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Le cruiser paradoxal

Photos: Didier Constant, Kevin Wing

D’après le dossier de presse que Honda nous a remis, la CTX1300 redéfinirait un nouveau genre de moto de tourisme à mi-chemin entre les cruisers à l’américaine, façon Harley-Davidson Street-Glide, voire Honda F6B — un genre que l’on nomme «Bagger» aux États-Unis — et les GT classiques, comme la Honda ST1300 dont elle est dérivée.

Pourtant, dès les premiers tours de roue, la CTX1300 se comporte comme un cruiser. Même si sa tenue de route est bonifiée, elle ne peut pas prétendre aux performances des GT, un créneau très exigeant et compétitif auquel elle n’appartient pas. Mais faisons ensemble le tour de cette moto hybride aux allures de vaisseau intersidéral afin de voir ce qu’elle a à offrir.

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Basse, longue, massive, la Honda CTX1300 impose le respect.

Des origines de routière

De la ST1300, la CTX reprend le moteur V4 à 90° de 1261 cc monté longitudinalement. Avec ses 8 soupapes, son injection de carburant et son refroidissement liquide, le quatre cylindres en V est familier. Cependant il a été révisé pour offrir davantage de couple à bas et moyens régimes. Le calage modifié des arbres à cames et l’adoption de nouveaux corps de papillons modifient la nature et la puissance du moteur. Sa sonorité et son caractère ont été optimisés au profit des sensations de conduite par l’adoption de tuyaux d’échappement de longueurs inégales dans le système 4-2-2.

La CTX1300 conserve la boîte de vitesse à cinq rapports de la ST sur laquelle la démultiplication a été allongée afin d’abaisser les régimes moteur. Le système de contrôle de la traction (TCS) et le freinage combiné avec ABS sont également repris de la ST1300 tandis qu’un accélérateur électronique de type Ride-by-Wire fait son apparition.

Le cadre massif en alu de la ST est abandonné au profit d’un double berceau tubulaire en acier doté une géométrie de direction conservatrice (chasse de 28°30 pour un déport de 118 mm, empattement long de 1 645 mm) qui contribue à la nature détendue de la CTX.

La suspension est assurée par une fourche inversée de 43 mm dénuée de réglages et par un bras oscillant en aluminium associé à deux amortisseurs réglables en précontrainte du ressort seulement.

La CTX1300 affiche un poids en ordre de marche de 338 kg. Il s’agit donc d’une machine lourde. Et ça se ressent lors des manœuvres à basse vitesse.

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Le tableau de bord est complet et sobre à la fois. Facile à lire…

Un équipement presque parfait

L’attribut le plus étonnant de la CTX1300 est son pare-brise court qui, s’il renforce la silhouette de la CTX1300, limite fortement ses aptitudes routières et nuit à son confort (un pare-brise haut est proposé en option). Elle est équipée de série de deux sacoches étroites de 35 litres de capacité qui ne peuvent pas accueillir un casque et ne semblent pas adaptées aux voyages au long cours en couple avec armes et bagages. Un top-case assorti est proposé en option.

Le réservoir de 19,5 litres monté sous la selle abaisse le centre de gravité, ce qui favorise la maniabilité de la CTX.

La grosse Honda innove avec un système audio Bluetooth doté de deux haut-parleurs. Il est compatible avec un iPod, un lecteur MP3 ou un téléphone intelligent, et l’information sur les pièces musicales est affichée en clair au milieu du tableau de bord. Le système audio n’inclut ni radio, ni lecteur CD, mais plutôt une prise USB localisée dans un des coffrets de rangement. Elle est conçue  pour les lecteurs dépourvus d’un mode de communication sans fil. La connectivité Bluetooth permet en outre d’utiliser des écouteurs et micros de casque pour communiquer de pilote à passager ou d’une moto à une autre.

Le tableau de bord est complété par un indicateur de vitesse et un tachymètre analogiques qui affichent toute l’information vitale, tandis que l’écran ACL accueille un odomètre, un compteur journalier, la consommation de carburant, la température du moteur et l’heure. De chaque côté du carénage, on retrouve un vide-poches situé au-dessus des commandes du système audio dans lequel on peut ranger de menus objets (téléphone, lecteur MP3, clefs, porte-feuille, cartes de crédit).

Le phare, les feux arrière et les clignotants sont tous à diodes électroluminescentes (DEL). Enfin, des poignées chauffantes à cinq niveaux de réglage sont incluses de série. Et de nombreux accessoires optionnels sont proposés, il va de soi.

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La CTX1300 se montre agile et leste. Son centre de gravité bas favorise la maniabilité, tout comme le guidon large et relevé qui offre un bon levier et facilite la mise sur l’angle.

Made in Japan pour les USA

«Porte-drapeau d’une nouvelle famille qui entend proposer une approche différente», cette nouvelle machine «Made in Japan» est fabriquée à l’usine de Kumamoto, d’où sortent aussi les Goldwing, CBR1000RR et VFR1200. Bien réalisée, la CTX1300 cause néanmoins un choc visuel quand on la voit en personne pour la première fois. Elle est massive et fait penser au résultat d’un croisement entre une F6B et une CTX700 plutôt qu’à une cousine germaine de la ST1300. Au point où on se demande quel lien de parenté unit les deux 1300.

Son carénage massif surmonté de son pare-brise minimaliste et son guidon immense renvoient une sensation de lourdeur et lui donnent un caractère pataud qui refroidiront certains pilotes, particulièrement  les adeptes de routières sportives, voire de GT cherchant une monture plus relax ou encore les pilotes de petit gabarit. Basse, longue et lourde, la CTX1300 est imposante et commande le respect. À l’arrière l’énorme pneu de 200 mm ne passe pas inaperçu. Les jantes sont chaussées de pneus Dunlop D423 à vocation routière.

Visuellement, quelques petits détails détonent par leur côté bon marché, comme les couvre-culasses et le cache-radiateur en plastique, mais, globalement, la qualité de fabrication est irréprochable. Néanmoins, on réalise rapidement que la CTX a été conçue principalement pour le marché nord-américain où les customs à sacoches ont la cote. Les autoroutes rectilignes qui traversent le continent et les Dairy Queen seront le terrain de prédilection de la Honda, à n’en point douter.

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Facile à appréhender

Malgré son gabarit imposant, la CTX1300 reste facile à prendre en main. Elle se montre plutôt agile et leste. Son centre de gravité bas favorise la maniabilité, tout comme le guidon large et relevé qui offre un bon levier et facilite la mise sur l’angle. La garde au sol (130 mm) est bonne pour un gros cruiser et il faut adopter un rythme soutenu pour faire frotter les repose-pieds. Dotée d’une stabilité impériale en ligne droite et en virages rapides, la Honda garantit une tenue de route sans reproche. Dans les courbes serrées et les enchaînements, il faut cependant anticiper en raison du gabarit et du poids de la bête qui affiche une certaine inertie.

Le freinage C-ABS combiné est excellent, comme toujours chez Honda. On peut freiner uniquement au pied dans la majorité des cas, mais l’usage des deux, levier et pédale, est recommandé en cas d’urgence ou en conduite plus sportive.

Le V4 issu de la ST1300 fait preuve d’une grande souplesse, en plus d’être exempt de vibrations. Il reprend sans broncher en bas de 1 800 tr/min, même sur le dernier rapport et se montre très coupleux entre 2 500 et 5 500 tr/min, offrant des reprises et des accélérations excellentes dès 3 000 tr/min. Très linéaire, il possède moins d’allonge que celui de la ST1300 et se montre moins enthousiasmant. La zone rouge débute à 7 000 tr/min et la puissance maxi de 84 ch est délivrée à 6 000 tr/min. Le couple maximum s’établit à 78 lb-pi à 4500 tr/min. La sonorité du V4 est plus grave, mais s’avère très agréable.

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Position de conduite et confort à la custom

Même si la selle de la CTX est étonnamment basse (735 mm), elle est large et force le pilote à écarter les jambes de façon exagérée. Il est difficile de bien poser les deux pieds à plat au sol, sauf pour les grands gabarits. Si vous ajoutez à cela le poids imposant de la machine, les manœuvres à basse vitesse deviennent hasardeuses pour quiconque n’a pas l’habitude de piloter un paquebot sur deux roues. Heureusement pour le pilote, la selle est spacieuse et moelleuse.

Cependant, la position de conduite trahit le caractère custom de la CTX1300. Le pilote est assis le dos un poil incliné vers l’arrière, les pieds légèrement avancés et les bras écartés en raison du guidon haut et large. Cette position devient vite inconfortable au fil des kilomètres, car elle fait reposer une partie importante du poids sur le bas de la colonne vertébrale du pilote. Un phénomène amplifié par l’absence de pare-brise digne de ce nom. Par ailleurs, la suspension se montre sèche sur chaussée dégradée et transmet le moindre choc au pilote et à son passager. Ce dernier n’est d’ailleurs pas vraiment à la fête sur la CTX1300. Il accède difficilement à la moto, surtout quand il est de petite taille, en raison des sacoches encombrantes et de la selle large. Ensuite, une fois assis, il se retrouve dans une position inconfortable, légèrement penchée vers l’arrière, avec les bras tendus cherchant à s’agripper sous la selle, en l’absence de poignée de maintien. Les repose-pieds sont positionnés trop haut et les jambes sont très écartées. Les crampes aux hanches se manifestent alors très rapidement. Comme les maux de dos que la sècheresse des suspensions n’arrange guère. La portion passager de la selle est ferme et glissante, déportant le passager vers l’arrière à chaque accélération.

La protection qu’offre l’énorme carénage est insuffisante et on ressent la pression de l’air très tôt. Rouler à des vitesses supérieures à 120 km/h dans les circonstances relève même de la gageure. Comme si ça n’était pas suffisant, le pare-brise bas génère beaucoup de turbulences, lesquelles se montrent particulièrement gênantes pour le pilote, mais encore plus pour le passager, à une vitesse de croisière supérieure à 90 km/h. Le niveau sonore dans le cockpit est très élevé au point où il est impossible d’entendre l’excellent système audio ou d’avoir une conversation avec votre passager ou avec un interlocuteur au téléphone dès qu’on roule à vitesse d’autoroute. Dans ces conditions, le confort est vite entamé, ce qui n’incite pas à entreprendre de longues sorties. Un comble pour une moto à vocation routière.

Sur l’autoroute, on aurait aimé bénéficier d’un régulateur de vitesse pour se reposer le poignet droit, ce qui aurait été d’autant plus facile à installer que cet accessoire existe déjà au catalogue Honda (Goldwing) et que la moto dispose d’un accélérateur électronique. En ville, une marche arrière aurait été bienvenue pour stationner ou reculer dans son entrée de garage, le poids imposant de la bête rendant l’opération périlleuse quand on n’a pas les pieds fermement plantés au sol.

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La Honda incite à favoriser un équipement plus léger pour rouler, casque ouvert, blouson de cuir léger, jean kevlar et baskets moto.

Des choix paradoxaux

Au terme d’une semaine en compagnie de la CTX1300, je demeure sceptique, n’arrivant pas vraiment à la cerner. La Honda possède l’apparence d’une routière, mais n’en a pas les attributs. Son carénage massif ne protège pas adéquatement, ses suspensions sont trop sèches, ses valises sont trop étroites pour y ranger un casque et le confort réservé au passager est indigne d’une grande routière. Son look suggère le confort et vous fait rêver à de longs périples à l’américaine, mais, à l’usage, elle n’est pas très à l’aise dans ce genre d’utilisation. Ni en ville d’ailleurs, où elle est handicapée par son poids élevé et son gabarit imposant. Même chose sur les routes secondaires où la géométrie de direction orientée custom ne permet pas de rouler à un rythme soutenu. De plus, le large pneu arrière de 200 mm ralentit un peu la direction et nuit à la maniabilité de la Honda. Reste son look décalé qui s’il plait à certains ne rallie pas l’assentiment des amateurs de «Baggers» qui le trouvent trop futuriste à leur goût.

Ni Pan European ni Pan américaine

À mi-chemin entre les cruisers «Made in Milwaukee» et les GT classiques, la CTX1300 est une custom à sacoches qui propose une version plus détendue du tourisme dans laquelle la vitesse cède le pas à la décontraction. Avec elle, on musarde le nez au vent plus que l’on trace la route. On roule à l’Américaine, pas à l’européenne. La performance et l’efficience ne sont pas au chapitre de ses préoccupations premières. La Honda incite d’ailleurs à choisir un équipement plus léger pour rouler — casque ouvert, blouson de cuir léger, jean kevlar et baskets moto — alors que sur la ST on opte plutôt pour un casque intégral et un ensemble complet en textile (ou en cuir, selon les préférences), avec le maximum de protection.

Personnellement, la CTX1300 me fait regretter la ST1300 qui correspond plus à mon style de pilotage et à mes préférences. Et qui est mieux adaptée au tourisme rapide en duo. Car, et c’est là le défaut majeur de la CTX1300 à mon avis, le passager est maltraîté sur la grosse Honda. Étant donné le sort qui lui est réservé, il ne sera pas enclin à entreprendre de longues sorties et tiquera à l’idée de partir explorer le continent, même par les autoroutes. La CTX1300 n’est pas une Pan European (le nom de la ST1300 en Europe) et encore moins une Pan américaine, mais plutôt un gros cruiser au look de vaisseau intersidéral. Même si le CTX1300 connait le succès commercial espéré par Honda, j’espère que la compagnie gardera malgré tout la ST1300 à son catalogue… à moins que le Géant Rouge ne travaille déjà sur sa remplaçante, une authentique routière cette fois-ci!

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Visuellement, quelques petits détails font bon marché, comme les couvre-culasses et le cache-radiateur en plastique, mais, globalement, la qualité de fabrication est au rendez-vous.

Informations générales

  • Poids tous pleins faits : 338 kg
  • Hauteur de selle : 730 mm
  • Capacité essence :  19,5 L
  • Consommation : 6,8 L/100
  • Autonomie : 288 km
  • Durée de l’essai: 650 km
  • Prix : 18 999 $
  • Coloris : rouge Candy Prominence ou gris-bleu métallique

Moteur

  • Moteur : V4 à 90°, DACT, 4 soup./cylindres, refroidissement liquide
  • Puissance : 84 ch à 6 000 tr/min
  • Couple : 78 lb-pi à 4 500 tr/min
  • Cylindrée : 1 261 cc
  • Alésage x course : 78 x 66 mm
  • Rapport volumétrique: 10:1
  • Alimentation : injection PGM-FI
  • Transmission : 5 rapports
  • Entraînement : par cardan

Partie cycle

  • Suspension : fourche inversée, tubes de 43 mm dépourvue de réglages; deux amortisseurs ajustables en précontrainte du ressort
  • Empattement : 1 645 mm
  • Chasse/Déport : 28°30/ 118 mm
  • Freins : 2 disques de 310 mm et étriers 3 pistons à l’avant; simple disque de 316 mm avec étrier 3 pistons à l’arrière. Freinage combiné C-ABS de série
  • Pneus : Dunlop D423
    130/70R18 à l’avant
    200/50R17 à l’arrière

 Verdict rapide

On a aimé

  • La souplesse et le couple du gros V4
  • Le freinage C-ABS
  • Les rétroviseurs larges offrant une bonne visibilité arrière
  • Le système audio Bluetooth
  • Le tableau de bord complet et facile à lire
On a moins aimé

  • Le gabarit et le poids excessif
  • Le manque de confort en duo
  • La position de conduite custom
  • L’absence de régulateur de vitesse
  • L’absence de marche arrière

Galerie

4 réponses à “Essai Honda CTX1300 2014”

  1. Georges

    puis-je proposer le partage sur mon forum CTX1300 HONDA ?
    http://honda-ctx1300-forum.forumactif.org/f1-forum-ctx-1300-honda

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  2. André C.

    Encore une fois Honda a manqué le bateau, Cette moto est une belle création, mais pourquoi avoir réduit la puissance à 84 chevaux? Mais le pire est au niveau de la suspension, 2 amortisseurs qui font pas le travail! Allo Honda, ici la terre, vous me recevez? Une bonne suspension et un moteur puissant ferait une différence! Pourquoi toujours gâcher le résultat? Comme avec les 700 et 750 d’environ 48 chevaux! Un FZ-07 en a 75 par exemple! Je me fiche de la conso. je veux de la puissance, pas besoin de 150 chevaux, mais 70-80 dans un 750 c’est pas trop demander! Le Gold Wing qui change pas depuis 15 ans! Vos nouveaux 300 sont (CBR et cie) viennent de sortir et déjà ils sont derrière Kawa et Yamaha d’environ 15 chevaux! Réveillez vous Honda……

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  3. Michel M

    Je possède cette Honda CTX1300 et j’aime rouler avec cette moto sensation un peu sportive bonne performance beau look . Les personnes de moins de 5 Pi 9 plus difficile à manier en ville. Selle large et haute.
    Ce n’est pas une moto pour rouler de grande distance a deux. J’avais un custom avant et rien ne se
    compare c’est vraiment un réel plaisir de conduire cette moto. Une moto différente qui ne convient
    pas a Monsieur et Madame tout le monde. Ma note 8.5 sur 10. Mon ancien custom 7 sur 10.

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