif, elle reçoit une foule de caractéristiques haut de gamme, telles que mentionnées précédemment.

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J’ai habituellement une préférence pour les compteurs analogiques, mais le nouvel écran à matrice active de la 1200s est une pure merveille, affichant toute l’information nécessaire, de même que les réglages des différents modes, dont ceux du DSS, du DTC, du DWC et de l’ABS, pratique pour être toujours au courant des différents ajustements sélectionnés. En dépit de leur complexité, les menus sont relativement clairs et la navigation facilitée par le large contrôleur multifonction situé sur le pavé de réglage, sur la gauche, à côté de l’interrupteur du régulateur de vitesse. Pour sélectionner un mode de conduite, il suffit de presser le bouton à plusieurs reprises pour naviguer à travers les différents modes. Pour en sélectionner un, on appuie longuement sur le bouton. En roulant, il faut couper l’accélérateur pour confirmer le réglage choisi.

Lors de ce lancement, plusieurs essayeurs ont rencontré un problème bénin sur la Multistrada et que j’ai également expérimenté sur la 1200S. À deux occasions, en couchant la moto dans un virage à gauche et en accélérant en grand en sortie de courbe, la lumière de l’antipatinage s’est allumée soudainement et le moteur refusait alors d’accélérer. La puissance revint brutalement quand la moto retrouva sa position verticale. Il semblerait que ce soit dû à un bogue du logiciel que les techniciens de Ducati se sont empressés d’examiner. Il faut dire que les motos de cet essai étaient des modèles de préproduction. Le problème sera probablement corrigé sur les versions de série.

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Plus aventurière, mais aussi plus sportive

Si la Multistrada a remplacé la Monster en tête des ventes du constructeur de Borgo Panigale, ce n’est pas par hasard. Premièrement, il s’agit d’une excellente moto. Deuxièmement, elle revêt différents uniformes et est capable de performer parfaitement dans un large éventail de situations, à l’exception des excursions extrêmes en hors route où ses roues de 17 pouces constituent son talon d’Achille.

La BMW R1200GS continue de régner sans partage dans le créneau des aventurières, alors que la Multistrada se veut plus sportive, plus puissante et se rapproche plus d’une authentique sportive en terme de maniement. C’est une moto extrêmement polyvalente, grâce en partie à se modes de conduite qui transforment son caractère et lui permettent de se métamorphoser en routière au long cours ou en dévoreuse de route sinueuse.

Avec la venue prochaine de la nouvelle BMW S1000XR de 160 chevaux, laquelle vient jouer sur le terrain de la Multistrada et coûte 1400$ de moins, Ducati se devait de réagir. Elle n’a plus l’apanage de la puissance, mais surpasse la BMW en terme de couple par 18 lb-pi. Un gros avantage quand on roule en duo, avec armes et bagages.

Le nouveau moteur Testastretta DVT transforme la Multistrada en aventurière raffinée, tout en conservant son héritage sportif, marque de commerce de la firme de Borgo Panigale. À mon humble avis, Ducati est prêt à affronter la compétition et n’a pas à s’inquiéter outre mesure pour l’instant. La Multistrada a du répondant.

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FICHE TECHNIQUE

INFORMATIONS GÉNÉRALES

  • Poids tous pleins faits: 232 kg (235 kg pour la 1200S)
  • Hauteur de selle : 825 – 845 mm
  • Capacité essence : 20 L
  • Consommation : Non mesurée
  • Autonomie : Non mesurée
  • Durée de l’essai : 200 km
  • Prix : 18 995$ — 20 795$ (1200S)

MOTEUR

  • Moteur : Bicylindre en L, 4 temps, distribution desmodromique variable DVT, refroidi au liquide, 4 soupapes par cylindre, 2 bougies par cylindre
  • Puissance : 160 ch à 9 250 tr/min
  • Couple : 100,3 lb-pi à 7 500 tr/min
  • Cylindrée : 1 198,4 cc
  • Alésage x course : 106 x 67,9 mm
  • Rapport volumétrique : 11,5:1
  • Alimentation : injection électronique
  • Transmission : six rapports
  • Entraînement : par chaîne

PARTIE-CYCLE

  • Suspension : fourche inversée Sachs, diam 48 mm, complétement réglable; monoamortisseur Sachs complétement réglable. Ajustement électronique DSS
  • Empattement : 1 529 mm
  • Chasse/Déport : 24 degrés/109 mm
  • Freins : 2 disques de 320 mm et étriers radiaux Brembo 4 pistons à l’avant (2 x 330 mm et étriers Brembo monobloc Evo M50 4 pistons sur la 1200S); simple disque de 265 mm avec étrier Brembo simple piston à l’arrière. ABS de série.
  • Pneus : Pirelli Scorpion Trail
    120/70 -17 à l’avant
    190/55-17 à l’arrière

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VERDICT RAPIDE

ON AIME BIEN

  • Suspensions électroniques semi-actives DSS
  • Efficacité des assistances électroniques
  • La distribution desmodromique variable
  • Polyvalence

ON AIME MOINS

  • Suspensions standard un peu souples

Galerie

Vidéoclip

Une réponse à “Lancement Ducati Multistrada 1200 DVT 2015”

  1. Robert

    Elle est super la photo de la Multistrada au couché du soleil avec projecteur sur elle… Belle technologie mécanique !!!

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