« Éditos

Rien ne va plus!

Jusqu’à tout récemment, j’avais confiance dans les institutions et je pensais que nos élus travaillaient au bien-être général de la société. Qu’il s’agissait de gens foncièrement honnêtes et intègres qui, comme les fonctionnaires qu’ils nomment ou engagent, respectaient les lois et le processus démocratique grâce auquel ils ont été portés au pouvoir.

Aujourd’hui, je me questionne. Je voudrais toujours être légaliste et optimiste, mais divers événements, comme les déboires financiers de la Caisse de dépôt et placement du Québec ou les malversations de certains courtiers — les affaires Jérôme Kerviel (Société Générale) et Bernard Madoff (Wall Street) ont révélé des pratiques frauduleuses de très grande envergure et mis en lumière les failles d’un système que l’on croyait à toute épreuve —, me plongent dans un cynisme qui ne m’est pas coutumier. Elles montrent que ces gens qui ne rendent de comptes à personne et ne peuvent être tenus responsables de leurs erreurs sont éminemment dangereux. D’autant qu’aucun système de prévention ne semble avoir été mis en place pour les empêcher de nuire au bien public.

Mais c’est le scandale des feux de circulation truqués en Italie qui a achevé d’enfoncer le clou dans le cercueil de mes illusions. Que des élus municipaux, des administrateurs publics, des policiers et des juges puissent sciemment mettre en place un système d’extorsion caractérisé des usagers de la route, au mépris des lois qu’ils promulguent ou qu’ils sont chargés de faire respecter, me révolte au plus haut point. Je veux bien reconnaître que ça ne se passe pas chez nous, mais dans un pays où la corruption et la magouille sont monnaie courante. Pourtant, le fait est révélateur de la perversion d’un système mondial qui soutient l’industrie mondiale à grand renfort de milliards et met des millions de travailleurs en faillite. Qui fait financer l’incompétence des ténors de la grande industrie et de la haute finance internationale — ses plus ardents défenseurs — par les sans-le-sou qui souffrent le plus de cette situation dont ils ne sont malheureusement pas responsables. Quand on en vient à émettre plus de 100 000 contraventions illégales qui auraient fait rentrer plus de 130 millions d’euros (environ 200 millions de dollars) dans les caisses des villes scélérates, on doit être considéré comme un bandit de grand chemin. Et puni comme tel. J’ai hâte de voir si la justice italienne va avoir le courage de punir certains de ses membres. Franchement, j’en doute.

Ici, les mauvais investissements de la Caisse de dépôt et placement du Québec vont priver les contribuables québécois de près de 38 milliards de dollars. «C’est pas des peanuts!» comme on dit couramment. Un bas de laine que les travailleurs de la Belle Province ont constitué à force de sacrifices et de contributions — pas toujours volontaires — pour assurer leur retraite et financer leurs services sociaux. Aujourd’hui, ceux qui approchent de leur retraite ne savent pas s’ils pourront jouir du revenu de leurs épargnes… et c’est encore pire pour les plus jeunes qui devront certainement travailler jusqu’à leur mort (et peut-être même après…). Et je ne parle pas de la santé, de l’éducation et des autres secteurs qui vont être touchés par cette crise sans précédent.

Du côté de la SAAQ — un des «plus petits» gros déposants publics —, c’est un trou de 8 milliards que les usagers — encore eux — vont devoir éponger. Quand on constate les conséquences de la ponction de 2 milliards que le gouvernement a faite dans le fonds de la SAAQ en 1988 et 1995, on peut s’inquiéter pour notre avenir. Certains spécialistes estiment qu’il faudrait augmenter le coût des permis ou des immatriculations des véhicules de cinq millions d’usagers de la route — automobilistes et motocyclistes inclus — de 60$ par année, pendant 10 ans pour revenir à l’encaisse prévue par la loi. Ça, c’est seulement si les «génies financiers» de la Caisse ne font pas d’autres conneries d’ici là. Ou si on n’a pas sous-évalué celles qu’ils ont déjà faites. Ce à quoi un responsable de la SAAQ a répondu : «C’est sûr que cela va faire mal… mais les résultats d’une mauvaise année ne sont pas une catastrophe». Avouez qu’on nous prend vraiment pour des tartes! Et que le mépris de certains administrateurs publics est sans borne.

Malgré cela, le gouvernement — qui est le représentant élu des Québécois, je vous le rappelle — ne peut même pas intervenir et congédier les administrateurs incompétents de la Caisse. On nage en pleine comédie ubuesque. Preuve ultime que rien ne va plus… Faites vos jeux! Et priez pour gagner au Lotto 6/49. C’est peut-être votre seule chance de vous en sortir. Dans le pire des cas, vous contribuerez à enrichir Loto Québec… et renflouer les caisses de l’État, indirectement.

3 réponses à “Rien ne va plus!”

  1. Cricri

    Privatiser les profits mais collectiviser les pertes, c’est depuis toujours le credo du libéralisme. Ce qui est nouveau, c’est l’ampleur des pertes et le cynisme total des dirigeants occidentaux qui se prêtent de bonne grâce au hold-up des banques, que l’on peut formuler ainsi : « Nous avons joué et perdu au casino l’argent que vous nous aviez tous confié ; OK, maintenant, donnez-nous X milliards de dollars/d’euros pour nous permettre de maintenir à un niveau acceptable la poursuite de notre métier de base et appliquer des taux d’intérêt invraisemblables au citoyen-emprunteur, qui nous finance désormais via ses impôts. » Parfois, je me plais à penser que la sentence infligée par les dirigeants chinois aux patrons d’entreprises dont le lait avait empoisonné des enfants aurait valeur d’exemple sous nos climats… et n’oublions pas d’envoyer la facture de la balle à la famille du condamné ; à cynique, cynique et demi !

    Répondre
  2. Didier

    Quand j’ai entendu Sarkozy déclarer qu’il voulait «moraliser le capitalisme», ça m’a rappelé F. D. Roosevelt qui, en lançant son New Deal (1933-1934), prétendait vouloir civiliser le capitalisme sauvage et lui redonner un visage humain. Pourtant, 75 ans plus tard, on est revenu au même point.
    La déclaration de Sarkozy sonne comme un aveu des abus et des malversations auxquels se sont livrés les institutions financières, les banques, les dirigeants de grandes entreprises et les hommes politiques. Ces derniers sont coupables d’avoir «laissé faire» et d’avoir perdu le contrôle de la situation (l’ont-ils jamais eu ce contrôle?).
    Je suis curieux de voir lequel des chef d’état occidentaux osera le premier poser des gestes forts (nationalisation des banques, règlementation des marchés financiers, imputabilité des patrons, des politiques et des administrateurs publics…). Obama a fait un premier pas dans la bonne direction en imposant un plafond salarial aux dirigeants des sociétés recevant l’aide de l’État, mais il faut aller plus loin pour redonner confiance aux citoyens dans un système qui les paupérise.
    Mais je ne suis ni économiste, ni politicien. Juste un motocycliste citoyen fatigué de payer les pots cassés…

    ——————————–
    «Je pense que les institutions bancaires sont plus dangereuses pour nos libertés que des armées entières prêtes au combat. Si le peuple américain permet un jour que des banques privées contrôlent leur monnaie, les banques et toutes les institutions qui fleuriront autour des banques priveront les gens de toute possession, d’abord par l’inflation, ensuite par la récession, jusqu’au jour où leurs enfants se réveilleront, sans maison et sans toit, sur la terre que leurs parents ont conquis.»

    Thomas Jefferson
    Président des États-Unis (1801-1809)

    Répondre
  3. Pierre G

    Wahhh ! La révolte gronde chez les tarmos… Cricri très fâché !
    Merci Didier pour la citation de Jefferson.

    On peut aussi citer le programme du Conseil National de la Résistance, gaullistes et communistes ensemble (entre autres), qui, riches (hum) de l’enseignement des causes qui avaient conduit à la montée des nationalismes, au nazisme et à la guerre, a construit la France d’après 1945 :
     » la pleine liberté de pensée, de conscience et d’expression; la liberté de la presse, son honneur et son indépendance à l’égard de l’État, des puissances d’argent et des influences étrangères
     » l’instauration d’une véritable démocratie économique et sociale, impliquant l’éviction des grandes féodalités économiques et financières de la direction de l’économie
     » le retour à la nation des grands moyens de production monopolisée, fruits du travail commun, des sources d’énergie, des richesses du sous-sol, des compagnies d’assurances et des grandes banques
     » un plan complet de sécurité sociale, visant à assurer à tous les citoyens des moyens d’existence, dans tous les cas où ils sont incapables de se le procurer par le travail, avec gestion appartenant aux représentants des intéressés et de l’État »

    Pourquoi a-t-on laissé perdre cela au fil des ans ?

    Répondre

Laisser un commentaire