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Escapade nocturne au pays des lycanthropes et des mythes

Photos David Reygondeau, Good Shoot, DR

Soir morne. Tu es seul, avachi dans ton sofa. Tellement perdu que tu ne sais plus depuis quand tu es seul. Cinq minutes ? Deux jours ? Un mois ? Soixante ans ? En fait, n’est-on pas seul toute sa vie, même quand on la traverse bien accompagné ?

Derrière les rideaux du salon, la Lune éclaire la rue comme en plein jour. Comme si un allumeur de réverbères céleste l’avait embrasé durant la nuit pour faire fuir les mauvais rêves et les hardes de brigands. Et tu ne peux pas dormir. Perdu entre deux mondes, il suffit pourtant de cette Pleine Lune pour que tu émerges du royaume d’Hadès et vainques le Cerbère afin de revenir parmi les vivants.

Tu te lèves et tu erres à pied, sans but, aux rayons de la Lune radieuse, tel un mort-vivant. Un appel de phare, à l’horizon, te redonne espoir. Tu fonces vers lui à tombeau ouvert, en faisant attention de ne pas tomber dedans. Cette lumière qui brille au loin, c’est tout ce qu’il te faut pour croire. Pour vivre.

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Tel un loup-garou, tu mues. Tu te métamorphoses. Le cuir remplace ta peau, un casque tes cheveux. Ganté, botté, tu cours vers elle. Le souffle haletant. Les tempes battantes. Cette lumière au loin, c’est la sienne. Et au fur et à mesure que tu t’en approches, tu retrouves ta vitalité.

Quand tu arrives enfin auprès d’elle, une clé sort de ta main, comme par miracle. Tu ne sais pas comment elle est arrivée là, mais, instinctivement, tu l’introduis dans le barillet et tu la tournes. Le tableau de bord s’illumine. Tu appuies sur le démarreur et le moteur s’ébroue dans un râle jouissif, sensuel. Rhââ Lovely !

Tu es prêt désormais. Il ne reste qu’à la chevaucher. Mais, si tu l’enfourches, il faut partir, t’enfuir, déguerpir. Aller voir ailleurs si l’asphalte est plus noir, le bitume plus lisse. Les routes plus sinueuses.

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Elle te prend par la main et te montre le chemin. Et même si tu sais qu’elle est à moitié cinglée, tu la suis, aveuglément, sans réfléchir. Sans juger. En fait, tu la suivrais au bout du monde si elle te le demandait. Au bout de sa folie. Car tu veux faire la route avec elle, pour le plaisir. Par amour. Tu sais que tu peux lui faire confiance, qu’elle ne te trahira pas. Et qu’elle aussi ira au bout de ta démence. Elle te redonne vie, toi le pantin cassé, abandonné.

Et tu roules vers le Soleil levant, pour voir si le Soleil et  la Lune se croisent brièvement quand l’un se lève et l’autre se couche. Pour les voir s’embrasser furtivement, le temps d’une éclipse. Et aller te coucher. À ton tour. Tandis que ta monture se remet de son escapade nocturne, elle aussi.

Avant de sombrer dans les bras de Morphée, tu ne peux t’empêcher de te demander si tu as rêvé ou si tout cela est bien réel. Tu sais les vertus que l’on prête à la Pleine Lune. Et les influences qu’elle exercerait sur les Hommes. Et les motards en particulier. Les chercheurs prétendent même qu’ils auraient plus d’accidents les soirs de Pleine Lune…

Une réponse à “Pleine Lune motarde”

  1. Michel Bédard

    Wow !

    Comme à chaque fois, te lire est un pure délice ! Peut-être parce que je me reconnais tellement à travers tes textes ! Tu mets en mots presque à chaque fois ce que je ressens, pour ce sport qui me garde en vie, me passionne tellement, m’allume le regard. Oui, ma lumière au bout du tunnel est bien ma moto et le sport motocycliste dans son ensemble, comme tu l’as si bien exprimé. Et le plus merveilleux, c’est que ma conjointe est exactement à la même place que moi …

    Merci !

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