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Délinquante, oui! Mais pistarde? Ça reste à voir…

Photos: Pierre Desilets (piste), Didier Constant et Dave Beaudoin (route)

Sportive sur route…

Profitant de la tenue de l’essai de la BMW S1000R à Saint-Eustache au début du mois d’août, je me suis arrangé pour que la FZ-09 que j’avais en test en même temps puisse nous accompagner. La FZ-09 a été un de mes coups de cœur de la saison 2014  en raison de son moteur tricylindre explosif, de sa partie cycle affûtée et hyper réactive, de sa maniabilité extrême et de son caractère délinquant. Peu de motos m’ont produit un tel effet dans les dernières années. En dehors de ses performances étonnantes et de son équilibre général, c’est sa capacité à me faire voyager dans le temps à rebours, à me faire sentir jeune et asocial qui m’a immédiatement séduit. Et son imposant potentiel sportif.

Un point de vue que partage également Yamaha Motor France qui a jugé que la MT-09 (le nom de la FZ-09 en Europe) avait des aptitudes certaines de pistarde au point de lancer le Challenge Nine Yamaha MT-09, une coupe monomarque de six épreuves qui permet aux compétiteurs amateurs de se mesurer sur quatre types de compétitions : vitesse, endurance, rallye et course de côte.

Alors, que vaut-elle réellement sur piste cette FZ-09?

Avant d’aller user mes sliders sur l’asphalte de l’Autodrome Saint-Eustache, j’ai passé deux semaines en compagnie de la Yamaha, sur route, principalement en ville et sur les petites routes sinueuses du nord. Des retrouvailles qui m’ont immédiatement rappelé de bons souvenirs. Grand amateur de roadsters devant l’Éternel — c’est d’ailleurs le genre de moto que je possède — je ne vois pas la protection réduite de ces motos de caractère comme un handicap. C’est même ce que je recherche. Sentir le vent sur moi, affronter les éléments, avoir l’impression de faire corps avec ma moto. La contrepartie de cette protection spartiate est une légèreté accrue, une facilité de conduite élevée et une maniabilité extrême que l’on apprécie en ville et dans la circulation dense. Aucune moto n’est plus efficace qu’un bon roadster pour se faufiler dans le trafic ou pour s’amuser sur les routes secondaires. Pas même une sportive. Et à ce chapitre, la FZ-09 est l’une des motos les plus joueuses et les plus maniables que j’ai eu l’occasion de piloter dernièrement. Avec la Triumph Street Triple 675R, son inspiratrice et sa plus proche compétitrice, une machine qui se débrouille plutôt bien sur circuit.

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 …et routière sur piste!

Après quelques tours de reconnaissance du tracé de Saint-Eustache, afin de me familiariser avec la Yamaha dans ce nouvel environnement et valider les ajustements effectués précédemment, notamment au niveau de la suspension, j’ai commencé à aligner les tours plus rapides. Dès le premier contact, j’ai retrouvé la machine joueuse et délinquante que je connaissais sur route. Ça s’annonçait bien.

Avec son moteur souple et puissant, la FZ-09 est une bombe à retardement. Un joujou extra qui ne demande qu’à faire «crac, boum, hu!». Le tricylindre d’Iawata City est l’un des moteurs les plus caractériels sur le marché. Doté d’une large bande de puissance utile il offre un couple omniprésent de 1500 tr/min à 7500 tr/min ce qui qui permet de sortir avec vigueur des virages. Au-delà, la puissance est omniprésente. L’aiguille du compte-tours s’élance vers la zone rouge à la vitesse de l’éclair dès que l’on ouvre la poignée des gaz en grand. Le trois cylindres fait preuve d’une allonge remarquable et tire sans fléchir jusqu’à la zone rouge qui débute à 11250 tr/min. Une vraie usine à sensations.  Sur les  trois premiers rapports, une simple sollicitation de l’accélérateur Ride-by-Wire propulse la roue avant dans les airs, même dans le mode de conduite «B», le plus doux des deux. Impossible de garder son flegme longtemps au guidon de la Yamaha, surtout dans les sections sinueuses. Faisant preuve d’une souplesse étonnante — le moteur reprend aussi bas que 1500 tr/min sur le dernier rapport sans que le triple rote —, le bloc de la FZ-09 est éblouissant à moyen et haut régimes où il fait preuve d’une santé de fer, distillant des reprises franches et des accélérations sensationnelles. La fougue d’un Mustang qui rue et se cabre à la moindre provocation!

En revanche, son accélérateur électronique Ride-by-Wire laisse un peu à désirer et s’avère même handicapant sur piste. Ainsi, le mode de conduite «A» est difficilement utilisable dans cet environnement particulier. Il se montre trop brutal et donne des à-coups gênants. Au point où il est presque impossible de rouler sur un filet de gaz. Les choses s’améliorent nettement en changeant de cartographie et en sélectionnant le mode «B», mais le moteur y perd en agressivité, ce qui est dommage. La boîte de vitesses, quant à elle, verrouille bien et permet de passer les rapports à la volée sans problème. Elle est parfaitement secondée par un embrayage à câble classique, facile à ajuster.

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En essayant la FZ-09 à Saint-Eustache tout juste après avoir testé la BMW S1000R, une moto dont la rigueur du châssis est magistrale, surtout pour un roadster, certains petits problèmes de tenue de route sont devenus évidents. La Yamaha fait preuve d’une vivacité incroyable renforcée par son centre de gravité bas, d’une légèreté étonnante et d’une facilité de prise en main bluffante qui donnent envie d’explorer ses limites en permanence. L’agilité incroyable du châssis permet d’effectuer des changements d’angles rapides et précis alors que la garde au sol est suffisante et il faut vraiment pousser la Yamaha dans ses derniers retranchements pour atteindre ses limites. Cependant, si la FZ-09 bénéficie d’une partie cycle affûtée sur route et d’une maniabilité de vélo, elle perd légèrement de sa superbe quand on commence à attaquer sur piste, spécialement dans les grandes courbes rapides. Le train avant devient un poil vague et la moto semble vouloir tomber à l’intérieur des virages, un trait de caractère imputable en partie aux pneus d’origine, des Bridgestone S20 à gomme sportive. D’ailleurs, ces pneus qui offrent une bonne adhérence sur route, montrent leur limite sur piste et ne parviennent pas à rivaliser avec des pneus DOT Supersport comme ceux utilisés en compétition.

Malgré tout, ce n’est pas le châssis qui est en cause. Le cadre en aluminium de la FZ-09 fait en effet preuve d’une rigueur et d’une homogénéité irréprochables, mais les suspensions ne se montrent tout simplement pas à la hauteur de la tâche. Réglables en précharge et en détente, elles sont bien calibrées pour un usage routier. Souples en début de course, elles s’avèrent cependant trop molles pour suivre un rythme sportif sur circuit. La fourche inversée Kayaba de 41 mm plonge exagérément lors de freinages intensifs et se montre sèche au passage des irrégularités de la chaussée alors que l’amortisseur qui n’est pas assez freiné en hydraulique se met à pomper et à rebondir sur les bosses. Pour corriger le problème, il suffirait seulement de changer les ressorts de fourche pour des éléments progressifs, utiliser une huile de fourche à la viscosité plus épaisse, ainsi qu’une cale d’espacement, puis de recalibrer l’amortisseur arrière ou de le remplacer par un combiné Öhlins ou Elka si vos moyens le permettent.

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Le problème est amplifié par la position de conduite trop droite pour la piste, les jambes détendues, à la façon d’une moto de sentier. Dans ces conditions, il est difficile de bien sentir le train avant de la moto à l’attaque. On n’a pas un très bon retour d’information et on ne se sent pas immédiatement en confiance.

Malgré son double disque avant de 298 mm de diamètre, pincé par des étriers quatre pistons à fixation radiale et son un disque simple de 245 mm à l’arrière, pincé par un étrier simple piston, le freinage est un peu limite sur piste. Brutal dans sa phase d’attaque, il manque de mordant en fin de course et à tendance à s’essouffler en usage intensif. Des plaquettes de type «racing» et des durits en acier tressé permettraient certainement d’améliorer fortement la situation, sans qu’il soit nécessaire de changer disques et étriers.

Que faire pour passer de la route à la piste?

Joueuse et homogène, la FZ-09 est l’arme absolue dans les sections routières sinueuses. Véritable pousse au crime, cette moto délinquante se double également d’une sportive compétente avec laquelle on peut s’amuser fermement lors de journées de roulage sur piste occasionnelles. Cependant, si vous envisagez de passer beaucoup de temps sur circuit, il serait impératif de modifier les suspensions et le freinage afin de pouvoir rouler en toute confiance et exploiter l’énorme potentiel de la Yamaha. Ensuite, il conviendrait de la chausser de pneus de piste idoines, du genre Dunlop D212 GP Racer, Pirelli Diablo Supercorsa SC ou Michelin Power Cup. Sans oublier de lui ajouter un amortisseur de direction, au cas où… Pour le reste la FZ-09 a du répondant. Son moteur, l’un des plus explosifs de la production, distille suffisamment de puissance pour se faire plaisir en toute circonstance. Il suffirait alors de remplacer son échappement catalysé par une ligne libre qui lui permettrait d’affiner sa silhouette, mais surtout de mieux respirer et de chanter plus juste, pour en faire une pistarde enivrante à la voix de Diva.

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FICHE TECHNIQUE

INFORMATIONS GÉNÉRALES

  • Poids tous pleins faits: 188 kg
  • Hauteur de selle : 815 mm
  • Capacité essence : 14 L
  • Consommation : 5,6 L/100 km
  • Autonomie : 250 km
  • Durée de l’essai : 1 100 km
  • Prix : 8  999$

MOTEUR

  • Moteur : Trois cylindres en ligne,4-temps, DACT, refroidi au liquide, 4 soupapes par cylindre
  • Puissance : 115 ch à 10 000 tr/min
  • Couple : 64,3 lb-pi à 8 500 tr/min
  • Cylindrée : 847 cc
  • Alésage x course : 78 x 59,1 mm
  • Rapport volumétrique: 11,5:1
  • Alimentation : Injection électronique à corps de 41 mm
  • Transmission : six rapports
  • Entraînement : par chaîne

PARTIE-CYCLE

  • Suspension : fourche télescopique inversée Kayaba, diam 41 mm, réglable en précharge et en détente; amortisseur Monocross réglable en précharge.
  • Empattement : 1 440 mm
  • Chasse/Déport : 25 degrés/103 mm
  • Freins : 2 disques de 298 mm avec étriers 4 pistons à l’avant; simple disque de 245 mm avec étrier double piston à l’arrière.
  • Pneus : Bridgestone S20
    120/70ZR17 à l’avant
    180/55ZR17 à l’arrière

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VERDICT RAPIDE (SUR PISTE)

ON AIME BIEN

  • Le trois cylindres coupleux et puissant
  • La partie cycle affûtée et joueuse
  • Le caractère explosif de la moto

ON AIME MOINS

  • Les suspensions trop souples
  • L’accélérateur électronique Ride-by-Wire qui donne des à-coups à la remise des gaz
  • Le frein avant brutal et manquant de mordant
  • Les pneus Bridgestone S20
  • La position de conduite mal adaptée au circuit

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